Dans le catalogue des promesses que la gauche n’aura pas tenues, l’atome occupera sans doute une place de choix. Le candidat Hollande avait pris deux engagements, maintes fois réitérés après son élection : fermer la doyenne des centrales françaises, Fessenheim (Haut-Rhin), avant la fin du quinquennat et réduire la part du nucléaire dans la production d’électricité de 75 % à 50 % à l’horizon 2025. Si aucun de ces deux objectifs n’est formellement abandonné, ils font, à mesure que le temps passe, figure de mirages.
Attendue pour le 1er juillet – avec déjà six mois de retard –, la programmation pluriannuelle qui doit guider la politique énergétique de la France a été une nouvelle fois différée. Elle sera présentée « d’ici au 15 juillet », assure au Monde la ministre de l’environnement, Ségolène Royal. Des « documents de travail » confidentiels ont néanmoins été soumis, lundi 27 juin, au Conseil national de la transition écologique (CNTE)<http://www.developpement-durable.gouv.fr/Le-conseil-national-de-la,42513.html> . Mais ils ne disent rien, ou presque, de l’évolution du parc nucléaire hexagonal. Leur lecture confirme seulement que les décisions seront repoussées à 2019.. Alors même que la ministre s’était engagée à donner, avant le 1er juillet également, « une fourchette du nombre de réacteurs à fermer, en fonction de deux scénarios d’évolution de la consommation électrique ».
Certes, s’agissant de Fessenheim, il est prévu d’« abroger par décret, en 2016, l’autorisation d’exploiter les deux réacteurs ». Cela, en vertu de la loi sur la transition énergétique<http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/joe_20150818_0189_0001_1_-3.pdf> qui plafonne la puissance du parc électronucléaire à son niveau actuel de 63,2 gigawatts et impose donc, en prévision de la mise en service de l’EPR de Flamanville (Manche), de stopper des unités de capacité équivalente.
Mais l’initiative de cet arrêt revient au PDG d’EDF, Jean-Bernard Lévy, auquel Mme Royal avait demandé d’entreprendre les démarches nécessaires avant « la fin du mois de juin 2016 ». Or l’électricien s’y refuse, tant que n’aura pas été réglé le contentieux de son indemnisation, estimée par la ministre entre 80 et 100 millions, alors qu’il escomptait au moins 2 à 3 milliards d’euros. En outre, à supposer que la fermeture de la centrale alsacienne soit entérinée dans les prochains mois, elle ne deviendra effective que lors de l’entrée en fonctionnement de l’EPR, attendue, au mieux, fin 2018…
…Le gouvernement – sauf à revoir sa copie d’ici à la mi-juillet – se prépare ainsi à laisser à son successeur le soin de programmer la baisse de régime du nucléaire… ou de revenir sur cet objectif, comme Nicolas Sarkozy a déjà claironné qu’il le ferait s’il se retrouvait à l’Elysée.
Interrogée, Mme Royal se refuse à tout commentaire « sur des documents qui n’avaient pas vocation à être divulgués ». Les ONG, elles, ne mâchent pas leurs mots. « Pendant la COP21, la France a mis en avant sa loi de transition énergétique pour afficher ses ambitions. Mais derrière les effets de manche, le gouvernement accumule les retards et les reculs. Tout reste verrouillé par le nucléaire », dénonce Anne Bringault, du Réseau Action Climat et du Réseau pour la transition énergétique.
« La crédibilité du président de la République est en jeu, ajoute-t-elle. Saura-t-il faire appliquer la loi sur la transition énergétique ou cèdera-t-il une nouvelle fois aux lobbys des énergies du passé, mettant en péril les emplois à venir ? »
La difficulté de l’exécutif à trancher dans le vif n’est pas une surprise. Mardi 28 juin, en inaugurant le salon World Nuclear Exhibition au Bourget (Seine-Saint-Denis), le ministre de l’économie, Emmanuel Macron, a encore vanté le « choix français » du nucléaire comme « un choix d’avenir ».
http://www.lemonde.fr/energies/article/2016/06/30/le-mirage-francais-de-la-baisse-du-nucleaire_4960850_1653054.html
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