Alors que le gouvernement lance en décembre une grande consultation publique concernant le site d’enfouissement des déchets nucléaires de Bure, cette technologie pose de nombreux problèmes de surveillance et d’accès à des déchets qui resteront radioactifs pendant des dizaines de milliers d’années.
Alors que le gouvernement lance en décembre une grande consultation publique concernant le site d’enfouissement des déchets nucléaires de Bure car ces déchets, posent des questions particulièrement complexes de traitement et de stockage du fait de leur dangerosité et de leur durée de vie vertigineuse.
La France était ainsi assise en 2016 sur un stock de plus d’1,5 millions de mètres cubes de déchets radioactifs. Un chiffre en constante hausse et qui pourrait tripler voire quadrupler en fonction des scénarios de durée de vie de nos réacteurs nucléaires.
En réalité, le problème se pose pour une part très faible de ces déchets -environ 3%, (NDLR : soit 45 mille tonnes tout de même !) qui concentrent toutefois près de 99,8% de la radioactivité totale des déchets et qui pourraient rester radioactif jusqu’à plusieurs centaines de milliers d’années.
Des déchets immortels
Cela pose donc la question du stockage de ces déchets pratiquement immortels. Le gouvernement et des industriels français ont ainsi développé un projet visant à enfouir ces objets de haute activité et à vie longue -selon le jargon de l’industrie- à 500m sous terre, dans la commune de Bure, dans la Meuse. Il s’agirait ainsi d’un vaste réseau de plus de 300 km de galeries souterraines qui desserviraient des centaines d’alvéoles au sein d’une couche d’argile censée ralentir la diffusion de la radioactivité vers la surface au cours des millénaires.
Or c’est justement là que le bât blesse : les opposants au projet expliquent que le site Cigéo de Bure, de par sa conception même, ne respecte pas le principe de réversibilité, qui devrait permettre de retirer les déchets nucléaires, notamment en cas d’incident.
Pour le physicien Bernard Laponche, interrogé par Le Monde, ce choix revient en réalité à “imposer aux générations futures, une pollution des sous-sols, sans espoir de retour, et ce, même si une solution satisfaisante était proposée à l’avenir par la recherche scientifique”.
Il précise qu’à “long terme, la présence d’eau dans la couche d’argile entraînerait la corrosion des emballages de déchets et conduirait immanquablement à des fuites d’éléments radioactifs, parmi lesquels des éléments gazeux qui remonteraient à la surface”.
Le problème de la réversibilité
Le problème c’est que l’on se place ici sur des échelles de temps phénoménales. Selon Bernard Laponche, “quels que soient les dispositifs imaginés pour informer nos lointains descendants de la présence d’un stockage de déchets nucléaires”, impossible de dire ce qu’il restera de cette mise en garde dans plusieurs milliers d’années. On peut même imaginer qu’il ne resterait, dans 10 000 ans, plus que l’information lointaine et diffuse d’un matériau précieux qu’il faudrait aller déterrer, tel un trésor enfoui.
C’est d’ailleurs ce manque de contrôle qui a été pointé par un chercheur français dans une thèse consacrée à l’Agence en charge de la gestion des déchets nucléaire, l’Andra. Leny Patinaux explique qu’au regard des connaissances scientifiques actuelles, il est impossible de prouver la sûreté du stockage, ce que reconnaît l’Andra elle-même.
Dès lors, poursuit-il, “la démonstration de sûreté de Cigéo ne s’appuie pas sur sa justesse mais sur sa capacité à convaincre ses évaluateurs”. Un constat qui a de quoi nous interroger quand on sait les enjeux d’une telle technologie pour les centaines de générations à venir.
Quelles solutions ?
Le problème c’est qu’il n’existe pas de solution miracle pour le traitement de ces déchets millénaires. Des ingénieurs ont envisagé la possibilité de les envoyer vers le soleil, qui les annihilerait immanquablement, avant de reculer face au risque, infime mais cataclysmique, qu’entraînerait une explosion de la navette chargée de matériaux radioactifs.
Aujourd’hui, un certain nombre de scientifiques et d’associations écologistes recommandent donc de les entreposer à sec et proche de la surface. C’est d’ailleurs le choix qui a été fait par nombre de pays nucléarisés comme l’Allemagne ou les États-Unis.
S’il ne s’agit évidemment pas d’une solution définitive, cela permet au moins de garantir la possibilité d’une surveillance et d’une extraction des déchets nucléaires si nécessaire. Cela permet surtout de donner une marge de manœuvre à la recherche et d’offrir aux générations futures la possibilité de choisir. Une question d’éthique donc.
Mais cette incapacité collective à gérer de manière satisfaisante nos déchets radioactifs pose en réalité la question de la pérennité d’un modèle énergétique quasi exclusivement fondé sur le nucléaire. En réalité, cette question continuera de se poser avec d’autant plus de gravité que nous continuerons de nous reposer sur une énergie qui n’est en réalité ni propre ni sûre.
France Culture-2 oct. 2018
https://www.franceculture.fr/emissions/les-nouvelles-de-leco/les-nouvelles-de-leco-du-mardi-02-octobre-2018
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