Une note de l’ASN pointe des irrégularités sur les pièces censées assurer le confinement des matières radioactives transportées par le rail. Dans des trains qui sillonnent quotidiennement le territoire français. Ces pièces sont fabriquées dans la forge Areva du Creusot, déjà touchée par plusieurs scandales d’anomalies de fabrication et de falsifications.
Encore des irrégularités dans les procédés de fabrication à la forge du Creusot. Sur des pièces dévolues au transport de matières radioactives cette fois-ci, en l’occurrence les wagons Q70, surnommés “Castors”, dans lesquels sont acheminés le combustible nucléaire mais aussi des déchets radioactifs. Les pièces concernées présentent des “enjeux de sécurité importants”, d’après l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), puisqu’elles participent à “l’enceinte de confinement des emballages”.
Dans ses rapports 2010 et 2015, l’ASN insiste d’ailleurs sur le caractère “primordial” pour la sécurité de la “robustesse” des colis, “objet d’exigences réglementaires rigoureuses” (version 2015).
“Les pièces fabriquées au Creusot ne sont pas conformes”, mais Areva TN (filiale emballages et transports de matières nucléaires d’Areva) n’a “rien dit à la SNCF”, rapporte Philippe Guiter, ex-conducteur SNCF aujourd’hui administrateur du réseau Sortir du nucléaire. D’autant plus inquiétant que ces trains traversent d’importants bassins de population, empruntent les mêmes voies que les trains de voyageurs et stationnent parfois en gare. Avec, donc, pour les colis les plus dangereux, des risques d’irradiation importante en cas de défaillance de l’emballage. Or, dans sa lettre du 15 novembre dernier, faisant suite à une inspection intervenue le 7, l’ASN pointe des “irrégularités de plusieurs types” dans le processus de fabrication.
Lettre ASN 15 novembre 2016 (INSSN-DTS-2016-0750) par Antoine sur Scribd
(Lettre du 15 novembre de l’adjoint au directeur du transport et des sources de l’ASN relative à l’inspection du 7 novembre 2016 sur la fabrication des emballages destinés au transport de matières radioactives.)
Le procureur de la République informé
Dans le détail, l’ASN met en exergue trois cas d’irrégularités qui n’avaient pas été détectés par Areva. Sont entre autres évoqués dans la lettre de l’ASN : incohérence entre les résultats obtenus aux tests et ceux transmis, écarts/norme non signalés. Des soupçons de falsification donc et de biais sur les tests effectués pouvant conduire à de potentielles anomalies. “Une information générale a été transmise au procureur de la République, précise l’ASN au Lanceur. Il lui appartiendra d’estimer le caractère frauduleux ou non des irrégularités.” L’ASN a aussi demandé que lui soient transmis les audits des laboratoires ayant effectué ces tests.
Le gendarme du nucléaire français fait encore part de son inquiétude concernant la teneur en carbone des pièces utilisées pour l’emballage des colis. Une concentration trop élevée pourrait remettre en cause la solidité des emballages. Exactement comme pour les générateurs de vapeur forgés eux aussi au Creusot. Inquiétude fondée, donc. L’ASN souligne ainsi que, concernant les emballages, les pièces sont forgées dans des conditions “favorables à la persistance de concentration excessive”.
Incohérences ou falsifications ?
Le gendarme du nucléaire français estime par ailleurs que, sur ce point, “les actions déjà engagées [par Areva] n’ont pas permis de détecter l’ensemble des irrégularités”. Et précise au Lanceur que de nouvelles irrégularités pourraient être découvertes. L’ASN a demandé la liste des emballages sur lesquels la forge du Creusot est intervenue. Liste qui n’existe pas à l’heure actuelle. Or, d’un point de vue légal, “la société Areva TN devrait être en mesure d’identifier rapidement les pièces assurant une fonction de sûreté ayant été construites par un sous-traitant”. Cela afin de “déterminer rapidement les emballages potentiellement impactés”.
Tant que ces non-conformités n’auront pas été soldées, les emballages concernés ne pourront pas […] servir au transport de substances radioactives”
L’ASN souligne une “défaillance du système d’assurance qualité”. Et prévient que “tant que ces non-conformités n’auront pas été soldées, les emballages concernés ne pourront pas […] servir au transport de substances radioactives”. De quoi engendrer un moratoire similaire à celui de 1998, quand aucun train n’avait pu circuler pendant un an ? Philippe Guiter l’envisage, soulignant une “rupture de la confiance entre le transporteur et le chargeur”. “En cas de découverte d’une irrégularité pouvant affecter un paramètre important pour la sûreté, l’emballage ne peut a priori plus être considéré conforme à son modèle et ne peut donc plus servir au transport de substances radioactives”, nous confirme l’ASN.
http://www.lelanceur.fr/areva-creusot-des-pieces-defectueuses-sur-les-trains-de-dechets-nucleaires/
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