Une opinion de Benoit Hellings, député fédéral Écolo.
La Belgique doit signer le traité d’interdiction des armes nucléaires soumis à ratification depuis fin septembre grâce à un vote intervenu à l’Onu cet été : 122 pays sur 192 étaient « pour« . Pas le nôtre.
Le 3 septembre dernier, la dictature communiste de Corée du Nord a annoncé avoir procédé à un test nucléaire. Depuis des mois, le régime de Pyongyang procède à plusieurs tirs de missiles, démontrant sa capacité à pouvoir détruire le Japon et les États-Unis grâce à son arme atomique. Ce fait géopolitique combiné avec l’escalade verbale en cours entre les dirigeants et diplomates tant nord-coréens qu’américains ont plongé la planète dans la crainte et l’effroi. C’est dans ce contexte que, depuis des mois, les représentants de nombreux États rédigent aux Nations unies un projet de traité qui vise l’interdiction des armes nucléaires.
L’incompréhensible position belge
Cette initiative courageuse a finalement abouti et le texte de ce traité a été ouvert à la ratification ce 20 septembre, c’est historique. Il entrera en vigueur lorsque cinquante pays l’auront signé. Le principal argument qui a porté ce projet est que l’arme atomique aurait des « conséquences catastrophiques sur le plan humanitaire ». Son ambition est de mettre les armes nucléaires hors la loi internationale, comme le sont les armes biologiques depuis 1972, et les armes chimiques depuis 1993, soit d’autres armes de destruction massive.
Cette avancée politique majeure a été rendue possible par un vote de 122 pays sur 192 intervenu à l’Onu le 7 juillet dernier. Malheureusement, la Belgique a voté contre ce texte en suivant l’incompréhensible position des puissances nucléaires officielles que sont la France, la Grande-Bretagne, la Chine, les États-Unis et la Russie. À cette triste liste s’ajoutent les États illégalement dotés de l’arme ultime, soit le Pakistan, Israël et évidemment la Corée du Nord. La position de la Belgique est en contradiction flagrante avec les discours antinucléaires systématiquement portés par notre pays dans les enceintes internationales. Le texte, bien que symbolique, contribue à expliquer les conséquences catastrophiques de l’usage des armes atomiques, et permet d’entrouvrir le débat et les possibilités sur le désarmement nucléaire total. En effet, l’immense majorité des États de cette Planète refuse cette technologie, ce qui montre l’illégitimité démocratique de telles armes.
Poudre aux yeux !
Dans une récente interview, le ministre belge des Affaires étrangères, Didier Reynders, évoque la promotion d’un traité interdisant les essais nucléaires. Poudre aux yeux ! Il y a un an à peine, je l’interrogeais à la Chambre au sujet du stockage sur le territoire belge, à Kleine-Brogel, d’armes nucléaires américaines alors que le traité d’interdiction de ces armes était en négociation, sans que la Belgique ne participe à ces travaux.
Il s’est justifié par notre rôle dans l’Alliance atlantique et le pouvoir de dissuasion que représenteraient ces ogives. Il arguait que la posture de dissuasion nucléaire de l’Otan repose sur les armes nucléaires des États-Unis déployées à l’avant en Europe.
La Belgique va dorénavant assumer la coprésidence de la dixième conférence visant à faciliter l’entrée en vigueur du Traité pour l’interdiction complète des essais nucléaires. Le discours officiel de notre ministre des Affaires étrangères ainsi que ses nouvelles responsabilités onusiennes sont en contradiction avec la position qu’adopte la Belgique sur le traité d’interdiction des armes nucléaires. On ne peut pas promouvoir un monde exempt d’armes nucléaires en ne soutenant qu’à la carte les divers instruments diplomatiques qui visent à l’atteindre.
Des pays parfois alliés au sein de l’Otan et partenaires de la Belgique au sein de l’UE comme l’Irlande, la Suède ou l’Autriche ont bien voté pour et ont même activement soutenu le processus qui a abouti au traité d’interdiction de l’arme atomique. La « dissuasion nucléaire » a souvent été avancée par les puissances nucléaires comme justification de la possession d’une telle arme. L’insupportable escalade en cours démontre l’absurdité de cet argument.
Le mythe est déconstruit
Tout l’édifice idéologique de l’arme nucléaire repose sur ce dogme, appelé aussi « équilibre de la terreur« . On peut certes constater qu’il n’y a pas eu de guerres directes entre les cinq membres du Conseil de Sécurité mais la possession de l’arme nucléaire n’a pas permis d’éviter des guerres dans des pays la possédant, comme en Israël ou entre le Pakistan et l’Inde. Et que dire de l’escalade en cours en Asie…
L’efficacité de l’arme nucléaire dans la construction de la paix mondiale repose sur un mythe bâti depuis les horreurs de Nagasaki et Hiroshima, qui auraient mécaniquement conduit le Japon à capituler. Or ce mythe est aujourd’hui largement déconstruit par plusieurs ouvrages faisant autorité. Les dangereuses gesticulations en cours doivent inciter tous les États à signer et puis ratifier ce traité d’interdiction des armes nucléaires. La Belgique aussi.
Note : L’introduction, les intertitres et le titre sont de la rédaction. Titre original : « La Belgique doit signer le traité d’interdiction des armes nucléaires ».
http://www.lalibre.be/debats/opinions/122-pays-sont-pour-le-traite-d-interdiction-des-armes-nucleaires-mais-pas-le-notre-opinion-59d25784cd70461d26657996
NDLR : on pourrait faire à peu près le même article en remplaçant le mot « Belgique » par le mot « France ».
Commentaires récents