Autour de la centrale nucléaire de Zaporijia en Ukraine prolifèrent les avis éclairés, les scénarios d’apocalypse, les appels à la raison de l’AIEA (Agence Internationale de l’Énergie Atomique), les alertes de la presse mondiale soulignant que Zaporijia au bord du Dniepr est une des plus grosses centrales nucléaires du monde (voir à ce sujet le communiqué de Robin des Bois “Vers un nouveau Tchernobyl ?” du 24 avril 2014*).
Autour de la centrale nucléaire de Dimona dans le désert du Néguev en Israël construite à partir de 1958 avec le soutien de l’État français, l’AIEA déserte.
Les puissances et les deux vocations sont incomparables.
Zaporijia combine 6 réacteurs électrogènes de 1000 mégawatts. C’est une installation nucléaire civile. Le réacteur de Dimona a une puissance maximale de 150 mégawatts. Il est situé à 80 km de Gaza et à 40 km de la Cisjordanie. C’est une installation nucléaire militaire. Le réacteur est couplé à un atelier de retraitement des combustibles irradiés et d’extraction du plutonium, une sorte d’usine de La Hague (France) miniaturisée construite par une filiale de Saint-Gobain. Le plutonium n’est pas réutilisé pour faire du Mox (combustible mixte uranium-plutonium utilisé dans des centrales nucléaires à usage civil). Le plutonium de Dimona est utilisé pour faire des armes atomiques dont le nombre, la puissance et la gamme sont secrets, assez de toute façon pour jeter l’épouvante dans tout le Moyen-Orient et au-delà en cas de mise à feu volontaire ou accidentelle. La population du Moyen-Orient est estimée à 361 millions d’habitants.
Rafael Grossi, actuel directeur général de l’AIEA, préfère pour l’heure envoyer ses troupes au Japon pour mesurer le tritium et le césium-137 après les premiers lâchers d’eaux d’extinction des réacteurs de Fukushima dans l’océan Pacifique.
L’AIEA d’aujourd’hui n’est hélas plus celle de 2004, quand son directeur Mohamed El Baradei (prix Nobel de la paix en 2005) prônait à Jérusalem et dans le monde entier la création d’une ZEAN (Zone Exempte d’Armes Nucléaires) au Moyen-Orient. Il déclarait alors : “À mon avis, il y a 2 options au Moyen-Orient. Soit nous aurons, dans les 10 ou 20 prochaines années, 3 ou 4 pays qui essaieront d’acquérir des armes nucléaires et, pire encore, des groupes extrémistes qui essaieront de mettre la main sur des engins nucléaires. Soit nous essayons de mettre en place un système de sécurité fondé sur la confiance et la coopération.” (Sydney Morning Herald, 9 novembre 2004).
Aujourd’hui en effet, le profil nucléaire du Moyen-Orient a bien changé. Une centrale nucléaire est en exploitation aux Émirats-Arabes Unis. Les Émirats-Arabes Unis n’ont pas signé le TIAN (Traité sur l’Interdiction des Armes Nucléaires). Deux réacteurs nucléaires sont en construction en Égypte à El-Dabaa. L’Égypte n’a pas signé le TIAN. Une centrale nucléaire est en construction en Turquie. La Turquie n’a pas signé le TIAN. L’Iran a lancé la construction d’une deuxième centrale nucléaire dans la province du Khouzestan. L’Iran a adopté le TIAN le 7 juillet 2017 mais ne l’a pas signé ni ratifié. L’Arabie Saoudite souhaite se doter de l’énergie nucléaire civile. La Chine, les États-Unis, la Corée du Sud et la France sont en concurrence pour obtenir le marché. La Jordanie entend se doter de centrales nucléaires flottantes dans le Golfe d’Aqaba. Ni l’Arabie Saoudite ni la Jordanie n’ont signé le TIAN. Pour se défaire de la dépendance au charbon et au gaz naturel, Israël envisagerait la construction d’une centrale nucléaire à usage civil.
Israël a dans les mains un formidable levier de décompression et d’apaisement au Moyen-Orient. En annonçant le projet révolutionnaire de procéder au démantèlement de son arsenal nucléaire, le gouvernement israélien entraînerait l’Iran dans la voie de la sagesse et l’obligerait à renoncer au projet d’élaborer des armes nucléaires qui lui est attribué. Le Moyen-Orient pourrait alors avoir en perspective la création d’une Zone Exempte d’Armes Nucléaires.
* https://robindesbois.org/vers-un-nouveau-tchernobyl/
Publié le 6 novembre 2023
Photo en titre : Réacteur nucléaire militaire de Dimona, Israël, 13 août 2016 © Moshe Shai/Flash90
https://robindesbois.org/nucleaire-au-moyen-orient-un-avenir-maussade/
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