CES PHOTOS PROUVENT L’IMPACT DE FUKUSHIMA SUR DES OBJETS DE LA VIE COURANTE

Lors de l’accident nucléaire de la centrale de Fukushima au Japon, en 2011, d’énormes quantités de particules radioactives ont été rejetées dans l’air. Il était alors possible de mesurer cette radioactivité, mais pas de la voir. Deux Japonais, le photographe Masamichi Kagaya et le Dr Satoshi Mori (Université de Tokyo), ont décidé de montrer les traces que laisse la contamination radioactive grâce à une méthode originale: l’autoradiographie. Un objet ou une plante touchés sont placés sur une plaque sensible, pour produire une image sur laquelle on peut constater la répartition et l’intensité des retombées radioactives. Ces photographies sont exposées à la Galerie Spéos, 7 rue Jules Vallès 75011 Paris, du 13 novembre 2017 au 8 janvier 2018.

«Fukushima est la première catastrophe nucléaire depuis que l’autoradiographie a été inventée, raconte Masamichi Kagaya. Grâce à ces installations, nous pouvons maintenant visualiser la contamination radioactive. Je trouvais cela étrange que personne n’ait essayé de visualiser les radiations, parce qu’on peut les voir à l’hôpital avec les rayons X. Je pensais que nous, photojournalistes, pouvions le faire d’une façon ou d’une autre. Six mois plus tard, j’ai rencontré le Professeur Mori, qui faisait des autoradiographies de plantes depuis 2011. Je lui ai donc demandé si je pouvais me joindre à ses recherches et l’aider à recueillir des échantillons. Nous avons alors commencé à collecter des petits animaux.»

«L’autoradiographie est une technique et une technologie. Elle a été développée après Tchernobyl et s’est étendue au monde entier à la fin des années 1990. Avant cela, nous n’avons photographié que peu de contenu radioactif dans l’environnement. De nombreux chercheurs ont photographié les radiations pour observer leur mouvement sur la faune et la flore et ils ont aussi utilisé les radiations pour analyser l’ADN. Mais notre projet permet de visualiser la contamination radioactive des centrales nucléaires ou des bombes atomiques sur l’environnement de façon plus visible et plus rapide que quand nous photographions avec des rayons X. Cela pourra servir aux médias et aux chercheurs pour observer comment la contamination se propage lors de la prochaine catastrophe sur la planète.»

«Nous recueillons trois types de spécimens: la flore, la faune et les objets du quotidien. Au début de ce projet, nous avions toujours une idée des échantillons que nous souhaitions prélever la zone d’évacuation. Mais maintenant, nous sommes presque prêts à photographier tout ce que nous trouvons et nous rencontrons aussi des habitants qui nous invitent dans leur maison. Nous avons réalisé plus de 300 autoradiographies et le projet est toujours en cours. À la fin de l’année dernière, j’ai réussi à établir une autoradiographie en trois dimensions. Je vais donc développer des travaux 3D pour les objets du quotidien avant de le faire également pour la faune et la flore (par exemple, l’écorce des arbres). Sur cette photo nous pouvons voir les particules radioactives de la racine à la pointe, ce qui indique que l’oiseau a été directement exposé aux retombées ou qu’il volait dans une zone dans laquelle l’air a été contaminé par des particules.»

«À cause de sa forme sphérique, il était impossible de montrer toutes les zones de contamination du ballon de football sur une seule autoradiographie. J’ai donc construit un modèle 3D et j’ai apposé les autoradiographies de chaque face à la surface du modèle. Les images ont révélé des retombées sur la face supérieure et dissoutes sur la surface entière. En montrant les autoradiographies en trois dimensions nous permet de voir la face directement sujette aux retombées et la face opposée en même temps sur l’écran. La plupart des Japonais qui sont venus voir l’exposition ont été d’abord surpris que la contamination soit visible parce que les médias répètent toujours que le rayonnement est invisible.»

«Lorsque nous menions notre enquête à Namie, j’ai trouvé des fraises sauvages sur le sol. Je les ai ramassées en pensant qu’elles avaient absorbées le césium radioactif par le sol mouillé. Selon les rapports scientifiques sur Tchernobyl, les fraises sauvages sont connues pour bien absorber les radiations et leur consommation n’était pas autorisée. J’ai essayé de prendre la plante en entier dans I’autoradiographie pour comparer et voir quelles parties s’imprégnaient le plus des radiations. J’en ai conclu que les fruits étaient plus contaminés que les feuilles.»

«Les parties noires de la branche sont hautement contaminées suite aux retombées de mars 2011. Les branches qui ont ensuite grandi à partir de ces parties en 2012 montrent une seconde contamination de particules radioactives transportées par le vent. Celles de 2013 indiquent encore une plus grande contamination. Les jeunes pousses de 2014 ont un taux de contamination interne plus élevé que les autres feuilles et branches. Le césium radioactif est transmis à la génération suivante. Lorsque nous avons publié notre livre au Japon en 2015, nous avons reçu de nombreuses demandes de lecteurs qui souhaitaient voir des échantillons contaminés en comparaison à des échantillons non contaminés. Dans notre travail nous avons étudié des aliments du supermarché de Tokyo, nous avons démontré que les rayonnements artificiels de la centrale nucléaire de Fukushima contaminent encore les légumes et les animaux. Le taux de radiation est de 10 à 1.000 fois plus élevé que la normale.»

Pour visualiser les photos en plus grandes dimensions, cliquer sur:

http://www.slate.fr/grand-format/radioactivite-japon-150504