L’AUTORITÉ DE SÛRETÉ NUCLÉAIRE : UN GENDARME DIGNE DE COURTELINE

EPR MédiapartLe 7 juin, l’Autorité de Sûreté Nucléaire explicitait sa stratégie concernant les anomalies de fabrication du couvercle et du fond de cuve de l’EPR. On peut rappeler que ces pièces, fabriquées sans tenir compte des normes de réalisation et donc suspects, ne peuvent plus être soumises aux tests de conformité (du moins pour ce qui concerne le fond de cuve), et qu’un second  couvercle n’avait pas non plus passé les tests. Et depuis plus de deux ans, les participants à cette mascarade un peu grotesque  essaient de démontrer  que des pièces non conformes le sont peut-être quand même, si l’on fait de nouvelles et belles simulations, si l’on développe une stratégie d’utilisation de l’EPR (du genre pas trop de chocs thermiques, ou des montées plus lentes en température et autres mesures de sauvegarde  qui sont à la merci de n’importe quel incident non prévu…).

Et ce 7 juin, l’ASN annonce qu’elle réunira le Groupe permanent d’experts pour les équipements sous pression nucléaire pour se prononcer sur les études faites par EDF, AREVA, l’IRSN. Jusque-là, rien que de très normal. Puis l’ASN « établira un projet de position » sur ce couvercle et sur la cuve de l’EPR. A priori, on doit penser que ce projet de position nous expliquera que ces pièces sont déclarées conformes, ou qu’elles ne le sont pas. Après tout, c’est son rôle…

Mais la suite fait tomber à la renverse : ce projet de position, l’ASN le « soumettra à la consultation du public jusqu’au mois de septembre 2017. Elle prendra définitivement position à la fin de cette consultation« . Du jamais vu !

Voici un organisme réputé indépendant, garant de la sûreté nucléaire, qui au terme de deux ans d’études, ne semble pas fichu de prendre ses responsabilités. Et quel public va devoir se prononcer sur un dossier  aussi compliqué ? Le public français dans son entier ? Celui qui serait évacué dans le cas d’une catastrophe? L’Europe peut-être ?  Ah non, pas l’Allemagne. Le Rhin est là pour bloquer tout nuage… Le Royaume-Uni non plus, ils ne sont plus en Europe…

C’est à se demander ce qu’ils ont fumé, à l’ASN, après leur réunion…

Il ne reste qu’une explication : l’ASN ne veut pas se risquer, puisque de toute manière, il est à peu près impossible de se prononcer sur la qualité des pièces incriminées : si elles sont déclarées conforme, c’est tout le problème des normes de fabrication qui est en cause. Si elles sont déclarées non-conformes, c’est en gros 10 milliards d’euro jetés par les fenêtres…

Alors, on remet la décision entre les mains du public ? Mais quelle pourra être la question posée : « Sachant que la cuve et le couvercle ne sont pas conformes, et que donc il ne peut pas y avoir de garantie que l’EPR tienne, que nous conseillez-vous ? On se lance quand même ?« …

D’autant que l’ASN avait déjà pris ses précautions : voir l’arrêté du 30 décembre 2015, qui, en cas de « difficultés particulières »  spécifie que « l’Autorité de sûreté nucléaire peut, par décision prise après avis de la Commission centrale des appareils à pression, autoriser l’installation, la mise en service, l’utilisation et le transfert d’un équipement sous pression nucléaire ou d’un ensemble nucléaire n’ayant pas satisfait à l’ensemble des exigences… ». Autrement dit, l’ASN peut déclarer conforme un élément qui ne l’est pas…

Alors, si l’ASN doit se réfugier derrière une « consultation du public », c’est que les choses vont mal…

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