Rebondissement dans le dossier des dépenses engagées par la Caisse prévoyance sociale (CPS) en matière de maladies radio-induites. Comme l’a révélé ce vendredi Radio 1, la Cour de cassation a ouvert le 15 mars dernier la possibilité pour la CPS d’obtenir du Commissariat à l’énergie atomique (CEA) le remboursement des frais médicaux engagés pour la pathologie d’un ancien travailleur de Moruroa et Hao. Les magistrats ont en effet annulé la décision de la cour d’appel de Papeete du 18 février 2016 qui refusait à la CPS la possibilité d’engager un recours contre le Commissariat à l’énergie atomique (CEA), la partie civile du Centre d’expérimentation du Pacifique (CEP) et de son sous-traitant Sodetra.
L’ancien travailleur de Moruroa et de la base arrière Hao avait développé un « lymphome folliculaire inguino-illiaque » en 2005, maladie « éligible » à la loi d’indemnisation Morin selon la liste des pathologies radio-induites officiellement reconnues. Initialement, le malade avait saisi en 2006 le tribunal du travail afin de faire reconnaître le caractère professionnel de son cancer.
Il est probable que le CEA se pourvoira en cassation dans ce dossier. Si en dernier recours la justice reconnaissait définitivement à la CPS le droit de réclamer le remboursement des dépenses engagées au titre de maladies radio-induites, et sous certaines conditions, la nouvelle serait de première importance.
Une estimation de la CPS évaluait en 2017 à plus de 54 milliards de francs les dépenses déjà engagées par la Caisse, en progression d’environ 7 milliards par an. Pour l’État, rembourser cette somme équivaudrait de fait à reconnaître que toutes ces maladies ont été provoquées par les tirs atomiques. Les associations qui luttent pour la réparation du fait nucléaire, mais également des élus de l’assemblée de Polynésie ont déjà pointé le coût pour la CPS des maladies potentiellement provoquées par les expérimentations atomiques françaises. Et estimé qu’en conséquence il serait légitime que l’État les prenne à sa charge.
Pour l’instant, Paris botte en touche et souligne que tous les cancers en Polynésie ne sont pas liés à la radioactivité, quand bien même ils apparaissent sur la liste des maladies radio-induites reconnues par la loi Morin.
Une position de plus en plus inconfortable pour le gouvernement central, sachant que l’inversion de la charge de la preuve a totalement bouleversé la donne. Auparavant, c’était au malade d’apporter la preuve que sa maladie était liée à l’exposition aux rayons ionisants des tests français de Moruroa et Fangataufa.
C’est aujourd’hui tout le contraire puisque c’est à l’État d’apporter la preuve que la maladie n’est pas liée aux expérimentations nucléaires. La réforme de la loi d’indemnisation permet à présent à toute personne ayant séjourné en Polynésie française entre 1966 et 1998 de déposer un dossier de demande d’indemnisation en cas de maladie reconnue comme radio-induite. Même si les essais atmosphériques ont pris fin en 1974, l’association 193 par exemple demande à faire sauter le verrou temporel limitant le séjour à 1998, afin d’y intégrer les éventuels malades qui seraient, selon elle, victime d’une transmission transgénérationnelle de pathologies radio-induites. C’était tout l’objet de l’étude commandée par le gouvernement Fritch au Dr Katsumi Furitsu. Comme l’annonçait La Dépêche ce jeudi, la spécialiste généticienne japonaise a renoncé à conduire cette enquête en Polynésie française au motif qu’elle ne pourrait travailler en toute sérénité, le sujet étant polémique depuis le début de l’année à Tahiti.
Damien Grivois
http://www.ladepeche.pf/nucleaire-cea-pourrait-devoir-rembourser-frais-engages-cps/
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