PENDANT LE DÉBAT, SARKOZY DÉFEND LE NUCLÉAIRE AVEC DES ARGUMENTS BIDONS

sarkoPour défendre le nucléaire, Nicolas Sarkozy exagère le mérite de la France… et caricature la transition énergétique allemande.

Pendant le débat, Sarkozy défend le nucléaire avec des arguments bidons

Dans le débat politique, l’environnement n’est clairement pas une priorité. Dans la course à la primaire de la droite et du centre, il aura fallu attendre le troisième débat pour que les candidats y consacrent quelques minutes. Huit, sur plus de deux heures et demie de débat. Pour Nicolas Sarkozy, l’avenir, c’est le nucléaire. «La France n’a aucune leçon, Nathalie, à recevoir, parce que la France a une filière nucléaire qui fait son honneur», explique-t-il à Nathalie Kosciusko-Morizet. Mais pour quelqu’un pour qui «l’écologie, ça commence à bien faire», et pour qui «l’homme n’est pas le seul responsable du réchauffement climatique», difficile d’argumenter sans sortir quelques contre-vérités.

Non, la France n’est pas le pays d’Europe qui émet le moins de gaz à effet de serre

«Si nous sommes le pays d’Europe qui émet le moins de gaz à effet de serre, c’est parce que nous avons une filière nucléaire.» Si la seconde partie de sa phrase est plutôt juste (les émissions de CO2 dues à l’énergie sont moins importantes en France «en raison de l’importance de sa production nucléaire», rappellent les chiffres clés sur le climat), la France n’est pourtant pas le pays d’Europe qui émet le moins de gaz à effet de serre.

Selon les dernières données de l’Agence européenne pour l’environnement, la France est plutôt bonne élève en matière d’émission de gaz à effet de serre par habitant. Un coup d’œil sur ce graphique permet de se rendre compte que les émissions par habitant des gaz à effet de serre sont plus faibles en Suède, Lituanie, Portugal, Hongrie, Lettonie, Roumanie ou en Croatie. Si l’on ne regarde que les émissions de CO2, c’est la même chose : l’Italie se retrouve même juste en dessous de la France.

La France est donc dans le peloton de tête, mais ce n’est pas le pays qui émet le moins. Et si l’on regarde les progrès de nos voisins, on constate que la France diminue ses émissions un peu moins vite. Selon la Banque mondiale (qui ne fournit de données que jusqu’en 2013), les émissions de gaz à effet de serre de l’Hexagone sont passées de 6,1 tonnes métriques par habitant en 2005, à 5,1 en 2013. Dans le même temps, l’Italie était passée de 8,2 à 5,1, L’Espagne de 8,1 à 5,1, et le Portugal de 6,4 à 4,4.

Non, l’Allemagne n’a pas compensé le nucléaire par le charbon

Deuxième partie de l’argumentaire bidon de Nicolas Sarkozy pour développer la filière nucléaire, le contre-exemple allemand. «Quand je vois que les Allemands viennent de rouvrir toutes leurs centrales à charbon, qui envoient leurs particules jusqu’à Paris». En sous-entendant que le charbon aurait remplacé le nucléaire dans la production d’énergie allemande, le candidat à la primaire reprend là un argument d’Arnaud Montebourg, déjà démonté par Désintox.

Après l’accident de Fukushima en 2011, Angela Merkel a décidé de fermer toutes les centrales nucléaires, au plus tard en 2022. Depuis, les huit centrales les plus vieilles ont fermé. Mais, en regardant le mix électrique allemand depuis 2010 (avant la fermeture des centrales), on s’aperçoit que la hausse n’a pas eu lieu où l’on imagine. Entre 2010 et 2015, la part du nucléaire dans le mix énergétique allemand est passée de 141 à 92 térawattheures, soit une baisse de 49 TWh. Dans le même temps, la part du charbon est passée de 254 à 273 TWh, soit une hausse de 19 TWh. Ce qui n’a clairement pas pu suffire pour compenser la chute de la production nucléaire. En fait, les Allemands ont investi dans les énergies renouvelables (ENR). Leur production a augmenté de 89 TWh durant ces cinq ans (de 108 à 194). Les énergies renouvelables représentent maintenant près de 30% de la production d’énergie en Allemagne, contre 16,8% en 2010. Celle de charbon est, elle, passée de 40,64% à 42,7%. C’est donc essentiellement les ENR qui ont compensé la baisse du nucléaire.

Enfin, affirmer que la pollution qui s’abat sur Paris vient d’Allemagne ne tient pas vraiment la route. Comme l’ont expliqué nos confrères du Monde, les épisodes de pollution aux particules fines sont surtout dus au trafic routier. 39% des particules fines mesurées par AirParif sont importées d’autres régions que l’Ile-de-France et des pays étrangers. Dans ces 39%, il est très difficile d’estimer la part des particules importées d’Allemagne, explique le Monde. Difficile donc de dire que la pollution parisienne est causée par les centrales à charbon allemande, qui, donc, ne produisent pas beaucoup plus depuis l’arrêt du nucléaire.

Le nucléaire, énergie propre ?

On l’a compris, Nicolas Sarkozy veut axer sa politique environnementale sur le nucléaire. Son programme se résume en «un développement de la filière nucléaire, qui est une filière propre». L’utilisation du terme renvoie à un débat éternel sur le sujet, qui impose (quelle que soit sa position) une approche un peu plus nuancée. Certes, le nucléaire n’émet pas de CO2, et donc de gaz à effets de serre, mais énergie propre veut-il seulement dire énergie décarbonée ? Pour les partisans du nucléaire, l’argumentaire est clair : les centrales sont surveillées à chaque instant, et la pollution pendant leur exploitation serait limitée. Chaque camp se renvoie les arguments, mais une chose est sûre : les accidents nucléaires (Tchernobyl, Fukushima) font partie des pires catastrophes écologiques de ces trente dernières années, et la question des déchets radioactifs, dont une partie est impossible à traiter et recycler et doit être enfouie, est un problème central. Difficile, donc, d’assurer sans sourciller que le nucléaire est une filière «propre».

http://www.liberation.fr/desintox/2016/11/18/pendant-le-debat-sarkozy-defend-le-nucleaire-avec-des-arguments-bidons_1529274