L’énergie nucléaire est toujours entachée par des soucis de sécurité et de coûts, mais l’Europe n’arrive toujours pas à y renoncer.
402 réacteurs nucléaires fonctionnent actuellement dans le monde, mais leur progression ralentit en raison de la concurrence des renouvelables. Le soutien de l’Europe à l’atome lui assure néanmoins de belles perspectives.
L’idée d’une renaissance de l’énergie atomique refait surface régulièrement. Toutefois, un rapport sur l’état de l’industrie nucléaire mondiale met fin à ce mythe. Actuellement, la Chine est le seul pays qui continue d’investir de manière significative dans l’énergie nucléaire.
Dans les faits, la progression de l’énergie atomique ralentit, Mycle Schneider, qui a présenté le rapport à Berlin cette semaine. Selon cette étude, le nombre de nouveaux réacteurs construits a chuté pour la troisième année consécutive. En 2013, 67 réacteurs ont été construits alors que de janvier à octobre 2016, 58 réacteurs ont vu le jour. Ce qui élève le nombre total de réacteurs opérationnels à 402.
« L’énergie nucléaire fait face à une concurrence accrue, notamment des renouvelables », a déclaré Mycle Schneider à EurActiv Allemagne.
C’est aussi une réalité en Chine, pays pourtant très pro-nucléaire. Sur les dix réacteurs relancés en 2015, huit sont situés en Chine, un en Russie et l’autre en Corée du Sud. Des huit nouvelles centrales nucléaires construites en 2015, six se trouvent en Chine. Par conséquent, l’Asie est quatrième au classement mondial en termes de parts de marché de l’énergie nucléaire.
Effet Fukushima
Un « effet Fukushima » a toutefois été observé, a insisté Mycle Schneider, qui conseille l’agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) et la Commission européenne, entre autres.
L’investissement dans les énergies renouvelables en Chine est passé de 54 milliards de dollars en 2013 à 103 milliards de dollars l’année dernière. À titre de comparaison, aux États-Unis, qui obtient la moitié de son électricité grâce au nucléaire, l’investissement a grimpé de 33 milliards de dollars à 44 milliards durant la même période. Au Royaume-Uni, l’investissement est passé de 12 milliards à 22 milliards de dollars.
En Europe, malgré une tendance vers les énergies propres qui gagne du terrain, l’énergie nucléaire fait toujours partie d’un avenir proche. La France et la Grande-Bretagne notamment continuent d’insister sur des projets nucléaires de nouvelle génération, dont les réacteurs controversés de Hinkley Point C et de Flamanville, qui ont tous subi des hausses de coûts et de retards.
Même l’Allemagne, qui a décidé il y a cinq ans de sortir complètement du nucléaire, n’entrevoit pas la fin. Christian von Hirschhausen, expert en économie et infrastructure, a déclaré à EurActiv que même si les huit derniers réacteurs allemands étaient déconnectés du réseau d’ici à 2020, les chercheurs de l’université technique et de l’institut de recherche économique de Berlin (DIW) continuaient plus que jamais à persévérer dans la recherche nucléaire.
« L’Allemagne était autrefois leader mondial de la recherche nucléaire », a-t-il reconnu, « mais d’un point de vue économique, les réacteurs à fusion sont sans intérêt et représentent un gaspillage d’argent public. »
C’est aussi une question de sécurité. Détecter les défectuosités est un travail de titan pour les agents de sécurité, comme l’ont démontré les réacteurs Tihange 2 et Doel 3 en Belgique, a souligné Christian von Hirschhausen. Il a également rappelé qu’à Aix-la-Chapelle, à 60 km de la centrale de Tihange, des comprimés d’iode avaient été distribués.
L’Allemagne a toutefois des moyens de faire pression, a-t-il indiqué : « Berlin pourrait se retirer de l’AIEA et de la communauté européenne de l’énergie atomique (Euratom). » Même si la moitié des États membres de l’UE n’utilise pas d’énergie nucléaire ou en sont sortis, le traité Euratom perdure.
Bruxelles veut renforcer l’investissement dans le nucléaire et développer des réacteurs plus petits et plus souples. Dans une ébauche de stratégie de la Commission, datant de mai, l’exécutif insiste sur le fait que la « supériorité technologique » du secteur nucléaire européen doit être défendue.
Par ailleurs, des financements devraient provenir du EFSI (le fonds européen pour les investissements stratégiques) et des programmes de recherche de l’UE, via la banque européenne d’investissement (BEI).
Les ministres allemands de l’Environnement et des Affaires économiques, Barbara Hendricks et Sigmar Gabriel, ont beau avoir qualifié les projets de la Commission d’irresponsables, l’Allemagne serait directement impliquée si le projet recevait un feu vert, et ce, à cause de son implication à la BEI.
Scénario de référence européen
À quelques semaines de la conférence de l’ONU sur le climat, qui commence le lundi 7 novembre à Marrakech, la Commission a présenté un nouveau scénario de référence sur les développements du secteur de l’énergie et des transports ainsi que la situation des émissions de gaz à effet de serre à l’échelle européenne.
Bruxelles y souligne que la part du nucléaire dans le mix énergétique restera élevée et envisage même la construction de nouveaux réacteurs entre 2030 et 2050. L’exécutif de l’UE ne semble voir aucune autre alternative.
Christian von Hirschhausen est très critique de cette approche, car en plus du problème de démantèlement des installations et l’élimination des déchets, l’aspect sécuritaire demeure. Selon lui, des pays comme la France n’ont pas d’autres choix que de diminuer le nombre de réacteurs en opération.
« Sinon, les réacteurs vieillissants et les déficiences déjà observées à plusieurs reprises dans les contrôles de sécurité pourraient mener à une catastrophe », a-t-il prévenu.
Ces vieux réacteurs coûtent de plus en plus cher à ceux qui les opèrent et l’âge moyen des 127 réacteurs se trouvant sur le sol européen est de plus de 30 ans.
http://www.euractiv.fr/section/energie/news/no-end-in-sight-to-europes-atomic-age/
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