À la sortie du conseil des ministres, le 7 novembre, Nicolas Hulot a annoncé qu’il serait « difficile de tenir le calendrier » prévu par la loi de réduire la part du nucléaire à 50 % d’ici 2025. Pour justifier ce recul, il s’est appuyé sur un scénario de RTE – dont le détail n’est pas public – et pointe un risque d’augmentation des émissions de CO2. L’argument n’est pas valable, jugent des experts et des associations.
Extraits de l’article :
… « On a l’impression d’une mise en scène pour faire croire à une décision raisonnable »
L’annonce de Nicolas Hulot a fait bondir Charlotte Mijeon, porte-parole du réseau Sortir du nucléaire. « On a l’impression d’une mise en scène pour présenter la décision du gouvernement comme étant la seule raisonnable, la seule pragmatique, et tuer la critique dans l’œuf, dénonce-t-elle. Ce qui nous semble révoltant, c’est que l’argument climatique soit mis en avant pour repousser la sortie du nucléaire. Si la priorité du gouvernement est vraiment de protéger le climat, pourquoi dégage-t-il plus de 4 milliards d’euros pour Areva dans un budget très serré, tout en demandant aux territoires à énergie positive de se serrer la ceinture ? » Par ailleurs, la question de la prolongation de la durée de vie des réacteurs au-delà de 40 ans va se poser très vite. Si l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) autorise cet allongement, le chantier à mener pour la remise à niveau des réacteurs s’annonce immense – et immensément coûteux. « C’est autant d’argent qui ne sera pas mis dans la transition énergétique et les énergies renouvelables », se désole Mme Mijeon.
La porte-parole du réseau Sortir du nucléaire soupçonne une nouvelle dérobade du gouvernement pour ne pas avoir à affronter EDF. « Cette décision, sous couvert de réalisme, prépare l’inaction dans le cadre de la Programmation pluriannuelle de l’énergie, juge-t-elle. On a l’impression que le gouvernement ne fait pas différemment du précédent et refuse de jouer le rôle de pilote de la transition énergétique. » C’est ce manque de courage qui, selon elle, aurait conduit le gouvernement à déclarer qu’il s’appuierait sur l’expertise de l’Autorité de sûreté nucléaire pour déterminer quels réacteurs fermer et lesquels prolonger. « Seulement, l’ASN, qui devait rendre son avis en 2018, a repoussé l’échéance à 2019 puis à 2021. Résultat, le gouvernement décide d’attendre lui aussi, alors que les signaux inquiétants se multiplient sur le mauvais état du parc et l’incapacité financière et organisationnelle d’Areva et d’EDF d’en garantir la sûreté. »
Pourtant, une réduction du nucléaire sans augmenter les émissions de CO2 serait possible, selon Négawatt
Depuis sa création en 2011, l’association Négawatt a publié trois scénarios successifs de sortie des énergies fossiles et du nucléaire. Yves Marignac, un de ses experts, est mesuré : « Nous continuons à penser qu’il est possible de tenir l’objectif de réduction de la part du nucléaire dans le mix énergétique d’ici 2025, sans augmenter les émissions de gaz à effet de serre, avec plus de volontarisme sur la maîtrise de la consommation d’électricité et sur le développement des énergies renouvelables. » Pour autant, l’important selon lui ne sont pas tant les objectifs fixés que les politiques mises en œuvre pour y parvenir. « Nous ne sommes pas contents que le gouvernement ait reculé sur un objectif structurant de court terme pour la politique énergétique du pays, précise M. Marignac. Mais en même temps, on peut entendre que l’objectif soit différé, à condition que les actions pour y parvenir soient accélérées. On sort d’un quinquennat qui a fixé un objectif fort de réduction de la part du nucléaire en 2025 mais qui n’a pas mis en œuvre les moyens d’y parvenir. Si Hulot se sert de cette annonce pour reprendre le contrôle politique de la trajectoire énergétique et met en place des actions concrètes de maîtrise de la consommation énergétique et de développement des énergies renouvelables, chiche ! »
Le scénario de RTE pour 2025, ainsi que ses quatre autres scénarios pour 2035, marquent néanmoins un tournant, selon Yves Marignac : « La lecture selon laquelle RTE dit seulement qu’il n’est pas possible de réduire la part du nucléaire à 50 % en 2025 est réductrice. Dans ses scénarios, RTE délivre des messages forts : la maîtrise de la consommation électrique est le premier levier d’action ; la consommation électrique va stagner ou baisser ; la fermeture de plusieurs réacteurs et le développement rapide des énergies renouvelables sont actés. » Un discours en rupture avec les précédents bilans prévisionnels présentés par le gestionnaire, qui comportaient tous des scénarios de maintien de la puissance nucléaire installée ou d’augmentation de la consommation électrique.
« Ces scénarios traduisent une évolution : le temps du nucléaire est fini, il va falloir fermer des réacteurs, confirme Charlotte Mijeon. Mais là où le bât blesse, c’est qu’on n’est toujours pas passé à la concrétisation. »
https://reporterre.net/Hulot-et-Macron-reculent-sur-le-nucleaire
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