NUCLÉAIRE. MANCHE : APRÈS LES ANNONCES DU GOUVERNEMENT, QUEL AVENIR POUR L’IRSN ?

Mon actu : Dans un communiqué de presse paru ce mercredi 8 février 2023, le gouvernement a annoncé vouloir réunir les compétences techniques des deux acteurs de la sécurité nucléaire.

La nouvelle est passée presque inaperçue. Ce mercredi 8 février 2023, dans un communiqué de presse, le Ministère de la Transition écologique a annoncé que « le Conseil de politique nucléaire a passé en revue tous les enjeux de l’amont et de l’aval du nucléaire et pointé l’importance de conforter l’indépendance et les moyens de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) ».

Dans ce cadre, « il a été décidé que les compétences techniques de l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN) seront réunies » avec celles de l’Autorité de sûreté Nucléaire (ASN), la DNSD (son équivalent dans le monde militaire), et la CEA, chargé de la recherche.

Alors, l’IRSN disparaîtrait-il totalement ?

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Et l’indépendance des recherches ?

Aussitôt les syndicats CFDT, CFE CGC et CGT de l’IRSN ont fait part de leur surprise.

« Ces annonces ont créé une grande inquiétude sur notre avenir et celui de l’indépendance de l’expertise de la sûreté, de la sécurité nucléaire et de la radioprotection » (Les syndicats CFDT, CFE CGC et CGT de l’IRSN)

En effet, selon eux, l’indépendance de leur institut repose sur le système dual qui distingue le temps de l’expertise et celui de la décision.

Le gouvernement lui estime au contraire, que cette décision « renforce l’indépendance du contrôle en matière de sûreté nucléaire, au sein d’un pôle unique et indépendant de sûreté » et pourrait, surtout, « fluidifier les processus d’examen technique et de prise de décision de l’ASN pour répondre au volume croissant d’activités lié à la relance de la filière nucléaire souhaitée par le Gouvernement »

À l’heure où la France s’apprête à construire de nouveaux EPR, le gouvernement prépare-t-il le terrain ?

« C’est la logique actuelle de verrouillage. Pour pousser le nucléaire, il faut évincer tout ce qui gêne. L’ASN en a fait trop avec l’EPR de Flamanville ! Le gouvernement veut dilapider les fonctions de l’IRSN, c’est très inquiétant. » (Yannick Rousselet, chargé de campagne nucléaire chez Greenpeace)

Il craint que l’IRSN ne puisse plus se pencher sur la recherche et soit seulement en charge de missions à exécuter. Des craintes largement partagées par les syndicats de l’institut.

« Une recherche indépendante repose sur la production de connaissances spécifiques, différentes de celles qui sont nécessaires aux acteurs du développement des technologies nucléaires dont le CEA ». « D’autant que le CEA est sous la coupe du gouvernement et a une grande politique du secret ! », insiste Yannick Rousselet.

Qui fait quoi ?

Actuellement l’ASN (Autorité de sûreté nucléaire) est une autorité administrative indépendante qui assure des missions au nom de l’État et a pour but de contrôler les activités nucléaires civiles en France. L’IRSN, lui, est un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) sous la tutelle de plusieurs ministères, qui effectue notamment des mesures de contrôle sur les sites nucléaires et des recherches, travaux et formations sur la radioprotection.

Concrètement, l’ASN, est défini comme le gendarme du nucléaire, et a, par exemple, annoncé les écarts affectant le circuit primaire principal de l’EPR de Flamanville. L’IRSN a lui, analysé les dispositions retenues par EDF et proposé, si nécessaire, des évolutions pour améliorer la sûreté du nouveau réacteur.

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Un calendrier engagé

« Comment l’État peut-il prendre cette décision sans associer ni l’IRSN, ni la société civile, ni même les élus de la nation ? », s’étonnent encore les syndicats.

Pourtant le calendrier semble fixé. Agnès Pannier-Runacher, a demandé au Président de l’ASN, Bernard Doroszczuk, au Directeur général de l’IRSN, Jean-Christophe Niel, et à l’Administrateur général du CEA, François Jacq, de lui proposer, d’ici fin février 2023, les premières mesures et une méthode de travail permettant de mettre en œuvre ces orientations, avant une feuille de route plus détaillée en vue de la loi de finances 2024.

« C’est aussi ahurissant qu’inquiétant », juge finalement Yannick Rousselet. L’intersyndicale invite les salariés à une assemblée générale ce mardi 14 février 2023, après avoir participé à un CSE extraordinaire dans la matinée.

Par Solène Lavenu pour La Presse de la Manche, publié le 13 février 2023 à 17h49

Photo en titre : L’ASN assure le contrôle toutes les installations nucléaires, comme l’EPR de Flamanville (Manche), de la conception au démantèlement. (©Jean-Paul BARBIER)

https://actu.fr/normandie/flamanville_50184/nucleaire-manche-apres-les-annonces-du-gouvernement-quel-avenir-pour-l-irsn_57346927.html

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