Karlsruhe (Allemagne) – Les juges suprêmes allemands doivent décider mardi si les groupes d’énergie sont en droit de réclamer des milliards d’euros d’indemnités à l’État pour la fermeture forcée de vieux réacteurs en 2011, après la catastrophe de Fukushima.
Si la Cour constitutionnelle de Karlsruhe (ouest) leur donnait raison, les intéressés pourraient exiger de l’État allemand, et donc du contribuable, plusieurs milliards d’euros – via des procès portant sur les différentes centrales concernées.
Dans la presse circule le chiffre cumulé de 20 milliards d’euros.
La plainte remonte à 2012: les deux géants allemands EON et RWE, ainsi que le suédois Vattenfall, troisième producteur d’énergie en Allemagne, estiment avoir été lésés par la décision subite de Berlin d’accélérer la sortie de l’atome et de mettre à la retraite les sept réacteurs les plus anciens ainsi que celui de Krümmel (Vattenfall), objet de pannes à répétition.
Pour eux, il ne s’agit pas de statuer sur la pertinence de quitter ou non le nucléaire d’ici 2022, mais de faire constater qu’un droit fondamental, en l’occurrence le droit à la propriété, a été, selon eux, bafoué.
Les énergéticiens jugent en effet avoir été expropriés.
La question est simplement: a-t-on le droit, du jour au lendemain, de priver les gens – (…) puisque nous appartenons à des gens – de leur patrimoine, sans indemnisation’, avait argumenté le patron du numéro un allemand de l’énergie EON, Johannes Teyssen lors d’une audience à la mi-mars.
L’accident nucléaire de la centrale Fukushima, partiellement détruite par un tsunami en mars 2011, a rendu nécessaire, également en Allemagne, une réévaluation des risques liés à l’utilisation de l’énergie atomique, avait répliqué la ministre de l’Environnement Barbara Hendricks (social-démocrate) devant les juges.
-Transition énergétique-
Les industriels, déjà confrontés à des baisses des prix de gros, aux problèmes de rentabilité des centrales à charbon et à la concurrence des énergies renouvelables, comme l’éolien ou le solaire, jugent que la décision de Berlin a sérieusement contribué à aggraver leur situation financière.
Plombés par de lourdes pertes, EON et RWE avaient décidé de se scinder pour répondre aux défis de la transition énergétique dans le pays, en séparant d’un côté les énergies fossiles, de l’autre des énergies d’avenir. Une refonte finalement bouclée en 2016.
La décision des juges reste complètement ouverte, selon les observateurs. L’âge était le critère principal mis en avant par Berlin pour fermer les réacteurs. Or celui de Krümmel était plus récent que les autres, donc Vattenfall a sur le papier le plus de chance d’obtenir gain de cause.
Mais il n’est pas certain que sa plainte soit recevable auprès de la Cour allemande, étant donné que le groupe est propriété de l’État suédois.
Le quatrième groupe énergétique du pays, EnBW, aux mains de l’État régional du Bade-Wurtemberg dirigé par les Verts, ne s’est pas joint à la plainte de ses pairs.
Parallèlement à ce volet judiciaire, gouvernement et industriels se sont accordés dans les grandes lignes sur la gestion de la sortie du nucléaire.
Les quatre énergéticiens devront mettre en œuvre et financer l’arrêt définitif des centrales d’ici 2022, leur démantèlement et le conditionnement sécurisé des déchets. Huit d’entre elles sont encore en service.
Ils contribueront aussi à hauteur de 23 milliards d’euros à un fonds chargé de gérer le stockage des déchets nucléaires.
Sur ce montant, ils paient une prime de risques d’un peu plus de 6 milliards qui leur permet de se dégager de toute responsabilité dans leur gestion future, renvoyant ainsi les risques à l’État.
Si le projet de loi a été entériné, il doit encore être scellé par un contrat qui continue d’être négocié.
http://www.romandie.com/news/Sortie-du-nucleaire-decision-mardi-sur-lindemnisation-des-energeticiens/758748.rom
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