…Bien qu’il ne puisse être tenu responsable du nuage radioactif qui s’est étendu de l’Espagne à la Norvège en janvier-février, on a appris grâce à l’ONG norvégienne Bellona que le réacteur de Halden en Norvège avait connu un « incident » en octobre dernier. La lecture d’un rapport de l’agence de sûreté nucléaire norvégienne daté du 13 février 2017 permet de se rendre compte du danger que font courir aux Européens les utilisateurs de ce réacteur. On s’éloigne un peu de Fukushima mais pas tant que ça car la problématique est la même : panne de refroidissement du réacteur, risque d’explosion d’hydrogène, rejet d’iode 131 et autres radionucléides cancérigènes, MOX, … ça ne vous rappelle rien ?
Sommaire de l’article publié sur http://www.fukushima-blog.com/
- Un des plus vieux réacteurs au monde encore en activité
- Les partenaires du « Halden Reactor Project »
- L’« Incident » du 24 octobre 2016
- Expérimentation de nouveaux combustibles
- Quelle était la nature des nuages radioactifs ?
- Pour un arrêt définitif du réacteur de Halden
- L’IFE a besoin d’argent public pour traiter ses déchets
- Pourquoi on ne sait quasiment rien sur cet accident probablement de niveau 4 sur l’échelle internationale INES ?
- Exiger des éclaircissements
- Annexes
EXTRAITS :
- Un des plus vieux réacteurs au monde encore en activité
Le réacteur de Halden a été inauguré et activé en 1959. Oui, vous avez bien lu : 1959 ! Il se situe à Halden, une ville côtière au sud-est de la Norvège, près de la frontière avec la Suède, à 1200 km de la France. D’une puissance de 25 MW maximum, ce presque sexagénaire a été créé pour la recherche.
Ce réacteur à eau bouillante (REB) n’est pas visible de l’extérieur. Il est situé à 100 mètres à l’intérieur d’une colline sous une couverture rocheuse de 30 à 50 mètres. Le hall du réacteur a 10 mètres de large, 30 mètres de long et 26 mètres de haut. La salle du réacteur contient également des fosses à combustible pour le stockage temporaire du combustible utilisé. L’ensemble souterrain a un volume de 4500 m3. Les circuits de refroidissement sont situés à l’intérieur de la salle du réacteur et dans le tunnel d’entrée du réacteur. La salle de contrôle et les installations de service sont placées à l’extérieur de l’excavation. Les bâtiments de service contiennent des bureaux, des ateliers et des laboratoires.
Le réacteur de Halden est situé dans un complexe de 7000 m², au bord de la rivière Tista L’énergie produite est livrée sous forme de vapeur à travers des échangeurs de chaleur et des conduites à Norske Skog Saugbrugsforeningen qui l’utilise pour la production de papier.
La principale fonction du réacteur de Halden est de tester des combustibles et des composants de réacteurs nucléaires. Une charge de carburant est constituée d’une combinaison de carburants d’essai provenant d’organisations des pays partenaires et d’assemblages de combustible qui fournissent une base de réactivité pour le fonctionnement du réacteur. Le cœur se compose d’environ 110 à 120 assemblages de combustible, y compris le combustible d’essai, dans un réseau hexagonal ouvert.
A Halden, les codes, les règles et les recommandations acceptés au niveau international ne sont utilisés que de manière consultative, ce qui signifie que les expérimentateurs sont au courant des normes internationales de sécurité mais peuvent ne pas en tenir compte si bon leur semble. Pourtant, selon le CEA, les essais de matériaux et les analyses effectuées indiquent que le réacteur peut fonctionner en toute sécurité bien au-delà de l’an 2020…
… 3. L’« incident » du 24 octobre 2016
Voici le texte laconique du communiqué de presse de l’IFE : « Le lundi 24 octobre à 13 h 45, une libération non intentionnelle d’iode radioactif a eu lieu en relation avec la manutention d’un carburant d’essai dans la salle du réacteur de Halden. Le rejet ne représente aucune menace pour les employés d’IFE ou l’environnement. »
C’est tellement succinct que la NPRA, l’agence de sûreté nucléaire norvégienne équivalent de l’ASN en France, a tenu à réaliser une inspection pour contrôler l’installation et connaître le détail de cet évènement.
Grâce au site European News Weekly qui a édité la traduction anglaise du rapport norvégien de la NPRA, nous connaissons le contenu de ce document que nous avons traduit en français. Vous pouvez lire l’intégralité de ce rapport en annexe en bas de cette page ou en le téléchargeant au format pdf par le lien ci-dessous.
[pdf] RAPPORT ENTIER HALDEN
Pour résumer, alors que le réacteur était à l’arrêt – officiellement pour maintenance depuis le 8 octobre 2016 – une erreur de manutention, le lundi 24 octobre 2016 à 13h45, d’un combustible endommagé a conduit à la création soudaine d’un nuage radioactif qui a envahi le hall du réacteur et ses alentours. Vu le danger encouru, le personnel du site a immédiatement été évacué.
L’IFE (Institut technologique de l’énergie, chargé de l’exploitation du réacteur) n’a alerté l’autorité de sûreté nucléaire norvégienne, la NRPA, que le lendemain matin ; puis, après avoir arrêté le système de ventilation de la salle du réacteur (ce qui a stoppé le rejet dans l’environnement), l’IFE a informé la NRPA le mardi soir (25 octobre) que la situation était sous contrôle. Vu la gestion étrange de l’incident par l’exploitant, la NRPA a procédé à une inspection surprise au siège de l’IFE à Kjeller. Et là, grosse surprise : l’évènement était encore en cours ! De ce fait, la NRPA a engagé immédiatement une inspection renforcée de l’IFE qui lui a permis de superviser, en partie sur site, la gestion de l’« incident » jusqu’au 2 décembre.
Le 1er novembre, après que la NRPA ait demandé une plus grande transparence, l’IFE a communiqué que le réacteur était « dans un état très spécial« . Qu’est-ce qu’un réacteur « dans un état très spécial » alors qu’il était à l’arrêt depuis plus de trois semaines ? Eh bien, cela se traduit par « des fluctuations de température dans la cuve du réacteur, l’indication d’une augmentation du flux neutronique dans le cœur du réacteur et le danger de formation d’hydrogène ». Rien moins que ça. Normalement, quand un réacteur est arrêté, la réaction en chaîne est stoppée intégralement. Dans ce cas précis, ça n’avait pas l’air d’être le cas car une augmentation du flux neutronique indique une reprise de l’activité, signée d’ailleurs par une production d’iode qui est un produit de fission. Par ailleurs, l’augmentation de la chaleur dans le cœur du réacteur, sans circuit de refroidissement, peut conduire à la dégradation des gaines de zirconium qui entourent le combustible. Or, à partir d’une certaine température, le zirconium s’oxyde au contact de l’eau et produit de l’hydrogène, gaz hautement explosif. Ce phénomène a produit au moins trois explosions violentes à Fukushima en 2011.
Pour sortir de cette crise, la NRPA a autorisé la réouverture de la ventilation du hall du réacteur le 1er novembre. Il y a donc eu deux rejets atmosphériques : le premier les 24-25 octobre 2016 quand l’évènement s’est produit jusqu’à ce que l’on ferme la ventilation et le second le 1er novembre.
Suite à cet évènement, la NRPA a révoqué la licence d’exploitation du réacteur. Pourtant, l’IFE compte bien sur la NRPA pour obtenir à nouveau les autorisations nécessaires afin de poursuivre les expériences. En effet, le directeur de recherche de Halden, Atle Valseth, assure que le réacteur redémarrera d’ici au mois de juin 2017…
… 5. Quelle était la nature des nuages radioactifs ?
Selon la NPRA, le rejet a été de 150 millions de becquerels pour l’iode 131 et 24 millions de becquerels pour l’iode 132, sans faire état des autres substances radioactives susceptibles d’avoir été rejetées. L’IFE, contacté le 19 mars par mes soins, n’a pas souhaité communiquer la nature intégrale des nuages radioactifs d’octobre-novembre 2016, ni les proportions des différents radionucléides les composant. Il le ferait à la demande de la NRPA, si l’autorité nucléaire lui demandait. L’IFE indique qu’il devra remettre un rapport détaillé à la NRPA sur les rejets de 2016 avant le 1er mai 2017. Mais il ne dit pas si ce rapport sera public. Par ailleurs, la NRPA, contactée également le 19 mars, n’a fourni aucune réponse à cette même question.
Du côté français, j’ai également contacté l’IRSN le même jour, mais celui-ci est resté muet jusqu’à présent. Quant à l’ASN, il m’a renvoyé aux communiqués de la NRPA et de l’IFE. On tourne en rond… Pas étonnant que des rumeurs de meltdown à Halden fleurissent dans plusieurs sites internet ! L’IFE et la NRPA, en restant opaques sur cet « incident », provoquent eux-mêmes des questionnements légitimes qui se transforment vite en rumeurs. A présent, ces deux organismes sont obligés de faire des communiqués pour contrer les rumeurs qu’ils ont contribué à former !
C’est une association qui finalement vient d’obtenir l’information manquante. La Criirad a contacté également la NRPA le 16 mars. Grâce à elle, nous avons un peu plus de renseignements, et pas des moindres !
Les rejets d’octobre 2016 ne comportaient pas que des becquerels d’iode131 et 132. Ils contenaient également 8 178 milliards de becquerels de gaz rares radioactifs et 550 milliards de becquerels de tritium ! On est très loin des 184 millions de becquerels d’iode radioactif du communiqué rassurant de la NRPA ! Cette « autorité de sûreté nucléaire » n’a déclaré que 0,002 % du rejet radioactif ! Comment faire confiance à la NRPA après un tel mensonge ?
Selon la Criirad, compte tenu de l’absence de stations de mesures assez proches du réacteur de Halden et de dispositifs permettant de conserver la mémoire de la contamination, « on ne peut effectuer une caractérisation fine de l’impact des rejets intervenus le 24 octobre 2016 et les jours suivants »…
… 8. Pourquoi on ne sait quasiment rien sur cet accident probablement de niveau 4 sur l’échelle internationale INES ?
Parce que 130 organismes scientifiques, institutionnels et industriels issus d’une vingtaine de pays sont impliqués dans le projet du réacteur de Halden de l’OCDE. Ils veulent pouvoir faire des expérimentations tranquillement, à l’abri des règlementations internationales trop contraignantes de sûreté nucléaire. On fait comme au bon vieux temps des essais atmosphériques. On pollue sans compter, et surtout sans rien dire, « afin de ne pas compliquer la communication auprès du grand public par un trop grand nombre de données » (NRPA).
Le village nucléaire mondial étant mouillé jusqu’au cou par les activités polluantes de ce réacteur obsolète, on comprend qu’aucun organisme officiel ne veuille ébruiter une affaire de ce genre. Dans le nucléaire, quand on soulève le tapis, on découvre des horreurs… Bizarrement, il manque des données publiques les jours où il y a eu le plus fort rejet.
Le fait qu’il y ait eu un endommagement important des barrières radiologiques et une exposition du public de l’ordre des limites prescrites (exemple pour le Xénon 131m : 44% de la dose limite annuelle en seulement quelques jours), il s’agit vraisemblablement non pas d’un « incident » comme le prétend la NRPA mais d’un accident nucléaire de niveau 4 sur l’échelle INES. Bien entendu, tous les organismes officiels, habitués à mentir à la population, continueront d’appeler ça un incident, bien que la NRPA ait été prise la main dans le sac.
9.Exiger des éclaircissements
Tous ces organismes faussement transparents, IFE, NRPA, doivent expliquer clairement ce qu’il s’est passé en octobre-novembre 2016 à Halden. Ils doivent répondre à ces questions :
– Quel évènement a endommagé le combustible testé ?
– Pourquoi l’IFE n’a pas alerté immédiatement la NRPA ?
– Quel évènement a produit une augmentation du flux neutronique ?
– Est-ce que le combustible testé était du thorium-plutonium ?
– Était-ce une expérimentation de MOX thorié en conditions réelles ?
– Quelle était la nature exacte des rejets radioactifs des 24-25 novembre et du 1er novembre 2016 ? L’information de la NRPA fournie à la Criirad est insuffisante car il n’est pas mentionné de mesures sur d’éventuels rejets de carbone 14, de césium 137, de cobalt 60, de plutonium, etc.
– Quelle était la proportion des radionucléides pour chacun de ces nuages ?
– Pourquoi le réacteur de Halden n’obéit pas aux règles internationales de sécurité des installations nucléaires post-Fukushima ?
C’est assez insupportable d’apprendre par hasard que l’atmosphère européenne est polluée par des gaz ou des aérosols radioactifs issus d’un réacteur désuet, et tout ceci avec la bénédiction des organismes de sécurité qui sont censés nous protéger. Une enquête parlementaire devrait être exigée des députés européens pour faire l’entière lumière sur cette affaire et sur toutes les installations susceptibles de relâcher des produits dangereux dans l’atmosphère, d’autant plus que de l’iode 131 vient encore d’être détecté en mars à Svanhovd, dans le nord de la Norvège.
Source de la version anglaise : https://nuclear-news.net/2017/03/12/fuel-error-at-ife-halden-the-handling-of-the-incident-nrpa-report-in-english/
Pour lire l’intégralité de l’article : http://www.fukushima-blog.com/
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