Le mariage entre l’État Français et l’industrie du nucléaire traverse une crise sans précédent. Si la mariée continue d’être dispendieuse, l’argent du ménage ne suffit plus.
Le basculement est d’autant plus foudroyant que les robots allemands et son Industrie 4.0 inquiètent les tricolores. Ils pourraient perdre la maîtrise du démantèlement des centrales ainsi que les milliards € et les emplois promis aux vainqueurs.
Ainsi l’annonce de Nicolas Hulot, sur la fermeture possible de 17 réacteurs, tient d’une logique autant financière que stratégique. Paradoxalement pour garder des emplois, Paris doit agir.
Un Mariage coup de foudre
Pendant des décennies, Paris a porté à bout de bras son industrie nucléaire quitte à imposer artificiellement des prix du kWh au-dessous de la moyenne européenne et d’utiliser l’argent des contribuables pour combler la différence.
Mais la/les centaine(s) de milliards nécessaires pour maintenir en vie certaines centrales, démanteler les plus dangereuses, trouver des solutions pour les déchets et couvrir les dettes monstrueuses du duo EDF-Areva sont totalement hors de proportion avec le budget de l’État.
De manière surréaliste et pratiquement le même jour, les français ont découvert le gel du budget de l’armée de 850 millions € et de leurs retraites, alors que le Gouvernement annonce le versement de 1,5 milliards € pour recapitaliser Areva et que 2 milliards € supplémentaires devront être ajoutés à la construction de 2 réacteurs AREVA-EPR sur le sol anglais.
Comme le proposait l’ancien directeur d’EDF, Henri Proglio, “le prix de l’électricité doit doubler afin de permettre l’assainissement des comptes et de faire face aux défis à venir”. Nicolas Sarkozy, en campagne électorale, avait humblement refusé cette décision impopulaire et laissé la patate chaude à son successeur.
L’Allemagne ouvre les hostilités
Avec l’arrêt de ses 17 centrales d’ici à 2022, les entreprises germaniques se sont mises au travail pour réaliser les robots et les outils spécifiques aux démantèlements de leurs réacteurs. À cet effet, les propriétaires de centrales ont provisionnés plus de 40 milliards € pour ces opérations ainsi que 22 milliards € pour s’occuper des déchets. Il est évident que Berlin désire utiliser la plus grande partie de ce pactole pour ses entreprises locales.
Le Japon s’est également lancé dans la course au démantèlement suivi par la Corée du Sud et les USA. Si dans ces pays les doses sont encore homéopathiques, Berlin, a l’avantage de s’attaquer à un nombre important d’unités afin «d’industrialiser les processus» et de remporter la guerre des coûts.
L’expérience acquise permettra aux Allemands d’exporter leur savoir-faire. C’est justement sur ce terrain que la France est attaquée.
France : l’efficience énergétique oubliée
Aussi cruel que cela puisse paraître, il devient de plus en plus évident que financièrement la France n’a pas les moyens de garder la totalité de son parc nucléaire.
Elle se retrouve dans la même situation que cet entrepreneur en faillite qui soulignait avec humour: «Je perds de l’argent sur chaque produit vendu, mais je me rattrape sur la quantité».
Poussée à utiliser un maximum d’électricité, la France n’a jamais activé un programme d’efficience énergétique et la marge de manœuvre est immense. Le gaspillage s’élève à 40% pour les particuliers et 45% pour les entreprises. Même avec un frein atomique, le français pourrait théoriquement et mathématiquement passer ce cap simplement en améliorant son efficience. De son côté, les entreprises françaises, très actives dans les technologies smart city, pourraient y trouver des opportunités d’emplois et de croissance.
Stratégiquement, l’arrêt de plusieurs centrales permettra à l’industrie française de ne pas perdre trop de terrain sur ses concurrents étrangers et de garder sa main d’œuvre qualifiée.
Cependant ce choix logique va se heurter à une culture du nucléaire ancrée profondément dans la fierté hexagonale et la crainte du changement.
La Suisse, l’Allemagne et bientôt la Corée du Sud ont fait ce pari. Pour Paris, ce divorce permettra peut-être la survie de sa mariée.
https://blogs.letemps.ch/laurent-horvath/2017/07/21/france-bientot-le-divorce-du-nucleaire/
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