ROYAUME-UNI : L’ATOME SANS L’EUROPE

LondresLondres s’apprête à quitter Euratom, l’organisme public de recherche sur le nucléaire. Une conséquence logique du Brexit qui ne manque pas de susciter des inquiétudes chez les industriels du secteur. Interview de Bertrand Barré, ancien vice-président du comité scientifique d’Euratom.

Bertrand Barré a été directeur des réacteurs nucléaires au CEA, président de l’ENS European Nuclear Society, conseiller scientifique d’Areva et vice-président du comité scientifique d’Euratom.

Sciences et Avenir : Le Royaume-Uni quitte Euratom. Après le Brexit, cela était attendu ?

Bertrand Barré : Oui. La sortie du traité est une conséquence logique du Brexit. Mais toute la question est à quelle échéance elle prendra effet. Cela suppose par exemple la renégociation de certains accords : par exemple les pays membres d’Euratom ont des partenariats avec d’autres pays Etats-Unis, Canada…. Le Royaume-Uni devra renégocier ces accords individuellement.

Par ailleurs l’AIEA, l’Agence internationale de l’énergie atomique, a délégué à Euratom de nombreuses tâches de  contrôle : sécurité des installations, contrôle de la prolifération nucléaire… De ce fait les inspecteurs d’Euratom travaillent dans les laboratoires anglais. C’est donc toute une organisation qu’il faut revoir.

Quel est le motif d’inquiétudes des industriels ?

Il est simple : aujourd’hui aucun des réacteurs nucléaires du Royaume Uni n’est de technologie anglaise. Mi-septembre le pays a approuvé la construction de deux réacteurs nucléaires de type EPR à Hinkley Point, dans le sud-est de l’Angleterre. Là encore c’est EDF, avec en partie des capitaux chinois qui sera le constructeur et l’exploitant. La quasi-totalité du parc est exploitée par la filière britannique d’EDF. Cela suppose une dépendance européenne problématique en temps de Brexit.

La recherche nucléaire du Royaume va-t-elle en pâtir ?

A défaut de trouver d’autres financements, oui. Aujourd’hui 25% du budget d’Euratom est consacré à la recherche sur la radioprotection, la sureté et la gestion des déchets, ou encore à l’amélioration des réacteurs traditionnels de fission.  Les trois quarts restants  financent la recherche sur les programmes de fusion nucléaire : Iter, actuellement en construction à Cadarache dans le sud de la France et le JET (Joint European Torus), près d’Oxford qui est la plus puissante machine existante. N’oublions pas qu’en 1997, ce dernier a réussi à produire par fusion nucléaire 15 MWatt de puissance pendant 1 seconde. Iter vise bien plus : 500 MWatt pendant 15 minutes, mais à l’horizon 2023 ! Or, aujourd’hui, Euratom finance à hauteur de 50% le JET. Si le Royaume-Uni quitte Euratom, le pays devra trouver d’autres moyens et décider d’adhérer individuellement à Iter ou non.

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