L’ASN a annoncé lundi avoir observé un état « dégradé » de tuyaux de circulation d’eau dans 29 réacteurs, causé par la corrosion. En cas de séisme, le système de pompage pourrait ne pas fonctionner.
Des problèmes de tuyauteries dans une maison, ça passe encore. C’est pénible mais pas forcément grave. Quand, en revanche, cela concerne une centrale nucléaire, c’est plus inquiétant. L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) vient d’annoncer avoir observé un état « dégradé » de tuyaux de circulation d’eau dans 29 réacteurs, sur les 58 réacteurs que compte le parc nucléaire français. La moitié donc, répartie sur 11 des 19 centrales.
Aucun incident n’est survenu pour le moment, mais le problème a quand même été jugé suffisamment grave pour que le gendarme du nucléaire choisisse de le classer au niveau 2 de l’échelle Ines (échelle internationale des événements nucléaires), qui en compte 7. Une décision rare qui n’avait pas été prise depuis cinq ans. Cet indicateur a été créé après l’accident de Tchernobyl en 1986, afin d’aider les populations à pouvoir immédiatement évaluer la dangerosité d’un accident nucléaire, à la manière dont l’échelle de Richter informe sur la puissance des tremblements de terre.
À certains endroits, les tuyaux sont tellement rouillés que l’épaisseur de leurs parois a diminué. « Suffisamment pour qu’en cas de séisme le risque que ces tuyaux ne puissent pas résister aux secousses soit réel », alerte Rémy Catteau, directeur chargé des équipements sous pression nucléaires à l’ASN. Or ces tuyaux transportent l’eau puisée dans une rivière ou dans la mer pour refroidir des composants essentiels qui maintiennent les réacteurs à température. « En cas de rupture de cet approvisionnement d’eau froide, des réservoirs d’eau permettent de refroidir temporairement les réacteurs, reprend l’expert. Mais si le problème dure, on peut redouter, au stade ultime, la fusion du combustible, ce qui constitue un accident nucléaire grave. »
Lors de l’accident de Fukushima au Japon en 2011, c’est la rupture de l’un de ces circuits de refroidissement et l’incapacité pour les diesels de secours, noyés par le tsunami, de fournir l’énergie électrique nécessaire pour activer des arrivées d’eau additionnelles, qui avaient conduit à la fusion du combustible du réacteur numéro 4. Et finalement à son explosion.
EDF se veut rassurant
Comment en est-on arrivé là ? « Ces dégradations sont la conséquence de la corrosion qui a pu se développer en l’absence d’une maintenance préventive adaptée », pointe du doigt l’ASN. « EDF doit absolument renforcer l’efficacité de sa maintenance, renchérit Frédéric Ménage, directeur de l’expertise de sûreté à l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). D’autant que les centrales vieillissent, certains réacteurs s’approchent de la quarantaine, ce qui était a priori la limite de leur durée de vie. Nous courons le risque de rencontrer ce genre de problème de plus en plus souvent. »
EDF l’avait signalé la semaine dernière. Contactée, l’entreprise considère que cela n’a « aucune conséquence réelle pour la sécurité des salariés, ni pour l’environnement ». « Le vieillissement de certains matériaux est un phénomène naturel, connu, étudié et pris en compte par l’exploitant dès la conception des centrales, nous explique-t-on au siège. Les contrôles et les opérations de maintenance permettent précisément de remplacer les équipements qui le nécessitent. » Ces travaux devraient a priori pouvoir se faire sans interrompre l’activité des réacteurs.
Aussi un problème de diesel de secours
Avant l’eau, l’Autorité de sûreté du nucléaire (ASN) avait déjà pointé, au mois de juin, un risque de rupture d’approvisionnement, mais en électricité cette fois-ci. Les 20 réacteurs de 1 300 MW des centrales de Paluel et Penly (Seine-Maritime), Flamanville (Manche) et Golfech (Tarn-et-Garonne), étaient concernés. Le problème ? Les diesels de secours n’étaient pas suffisamment bien fixés en cas de séisme. Or ces générateurs électriques tiennent un rôle essentiel dans la sûreté nucléaire. Ce sont eux qui fournissent l’électricité au réacteur en cas de coupure avec le réseau. Des inspections complémentaires viennent d’identifier des problèmes similaires dans deux autres centrales dotées de réacteurs de première génération (900 MW) : Bugey (Ain) et Fessenheim (Haut-Rhin).
Le Parisien
http://www.leparisien.fr/economie/nucleaire-des-reacteurs-menaces-par-la-rouille-17-10-2017-7336641.php
Commentaires récents