POURQUOI IL FAUT PARLER DU NUCLÉAIRE DANS LA CAMPAGNE PRÉSIDENTIELLE

Sans titreL’incendie dans une zone non nucléaire de la centrale de Flamanville hier a relancé le débat sur le nucléaire en France… Les pros ont voulu rassurer en disant que le réacteur n’avait pas été touché, les anti ont redit que la sécurité n’était pas garantie à 100% dans les centrales… Mais le débat est toujours épidermique alors qu’il devrait être un débat de fond…
Il y a 5 ans, François Hollande avait proposé de réduire la part de l’électricité nucléaire de 75 à 50% dès 2025 et souhaitait pour commencer fermer Fessenheim pendant le quinquennat… Mais Nicolas Sarkozy avait cadenassé le débat en ne retenant que le deuxième point : « allez dire cela aux ouvriers de Fessenheim« … Et pendant ce temps, exit la question de la transition énergétique

En faveur du nucléaire, il y a l’argument, par exemple, d’Arnaud Montebourg pendant la primaire : c’est une énergie décarbonée qui ne participe donc pas au réchauffement climatique… Il y a aussi ces éléments de langage plus habituels à droite à l’exception notable de Bruno Le Maire : « le nucléaire garantit notre indépendance énergétique, le nucléaire filière d’excellence source d’énergie et d’emplois« … L’excellence ? En ce, AREVA et EDF vont mal, Emmanuel Macron a lancé le rapprochement des 2 entreprises quand il était à Bercy il y a 2 ans… Un sauvetage désespéré, un rapprochement toujours pas effectif…
L’indépendance énergétique ? Nous n’avons pas d’uranium en France rappelle le député écolo François de Rugy… Le minerai vient d’Australie, du Canada, du Kazakhstan et surtout du Niger… On comprend pourquoi l’armée française n’est pas près de partir de la zone sahélienne… Le nucléaire est une affaire diplomatico-stratégique majeure…
C’est aussi une affaire budgétaire ?
Hier à ce micro Dominique Seux regrettait l’étrange silence des candidats à la présidentielle sur les questions budgétaire… Si la France est sur le point de sauter dans l’inconnu budgétaire, le nucléaire y est pour quelque chose : EDF déjà endettée à 38 milliards d’euros doit encore investir 16 milliards pour son EPR à Hinkley Point en Angleterre…
Mais plus grave encore que l’inconnu budgétaire, il y a l’inconnu technologique et de sécurité… En novembre dernier un tiers des réacteurs français étaient fermés pour contrôles ou travaux, la « situation est très préoccupante » expliquait le président de l’Autorité de Sûreté Nucléaire, mais EDF souhaite encore prolonger la durée de vie des centrales… Inversement, on ne sait pas démanteler une centrale… EDF s’y est mal préparée techniquement et financièrement selon un rapport parlementaire publié la semaine dernière…
Poursuivre dans la voie du nucléaire ou en sortir ? Dans les deux cas c’est l’inconnu, dans les deux cas c’est un pari monstrueux, cela vaut donc bien la peine d’en parler…

Par Thomas Legrand

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