Le conseil d’administration du groupe a donné son feu vert à l’accord d’indemnisation pour une fermeture anticipée de la plus vieille centrale de France.
Une nouvelle étape importante a été franchie, mardi 24 janvier, dans le règlement du « dossier Fessenheim » qui traîne depuis près de cinq ans. Au terme d’un compromis avec l’État, le conseil d’administration d’Electricité de France (EDF) a voté de justesse – grâce à la voix prépondérante de son PDG, Jean-Bernard Lévy – le mécanisme d’indemnisation du groupe d’électricité et de ses partenaires allemands et suisses pour l’arrêt de la centrale du Haut-Rhin. L’indemnisation devrait être d’environ 450 millions d’euros d’ici à 2021.
Le conseil d’administration d’EDF compte dix-huit membres. Le gouvernement a travaillé au corps les six administrateurs indépendants, seuls susceptibles de voter pour l’arrêt de cette centrale : M. Lévy, dont le vote favorable était acquis ; mais aussi Laurence Parisot, ex-présidente du Medef ; Bruno Lafont, ancien patron de Lafarge ; Colette Lewiner, conseillère du président de Capgemini ; Philippe Crouzet, président du directoire de Vallourec ; et Claire Pedini, directrice générale adjointe de Saint-Gobain.
Première étape vers une fermeture
Leur accord était nécessaire. Les six représentants de l’État ne pouvaient pas prendre part au vote sans être accusés de conflit d’intérêt. Quant aux six administrateurs salariés (CGT, CFDT, FO et CFE-CGC), ils avaient annoncé depuis des semaines qu’ils se prononceraient contre une décision contraire, selon eux, aux intérêts des salariés, de l’entreprise et de l’activité autour d’une centrale qui génère 2 200 emplois, dont la moitié dans la centrale elle-même avec ses 850 salariés d’EDF et ses 250 prestataires permanents.
En cas de vote négatif sur Fessenheim, les pouvoirs publics menaçaient EDF de ne pas prendre deux textes réglementaires : le premier pour permettre la poursuite du chantier de Flamanville ; le second pour relancer le réacteur numéro 2 de la centrale nucléaire de Paluel (Seine-Maritime), en arrêt prolongé à la suite de la chute d’un générateur de vapeur de 450 tonnes dans le bâtiment réacteur.
La voie est désormais libre pour que le gouvernement prenne, avant l’élection présidentielle d’avril-mai 2017, le décret d’abrogation de l’autorisation d’exploiter la doyenne du parc nucléaire français. Ainsi François Hollande pourra-t-il dire qu’il a au moins enclenché le processus, sans avoir respecté la promesse faite à ses alliés d’Europe Écologie-Les Verts en 2011 de fermer la centrale au cours de son quinquennat.
Des indemnités jusqu’en 2041
L’indemnisation sera d’environ 450 millions d’euros d’ici à 2021 pour compenser les pertes de recettes de ces deux réacteurs nucléaires de 900 mégawatts (MW) que l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) avait pourtant autorisé à fonctionner pendant plusieurs années encore. À cela s’ajouteront des indemnités versées jusqu’en 2041 en fonction de certains paramètres, comme l’évolution des prix de l’électricité.
Les deux réacteurs ne seront pas mis à l’arrêt avant la fin de 2018, l’horizon prévu par EDF pour le raccordement au réseau de l’EPR de Flamanville, dont les 1 650 MW compenseront les capacités électro-nucléaires perdues à Fessenheim. La France conservera alors peu ou prou la même capacité de 63 000 mégawatts de nucléaire, sur un parc de production de 130 000 MW (nucléaire, hydraulique, thermique, renouvelables).
Débrayages appelés par les syndicats
Les syndicats de la centrale ont appelé à des débrayages depuis lundi, soulignant le gâchis économique et social entraîné par une telle décision. Fessenheim, qui produit 2,4 % du courant français, a été la première centrale mise aux nouvelles normes post-Fukushima imposées par l’ASN. Elle génère plusieurs dizaines de millions d’euros de recettes, même si EDF se refuse à fournir des données sur la rentabilité de cette usine.
Tout en dénonçant les retards, les écologistes français, rejoints par des Verts allemands et suisses des régions frontalières, applaudiront à la fermeture d’une centrale qu’ils jugent « dangereuse », non seulement en raison de son ancienneté, mais aussi de sa situation en zone inondable et sur une faille sismique.
Yannick Jadot en a fait un symbole : le candidat désigné d’Europe Ecologie-Les Verts à l’élection présidentielle s’est rendu sur le site alsacien, le 20 janvier. Il a plaidé pour des « plans de conversion industrielle et professionnelle » afin d’éviter les pertes d’emplois. Ancien responsable des campagnes anti-nucléaires de Greenpeace, M. Jadot défend une « sortie progressive et définitive du nucléaire d’ici 2035 ». Fessenheim doit être, selon lui, une des toutes premières centrales à fermer dès 2017.
Le feuilleton politique n’en est pas terminé pour autant. Car ce qu’un décret gouvernemental peut faire, un autre peut le défaire. François Fillon, candidat de la droite à l’élection présidentielle, s’est engagé à « stopper la fermeture » de la centrale s’il est élu en mai.
http://www.lemonde.fr/economie-francaise/article/2017/01/24/le-conseil-d-administration-d-edf-vote-le-mecanisme-d-indemnisation-pour-l-arret-de-la-centrale-de-fessenheim_5068215_1656968.html
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