Benoit Réaux, le directeur délégué de la centrale nucléaire de Penly, était l’invité de France Bleu Normandie ce vendredi matin. Entre les mois d’août et novembre 2022, les deux réacteurs de la centrale seront à l’arrêt en même temps.
Les dirigeants des trois producteurs d’énergie français, TotalEnergies, EDF et Engie ont appelé les Français à réduire leur consommation de carburant, pétrole, électricité et gaz face au risque de pénurie et de flambée des prix. Actuellement, douze réacteurs nucléaires d’EDF en France sont à l’arrêt, ce qui entraine une baisse de production d’électricité, c’est le cas d’un des deux réacteurs de la centrale nucléaire de Penly près de Dieppe.
Le réacteur numéro un de la centrale nucléaire de Penly est à l’arrêt depuis le mois d’octobre dernier pour des travaux de maintenance, une visite décennale, tous les dix ans. Lors de ces travaux de maintenance, un problème de corrosion sur le système de sécurité a été détecté. Qu’est-ce que ça signifie concrètement ?
On parle souvent de corrosion sous contrainte. C’est ni de la rouille, ni un trou dans la tuyauterie. Il n’y a pas eu de fuites. Ce type de corrosion se traduit dans notre cas par des très fines fissures qui ne sont pas visibles à l’œil nu, sur des tuyauteries, avec dans notre cas, des défauts de quelques millimètres pour une épaisseur de la tuyauterie de 25 mm. Ce qu’il faut comprendre, c’est que c’est un phénomène qui est très lent, plusieurs années, et qui ne remet pas en cause aujourd’hui la sûreté de nos réacteurs.
Quelles sont les causes ?
On a identifié cinq zones avec ce type de défaut. Ce défaut, il est lié à la fois aux caractéristiques de l’eau qui circule dans le tuyau, de l’acier, et des efforts que l’on met sur ces tuyaux en acier.
Ça veut dire qu’il y en a partout dans le réacteur numéro un, cinq zones, à quel point c’est important ?
C’est très localisé, c’est localisé sur des tuyauteries d’un système particulier, un système de secours. Vous imaginez un réacteur comme une cocotte-minute qui refroidit avec un circuit principal. Et lorsque ce circuit ne fonctionne plus, vous avez un circuit de secours, qui lui est connecté, et qui vient refroidir le cœur. C’est sur ce circuit là que l’on a ce type de corrosion. Par contre, ce circuit, il a toujours assuré sa fonction de sûreté, et là-dessus, toutes les analyses ont permis de le démontrer.
En janvier dernier, EDF a annoncé que l’arrêt du réacteur numéro un de Penly serait prolongé après la découverte de ce problème de corrosion. Où en est le chantier ? Quand le réacteur numéro un de Penly va-t-il pouvoir redémarrer ?
C’est un chantier qui est relativement long puisque en fait, on découpe un certain nombre de tuyauteries pour expertise, pour aller au bout de la compréhension du phénomène. Et ensuite vient le temps de la réparation. Ça consiste à remplacer les tuyauteries concernées, vous les souder ensemble, pour pouvoir ensuite redémarrer le réacteur. Ce chantier nous emmène avec un redémarrage du réacteur à la fin du mois de décembre.
Est ce qu’il y a un risque qu’il y ait aussi ce type de corrosion dans le deuxième réacteur de la centrale de Penly ?
Aujourd’hui, ce qu’on a acté avec l’Autorité de Sureté Nucléaire, l’ASN, c’est de réaliser des contrôles sur le réacteur numéro 2 de la centrale de Penly. Il est prévu d’être arrêté pour le 20 août, dans le cadre de l’arrêt programmé, le 20 août de cette année 2022. Donc on fera des contrôles à cette occasion.
Le réacteur numéro un et le réacteur numéro deux de la centrale de Penly seront tous les deux à l’arrêt ?
C’est tout à fait ça. Pour le réacteur numéro deux, il est prévu de le redémarrer mi-novembre. Donc effectivement, dans la période du 20 août à mi-novembre, les deux réacteurs de Penly seront arrêtés. Le système français est complètement interconnecté. Pour la région Normandie, ça ne remet pas en cause l’équilibre entre offre et consommation. Notre objectif et notre responsabilité à Penly, c’est de pouvoir remettre à disposition du réseau électrique les deux réacteurs en toute sûreté évidemment, d’ici la fin de l’année.
L’Autorité de sûreté nucléaire a réalisé le 30 mai dernier une inspection à la centrale nucléaire de Penly. Il s’agissait de contrôler les conditions de découpe et d’expertise des tuyaux concernés par cette corrosion. L’ASN a pointé du doigt des insuffisances concernant le processus de découpe et d’expertise, des insuffisances dans les règles de sécurité autour de ce chantier. Est-ce que ces problèmes ont été réglés ? Est-ce que les ouvriers travaillent en sécurité ?
Oui, les ouvriers travaillent en sécurité. Le chantier a repris, quelques jours après avoir répondu à l’ensemble des questions de l’ASN. Il est aujourd’hui terminé. Il est clair que lorsque l’ASN vient en visite, elle soulève tous les points, avec un haut niveau d’exigence, on se doit de répondre à l’ASN. Tous ces points ont été traités. Il n’y a pas eu d’impact sur la qualité, ni sur la sécurité ou l’exposition des travailleurs lors de ce chantier.
Est-ce que les problèmes de corrosion à Penly et ailleurs, c’est un signe de vieillissement, de défaillance des installations françaises ?
Non. Ce qu’on peut dire aujourd’hui, c’est que finalement, c’est grâce au contrôle qu’on a réalisé lors de ses arrêts programmés qu’on a pu détecter, de façon précoce, ces défauts avant qu’ils aient un quelconque impact sur la sûreté de nos tranches. Ce n’est pas tout à fait lié au vieillissement. En fait, il y a un certain nombre de paramètres influents, que sont la géométrie des lignes notamment, et les paramètres de soudage. On a des réacteurs, par exemple le réacteur de Civaux, qui est un réacteur plus récent, avec des défauts un peu plus prononcés, et finalement un impact qui n’est pas directement lié à l’âge des tranches.
Vous garantissez la sécurité, la sûreté des installations nucléaires, en tout cas Penly.
Oui, tout à fait. Et comme je vous l’ai dit, c’est quelque chose qu’on sait traiter, qui prend un peu de temps, mais que l’on sait tout à fait traiter.
Actuellement, douze réacteurs nucléaires sont à l’arrêt en France, ce qui entraîne évidemment une baisse de la production d’électricité. Est-ce qu’on risque des coupures d’électricité en France d’ici la fin de l’année ?
L’ensemble des producteurs d’énergie mène un travail aujourd’hui pour sécuriser le passage de cet hiver. Notre responsabilité effectivement à Penly, c’est bien de redémarrer les deux réacteurs tels que avec les dates que je vous ai indiqué juste avant, à savoir le mois de novembre pour le réacteur numéro deux et le mois de décembre pour le réacteur numéro un.
Penly fait partie des sites retenus par EDF pour construire les nouveaux EPR, les réacteurs nucléaires nouvelle génération. Mais pour l’instant, il n’y a aucun calendrier pour un début des travaux, il faut attendre la décision du gouvernement.
Par Charlotte Coutard, France Bleu Normandie (Seine-Maritime – Eure), Petit-Caux, publié le 1er juillet à 08h24
Photo en titre : La centrale nucléaire de Penly près de Dieppe © Maxppp – FRED HASLIN / MAXPPP
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