CORÉE DU NORD : TRUMP-DUTERTE : UN DIALOGUE DE DINGUES

Trump CoréeLa question de la santé mentale de Kim Jong-un est légitime. La multiplication des provocations fait régulièrement craindre le pire.

Les présidents américain et philippin s’interrogent sur la santé mentale de Kim Jong-un. Mais lequel des trois est le plus fou? s’interroge notre chroniqueur Frédéric Koller

– Quelle est votre opinion, Rodrigo? A-t-on affaire à quelqu’un de stable ou d’instable?

– Il n’est pas stable, M. le Président, il ne cesse de sourire quand il explose une fusée. […]

– Nous avons beaucoup de puissance de feu par là-bas. Nous avons deux sous-marins nucléaires, les meilleurs du monde […]. Nous ne voulons pas les utiliser mais il pourrait être fou alors on verra ce qui se passera.

– À chaque génération son fou – pour la nôtre c’est Kim Jong-un – vous avez affaire à un problème très délicat.

Ce dialogue est extrait d’une conversation téléphonique entre Donald Trump et Rodrigo Duterte, le 29 avril dernier. Après des félicitations chaleureuses à son homologue philippin pour sa lutte contre la drogue, l’appel du président américain avait pour principal objet la menace nucléaire nord-coréenne. La transcription de cet échange par les Philippins a fait l’objet d’une fuite ayant profité au Washington Post qui l’a publiée sur son site internet en début de semaine.

La folie, une question légitime

La question de la santé mentale de Kim Jong-un est légitime. La multiplication des provocations – tirs de missiles et essais nucléaires – associée à une rhétorique officielle souvent délirante et menaçante, y compris contre son unique protecteur, la Chine, fait régulièrement craindre le pire. La dernière dictature totalitaire peut au minimum être diagnostiquée comme paranoïaque. Cela dit, il y a une certaine rationalité à cette surenchère pour un pays qui se vit en état de guerre depuis 70 ans (il n’y a toujours pas de traité de paix avec la Corée du Sud et les États-Unis).

Tous trois se comportent en voyous au regard des normes internationales

Cette mise au point téléphonique pourrait donc sembler tout à fait raisonnable si elle n’était le fait de deux personnalités elles-mêmes soupçonnées de démence. Car si Rodrigo Duterte et Donald Trump nourrissent une admiration réciproque, ils passent aux yeux d’une part grandissante de leur population pour des fous. Depuis son arrivée au pouvoir, il y a un an, le Philippin a fait exécuter de façon extrajudiciaire par sa police ou des gangs plusieurs milliers de personnes soupçonnées de trafic de drogue. Trump applaudit. C’est le même Duterte qui qualifie Barack Obama de «fou», le pape de «fils de pute» et se compare à Hitler en affirmant vouloir éliminer 3 millions de drogués comme le dirigeant nazi avait «éliminé 3 millions de juifs» (sic). Le président philippin, qui ne cache pas son aspiration à devenir un dictateur, est aujourd’hui sur le point d’instaurer la loi martiale dans son pays.

Le narcissisme maladif de Donald Trump, quant à lui, fait encore débat dans la communauté psychiatrique. Mais son instabilité est bien réelle. Trois jours après sa conversation avec Duterte, le président américain déclarait à la presse qu’il était prêt à rencontrer le leader nord-coréen qu’il qualifiait de «petit malin» de la politique. L’un des risques de la présidence Trump est que le milliardaire, bientôt peut-être menacé de destitution, ait recours à la guerre pour se maintenir au pouvoir: la Corée du Nord pourrait être une cible, tout comme l’Iran.

Quel est le plus dangereux?

La première sortie diplomatique de Donald Trump n’aura rassuré personne. L’idée d’une tournée des trois grandes religions du livre n’était pourtant pas mauvaise. Mais plutôt que de faire avancer la paix, le président américain a vendu pour 300 milliards d’armements en terre d’islam, battu le rappel contre Téhéran en terre juive et s’est rendu par une porte de derrière au Vatican où il n’avait rien à dire. Un fiasco sur le plan du message, le désert sur le plan spirituel.

De ces dirigeants, Kim Jong-un, Rodrigo Duterte et Donald Trump, quel est le plus dangereux? Ils ont ceci de commun que tous trois se comportent en voyous au regard des normes internationales. Mais le président américain est aujourd’hui le plus inquiétant, car il est celui, de très loin comme il dit, qui possède la principale puissance de feu.

https://www.letemps.ch/opinions/2017/05/26/trumpduterte-un-dialogue-dingues