SUISSE : LA BATAILLE DES CHIFFRES SUR LE NUCLÉAIRE EST RALLUMÉE

suisse-demantelementDémantèlement des centrales : les Fonds de désaffectation et de gestion avancent un coût de 23 milliards. Daniel Brélaz estime que cela sera près de deux fois plus.

Combien vont coûter le démantèlement des centrales nucléaires suisses et la gestion des déchets radioactifs? Question simple et réponse très compliquée. On pensait y voir un peu plus clair avec la présentation des derniers chiffres de Stenfo, l’organisme qui regroupe le Fonds de désaffectation des centrales et celui de gestion des déchets. Mais l’étude des coûts 2016, présentée jeudi à Berne, a immédiatement été contestée par les antinucléaires en général et par le conseiller national Daniel Brélaz en particulier.
Parole d’abord aux pronucléaires.

Raymond Cron, président de Stenfo, annonce d’emblée la couleur. «Les coûts de désaffectation et de gestion ont augmenté d’environ 10% par rapport à l’estimation faite en 2011.» Ils se montent désormais à 22,8 milliards de francs. Pourquoi une telle hausse des coûts? «Pour la partie désaffectation, cette augmentation s’explique par les expériences vécues lors du démantèlement de centrales en Allemagne depuis les années 90, répond Michaël Plaschy, le président de Swissnuclear. Notre partenaire allemand, qui nous a aidés à évaluer les coûts, nous a montré que certaines opérations coûtaient plus cher que prévu

Les frais de gestion des déchets radioactifs expliquent aussi que la facture s’alourdisse. On compte en effet un retard de 10 à 15 ans pour l’enfouissement et le stockage définitif des déchets moyennement et hautement radioactifs. «Cela crée donc des surcoûts, car, durant cette période-là, il faudra stocker des déchets de manière intermédiaire plus longtemps», explique Michaël Plaschy.
C’est alors que Raymond Cron lâche une petite bombe. Malgré la hausse des coûts de base, les contributions des centrales atomiques aux fonds de désaffectation et de gestion vont baisser. «Cela apparaît paradoxal mais l’explication est la suivante. Lors de la précédente estimation, il avait été rajouté un supplément de sécurité de 30%. Un calcul un peu arbitraire. Cette fois-ci, nous avons pu aller vraiment dans les détails des coûts pour faire une estimation au plus juste.» Il en résulte une baisse des coûts globaux. En 2011, ces derniers (avec la marge de sécurité de 30%) se montaient à plus de 24 milliards.
Autre explication donnée pour réduire les cotisations des centrales: les délais qui se rallongent. Comme la planification, la construction et la mise en service des centres de stockage prennent beaucoup plus de temps que prévu, l’argent des cotisations restera plus longtemps sur les comptes et les titres de placement. Il en résulte des intérêts supplémentaires importants vu que les placements portent sur des milliards. Pour Raymond Cron et Michaël Plaschy, tout baigne donc. Pas d’inquiétude à avoir sur un manque de financement. «Nous sommes sur la bonne voie
Optimisme non partagé par les antinucléaires
Cet optimisme n’est pas du tout partagé par les antinucléaires. Un des pionniers de cette lutte, le conseiller national Daniel Brélaz (Les Verts/VD), ne croit pas à la nouvelle estimation financière donnée. «Cela ne coûtera pas 22 milliards mais 30 à 40 milliards. On constate qu’à chaque estimation les coûts réels augmentent. Le problème, c’est que la facture finale sera connue dans des décennies. Et ceux qui aujourd’hui livrent des chiffres irréalistes ne seront plus là pour rendre des comptes
Le chef du groupe parlementaire PS, Roger Nordmann, s’étrangle: «C’est ahurissant. Il manque 11 milliards dans les fonds déchets radioactifs et démantèlement nucléaire, et les cotisations des exploitants devraient diminuer. C’est à rebours du bon sens.» Il se gausse encore de Christoph Blocher qui, jeudi dans le Tages-Anzeiger, demande des subventions étatiques pour prolonger la vie des centrales en piteux état.
Prochaine étape du feuilleton: la vérification des chiffres avancés jeudi par des experts en désaffectation de centrales en 2017. Puis ce sera au Département fédéral des transports et de l’énergie de se prononcer.

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