La Cour constitutionnelle allemande juge que l’arrêt des réacteurs donne un droit à indemnisation par l’État.
Mardi à Essen, dans la Ruhr, lors du congrès de la CDU qu’elle dirige, Angela Merkel a-t-elle « félicité » Peter Terium, l’ex-patron du géant local de l’énergie RWE rencontré sur place ? Par un hasard du calendrier, la Cour constitutionnelle de Karlsruhe a rendu le même jour un arrêt donnant raison à trois grands producteurs d’électricité – RWE, E.ON et Vattenfall – qui ont réclamé de Berlin le versement d’une indemnisation en raison de la fermeture forcée de leurs réacteurs nucléaires suite à la catastrophe de Fukushima en 2011. Cette victoire d’étape des grands de l’énergie signifie que la volte-face politique de Berlin pourrait peser sur les finances de l’État allemand, même si, à ce stade, la Cour n’a pas chiffré les montants des dédommagements. Berlin a jusqu’à mi-2018 pour trouver la formule en vue de compenser les groupes d’énergie lésés.
« Atomausstieg »
Les débuts de l’affaire remontent à 2002, quand l’alliance entre sociaux-démocrates et Verts au pouvoir avait décidé l’« Atomausstieg », la sortie du nucléaire négociée avec les grands de l’énergie. Ces derniers avaient eu le droit en échange de continuer à produire jusqu’à 2022 une quantité « résiduelle » d’énergie née de l’atome. Or, le gouvernement Merkel a décidé en 2011 de chambouler le calendrier de fermeture des sites. Les plans de production d’énergie arrêtés en 2002 n’étant plus réalisables, il aurait été normal que la puissance publique indemnise les acteurs concernés, a jugé le juge constitutionnel.
Est aussi remontée à la surface l’autre décision prise en 2010 par le gouvernement Merkel, allié avec les libéraux du FDP, de redonner cette fois un nouvel élan à la filière nucléaire. En conséquence de quoi les groupes d’énergie avaient lourdement investi pour permettre l’allongement de la durée de vie de certains réacteurs. Or, la « Energiewende », le tournant énergétique décidé un an plus tard, allait rendre ces investissements caducs. Là encore, une compensation financière est rendue possible – E.ON en profiterait le plus.
Accord sur les déchets
La décision de Karlsruhe intervient quelques semaines après qu’un accord crucial sur la gestion des déchets radioactifs a été trouvé entre l’État et les grands du nucléaire, incluant un quatrième acteur, EnBW. Ceux-ci vont verser 23,5 milliards d’euros dans un fonds, l’État endossant désormais seul la responsabilité de gérer le transport et le stockage des déchets.
En France aussi, la fermeture de la centrale de Fessenheim, en Alsace, a été l’objet d’un long bras de fer entre l’État et EDF pour chiffrer une indemnisation. L’électricien devrait recevoir un chèque d’au moins 400 millions d’euros pour compenser les coûts de l’arrêt de la centrale et le manque à gagner.
Article de Jean-Philippe Lacour, Les Echos, Corresponfant à Francfort
http://www.lesechos.fr/industrie-services/energie-environnement/0211567683681-berlin-paiera-pour-la-sortie-du-nucleaire-2048599.php
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