Le but est de comprendre :
- Pourquoi 123 États sont arrivés à obtenir la tenue en 2017, d’une conférence ayant pour objectif la négociation d’un instrument juridiquement contraignant visant à interdire les armes nucléaires en vue de leur élimination complète.
- Comment la majorité des Etats, réunit derrière « l’initiative humanitaire », est arrivée à faire voter la résolution L41.
- Les objectifs de ce futur traité : redynamiser le processus multilatéral sur le désarmement nucléaire ; combler le vide juridique qui entoure les armes nucléaires ; renforcer les normes de non-prolifération.
- Les conséquences sont nombreuses – outre l’interdiction de l’arme nucléaire – les industriels et les banques seront impactés par cette norme, tout comme les États non signataires.
S’il aboutit, ce processus de désarmement multilatéral aura comme première conséquence de renforcer le TNP et non de le diminuer comme le pensent ses détracteurs. Le TNP fournit un cadre dans lequel le P5 est maître du jeu et interprète comme il l’entend sa possession quasi indéfinie de l’arme nucléaire. Dès lors on comprend la posture de la France, qui « s’oppose à l’interdiction des armes nucléaires, qui ne lui permettrait plus d’arguer de la légitimité prétendument conférée à ces armes par le TNP 35». Il est intéressant de noter aussi le débat qui existe entre les partisans et les opposants de ce futur instrument juridique à l’égard du TNP. La France s’exprimant au nom des États-Unis et du Royaume-Uni, a réitéré « qu’une interdiction des armes nucléaires risque d’affaiblir le processus d’examen du TNP en rendant le consensus impossible, créant ainsi un monde beaucoup moins sûr ». Or, il faut remarquer que le consensus – donc l’adoption d’un document final – n’a été atteint que lors des RevCon de 1995, 2000, 2015 ; celles de 2005 et 2015 étant des échecs. Mais, même quand il y a « succès », on peut s’interroger sur celui-ci, car les mesures acceptées ne sont pas respectées.
Le rapport de l’OEWG est précis concernant le lien entre le futur traité d’interdiction et le TNP : « Le OEWG a en outre estimé que la recherche de telles mesures, dispositions et normes devait compléter et renforcer le régime du désarmement nucléaire et de la non-prolifération, y compris les trois piliers du Traité. » La L.41 reprend cette assertion « réaffirme l’importance du TNP » et « par conséquent, les arguments et les craintes que le processus mine le TNP sont injustifiés et infondés », a pris soin d’indiquer l’ambassadeur de Malaisie37.
Mais on notera surtout les conséquences que ce traité aura sur l’Alliance atlantique (OTAN). L’impact sera réel sur la politique de dissuasion nucléaire menée par l’OTAN. Ce n’est pas l’existence de cette organisation qui est visée, mais bien sa politique nucléaire, comme en atteste un document diffusé par les États-Unis. Washington prouve ainsi bien l’efficience de ce traité en indiquant que 9 des 21 éléments proposés (du rapport de l’OEWG) « pourraient avoir un impact direct sur la capacité des États-Unis à respecter leur engagement de dissuasion élargie sur les membres de l’OTAN (comme d’Asie et du pacifique) » comme « sur celles [France et Royaume-Uni] des autres États dotés d’armes nucléaires ». Autre effet, cela « pourrait rendre impossible la planification nucléaire, la formation nucléaire, le transit lié aux armes nucléaires dans l’espace aérien comme sur les mers territoriales ». Ainsi, la question se posera pour les États-Unis de savoir comment transporter les futures B61-12 qui sont destinées à être stockées en Allemagne, Belgique, Pays-Bas, Italie et Turquie ! Ce document note que ce traité impactera à la fois les signataires et non-signataires. Ce futur instrument juridique semble donc bien cohérent – contrairement aux dires des opposants – avec le TNP, dont l’article VI demande à ses membres de s’engager « à poursuivre de bonne foi des négociations sur des mesures efficaces » !
Cette législation enfin, concernera également les institutions bancaires et les industriels de l’armement :
Avec cette nouvelle norme, les institutions financières devront adapter leur politique d’investissement du secteur de la défense. C’est une obligation pour ces institutions si elles veulent respecter leur politique de responsabilité sociétale des entreprises ; un argument aujourd’hui majeur en terme d’image et de création de business.
Des législations nationales pourraient naître pour interdire les investissements dans les entreprises d’armement nucléaire. L’exemple norvégien pourrait ainsi être suivi. Depuis 2004, l’adoption de directives déontologiques à l’intention du Fonds de pension de l’État norvégien39 fait que dix sociétés internationales ont été exclues en raison de leur implication dans la fabrication de composants d’armes nucléaires.
Comment les industriels de défense trouveront-ils des prêts bancaires, si les banques prennent en compte cette norme ? Par exemple, le groupe Safran qui est impliqué dans la production du système propulsif du missile intercontinental français M51, s’est vu accorder des prêts par des banques allemandes (Deutsche Bank Allianz, Commerzbank), hollandaises (ABP, ING Group) et suisse (UBS) situées dans des États susceptibles d’adhérer à cette future norme. Même si les principaux flux d’argent viennent de banques américaines et françaises pour Safran, il est évident que cet industriel sera confronté à des difficultés nouvelles.
L’interdiction des armes nucléaires rendra incontestablement ce marché plus compliqué pour les industriels et donc par effet domino le maintien ou le développement des arsenaux plus difficiles pour les États.
http://www.pressenza.com/fr/2016/12/en-2017-lonu-va-interdire-les-armes-nucleaires-4-les-consequences/
Commentaires récents