Corinne Lepage, avocate du Canton en France, déplore la relance du nucléaire français.
Le président français Emmanuel Macron a annoncé fin juillet la relance du programme nucléaire français avec à la clé la construction de six nouveaux réacteurs de type EPR de nouvelle génération, dont les premiers pourraient sortir de terre à partir de 2035. À proximité de Genève, la centrale du Bugey devrait, elle, être modernisée au début des années 40.
2040, c’est loin, mais la relance française s’opère à marche forcée comme en témoignent d’abruptes simplifications de procédures adoptées fin juin. Dorénavant par exemple, les opérateurs seront dispensés de la nécessité d’obtenir « des permis de construire lors des installations et travaux de création des nouveaux réacteurs nucléaires ». Par ailleurs, la loi protégeant le littoral, qui proscrit les constructions en bord de mer, saute ; enfin, les procédures d’expropriations ont été accélérées.
« Pas de débat sur le nucléaire »
« Il n’y a pas de vrai débat en France sur le nucléaire », déplore Corinne Lepage, ancienne ministre de l’Environnement et avocate du Canton de Genève dans les procédures l’opposant à EDF. C’est le reflet, estime l’ancienne ministre, de l’emprise du lobby du nucléaire, qui s’opère avec le soutien de la classe politique, « dont la proximité et la perméabilité avec le lobby nucléaire ne sont plus à démontrer ».
« Le Conseil d’État se déterminera à la rentrée sur la suite qu’il entend donner à ce dossier et sur les moyens à y consacrer. » (Antonio Hodgers, président du gouvernement genevois)
Cette emprise se matérialiserait notamment par le colportage de « fake news » sur le prix réel de l’énergie nucléaire, complètement sous-estimé. Mais aussi « par une grande violence verbale, à l’encontre de ceux qui ont tenté de réduire un peu la part du nucléaire dans le mix énergétique français ». Alors qu’il s’agit « d’un débat de société, estime l’ancienne ministre, on a fait du nucléaire en France un débat politicien où les partisans de la France insoumise (LFI) et des Verts sont la seule opposition. »
Concernant le Bugey, estime l’avocate, « le canton de Genève pourra faire valoir son opposition, notamment lors des débats à venir devant la Commission nationale du débat public et lors des débats transfrontaliers, en évoquant par exemple les problèmes d’alimentation en eau de cette centrale située le long du Rhône. » En revanche, les recours formels devront attendre la publication des autorisations par le gouvernement qui ne devrait pas intervenir avant 2025-2026.
Combat historique cantonal
La centrale du Bugey a été mise en service en 1978. Elle comporte quatre réacteurs, dont l’activité est soumise à des autorisations décennales. La dernière, qui aurait dû être délivrée en 2018, a été finalement délivrée en 2021. À l’époque, le conseiller d’État Antonio Hodgers en charge de l’énergie avait vivement réagi : « Le Canton n’a pas du tout été mis au courant de cette décision. Nous avons été ignorés par l’État français, alors que nous avons pourtant deux procédures judiciaires en cours en lien avec cette centrale. »
Le Canton et la Ville de Genève mènent depuis des années une guérilla juridique contre la centrale du Bugey devenue depuis la fermeture de Fessenheim la plus vieille centrale nucléaire française. Actuellement, il n’y a plus de procédures en cours.
Courant juillet, Antonio Hodgers, devenu président du gouvernement, prenait acte de la décision française. « Le Conseil d’État se déterminera à la rentrée sur la suite qu’il entend donner à ce dossier et sur les moyens à y consacrer. Nous avons un mandat constitutionnel clair, auquel s’ajoute la question du débit du Rhône, qui fait partie intégrante du dossier nucléaire français. »
Par Marc Bretton, publié le 09 Août à 05h10
Marc Bretton est journaliste à la Tribune de Genève. Il a travaillé au sein de la rubrique nationale et suit les questions politiques et économiques pour la rubrique genevoise depuis 2004. Plus d’infos@BrettonMarc
Photo en titre : Corinne Lepage, ancienne ministre de l’Environnement en France, et avocate du Canton de Genève dans les procédures l’opposant à EDF. JOEL SAGET/AFP
https://www.tdg.ch/centrale-du-bugey-geneve-ne-pourra-pas-sopposer-avant-2026-725734424817
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