« Pas de »transfert de Zad‘ » à Bure, mais une lutte toujours plus intense et légitime contre un projet de poubelle nucléaire qui bat de l’aile. » Voilà le message lancé par les opposants historiques au projet de centre d’enfouissement de déchets nucléaires à Bure, peu après l’abandon de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes et juste avant la visite en Meuse du secrétaire d’État Sébastien Lecornu, le 29 janvier.
Quelques semaines après l’abandon par décision gouvernementale du projet d’aéroport Notre-Dame-des-Landes, qui a signé la victoire des militants de là-bas parmi lesquels se trouvaient de nombreux “zadistes”, Sébastien Lecornu s’est rendu le 29 janvier à Bure (Meuse) où existe une autre “zone à défendre” (Zad). L’objectif du secrétaire d’État auprès du ministre de la Transition écologique et solidaire n’était pas de rencontrer ces opposants, mais de visiter la cause de leur courroux : un laboratoire scientifique installé dès 1994 pour analyser la possibilité de stocker, à 500 mètres de profondeur, les déchets radioactifs les plus dangereux des activités nucléaires françaises.
Ce projet de centre industriel de stockage géologique (Cigéo) annoncé pour 2025 divise la population locale depuis ses débuts, au sein d’une lutte éparse où se mêlent inquiétudes citoyennes, convictions anti-nucléaires et scepticisme scientifique.
Si certains militants de Notre-Dame-des-Landes devraient naturellement rejoindre cet autre terrain de lutte par leurs accointances idéologiques avec les opposants de Bure, ces derniers réfutent l’idée d’un « transfert de Zad » et refusent de voir leur longue bataille se résumer à un « effet de mode » militant : « Nous n’avons jamais revendiqué l’étiquette Zad », rappelle dans un communiqué du 23 janvier le Collectif contre l’enfouissement des déchets radioactifs (Cedra), agrégateur des principaux opposants historiques du projet Cigéo (Burestop55, Bure zone libre ou encore les habitants vigilants de Gondrecourt-le-Château). « Il n’y a pas de “transfert de Zad” à Bure, mais une lutte toujours plus intense et légitime contre un projet de poubelle nucléaire qui bat de l’aile. »
« Déni de démocratie »
Le combat contre Cigéo en Meuse s’est vu adjoindre une “zone à défendre” en 2015, à l’époque où le sénateur meusien Gérard Longuet avait tenté d’entériner la création de ce projet par un simple amendement ajouté à la “loi Macron”. Le Conseil constitutionnel a finalement invalidé ce tour de force législatif, et la Zad est restée : composée d’acteurs parmi les plus radicaux de cette lutte, elle se trouve aujourd’hui implantée dans le bois Lejuc à Mandres-en-Barrois, où elle a stoppé certains travaux de l’Agence nationale de gestion des déchets radioactifs (Andra), en charge du développement de Cigéo.
Leurs opérations n’excluent pas la violence, un mode opératoire nouveau mais qui s’inscrit comme l’une des suites logiques du combat d’après un militant de longue date : « Je comprends la radicalisation de certains opposants, face à une sorte de déni de démocratie », expliquait en 2015 un élu communiste du village meusien de Ménil-la-Horgne, Claude Kaiser, qui évoque des débats publics tronqués et l’absence d’une consultation pourtant sollicitée par 60 000 habitants de la Meuse et de la Haute-Marne, à travers une large pétition. Illustration de ce déni de démocratie ressenti par certains : la mairie de Mandres-en-Barrois a cédé en 2015 le fameux bois Lejuc à l’Andra alors qu’elle s’était engagée à suivre l’avis de sa population, consultée par référendum sur la question (50 voix contre sur 86 suffrages exprimés).
« Seule solution crédible » pour traiter les résidus radioactifs émis par la France selon ses défenseurs, le projet Cigéo a « atteint dans son ensemble une maturité technique satisfaisante » d’après l’Autorité de sûreté nucléaire. Qui a néanmoins formulé mi-janvier des réserves quant aux risques liés au stockage de certains types de déchets et demandé des compléments d’information à l’Andra sur la sécurité des installations de ce futur centre.
Par Arnaud STOERKLER • Journaliste de La Semaine •
http://www.lasemaine.fr/2018/02/09/bure-refuse-detre-la-nouvelle-lutte–a-la-mode-
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