ALERTE : RISQUE DE FUSION DU CŒUR DES RÉACTEURS NUCLÉAIRES DE TRICASTIN ET CRUAS

Risque29 réacteurs nucléaires de EDF, dont trois du Tricastin et deux de Cruas, risquent d’exploser par rupture de la tuyauterie des circuits d’alimentation en eau, la perte de la source froide et l’indisponibilité des pompes du circuit d’eau brute secourue (SEC*). La protection contre l’incendie des centrales atomiques de France et les piscines de stockage des produits de fission radioactives (combustible) sont aussi menacés. La perte de la source froide peut conduire à la fusion du cœur du réacteur et à un accident nucléaire majeur. La rouille menace les vieilles gamelles atomiques.

Trois des quatre réacteurs nucléaires du Tricastin comme 26 autres réacteurs EDF en France dont ceux de Cruas (Ardèche) risquent d’exploser du fait d’une défaillance des tuyauteries alimentant en eau de refroidissement les réacteurs. La rupture des circuits d’alimentation en eau conduirait à la perte de la source froide et ainsi à l’indisponibilité des pompes du circuit d’eau brute secourue (SEC*). La protection contre l’incendie des centrales atomiques de France et le refroidissement des piscines de stockage des produits de fission radioactives (combustible) sont aussi menacés.

En fait c’est tous les systèmes de refroidissement qui risquent de rompre en cascade, de provoquer une inondation interne, notamment en cas de séisme, de priver la centrale atomique de l’alimentation en eau du réseau de protection contre l’incendie (circuit JPP) ainsi que celui de filtration d’eau brute (circuit SFI ou CFI).

EDF dans un communiqué avoue que les analyses ont mis en évidence « un risque d’inondation de la station de pompage pour vingt unités de production, rendant indisponible les deux circuits d’alimentation en eau du réacteur« .

La perte de la source froide peut conduire à la fusion du cœur du réacteur et à un accident nucléaire majeur

L’eau pompée dans les cours d’eau (ou la mer pour les centrales atomiques du littoral) est essentielle au fonctionnement d’une centrale nucléaire car elle en assure le refroidissement. Sans elle pas de nucléaire.  « Si les centrales nucléaires sont implantées à proximité d’un cours d’eau ou de la mer, c’est parce que le réacteur et la piscine de stockage des combustibles usés doivent être refroidis en permanence. Protéger cet approvisionnement en eau (appelée « source froide ») est un enjeu majeur pour la sûreté : la perte de la source froide peut en effet conduire à la fusion du cœur du réacteur et donc à un accident nucléaire majeur » indique sur son site internet l’IRSN  (Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire).

Le SEC* sert à refroidir un autre circuit de refroidissement intermédiaire qui assure le refroidissement des matériels importants pour la sûreté du réacteur. C’est un circuit « de sauvegarde » constitué de deux lignes redondantes, comportant chacune deux pompes et deux échangeurs. Il fonctionne en permanence, même lorsque le réacteur est à l’arrêt.

29 réacteurs nucléaires (de 900 MWe et de 1 300 MWe) sur 58 sont menacés et menaçant

C’est par une quasi inadvertance que le pot aux roses a été découvert dans la centrale nucléaire de Belleville-sur-Loire***. Une insuffisance de résistance au séisme d’une tuyauterie « JPP » a conduit EDF à se soumettre à des investigations plus approfondies lorsque l’ASN en a eu vent. L’atomiste les a réalisées début juin 2017. Puis a été contraint, de début juillet à fin septembre 2017, de réaliser d’autres mesures d’épaisseur sur les tuyauteries des autres circuits (SFI et CFI) situées dans les mêmes locaux que les tuyauteries « JPP ». Et ce pour tous les réacteurs électronucléaires d’EDF.

À noter un problème de taille : ce n’est pas un organisme externe indépendant qui a réalisé les contrôles mais celui qui est à la fois juge et partie, à savoir EDF.

Les investigations ont mis en évidence que plusieurs portions de ces tuyauteries étaient sérieusement dégradées. Ainsi des épaisseurs de tuyauterie inférieures à l’épaisseur minimale requise pour assurer la résistance au séisme. Ce qui est une des conséquences inéluctables de la corrosion qui s’est développée au fil des années de fonctionnement des réacteurs atomiques. D’autant plus que peu ou même aucune maintenance préventive n’a été envisagée par les têtes pensantes du roi-nucléaire. Quand on pense qu’EDF veut prolonger encore au-delà du « raisonnable » initialement envisagé de 25/30ans la durée de vie/mort de ces réacteurs, il y a de quoi frémir et s’insurger !

EDF a tenté de minorer cet incident nucléaire générique au parc nucléaire français

Pudique comme une jeune fille en fleurs ou un jouvenceau l’exploitant atomiste avait proposé le 2 août 2017 de classer cet évènement au niveau 1 de l’échelle INES. Comme si minorer la déclaration de risque estompait celui-ci. Une attitude de pure croyance magique et de fuite de responsabilité.

Aussi, cette incroyable situation a conduit l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) a monter d’un cran et a classé au niveau 2**** de l’échelle INES comme événement significatif pour la sûreté ce risque de perte totale de la source froide (perte des 2 voies du circuit SEC) pour 20 réacteurs atomiques – dont ceux de Cruas en Ardèche – répartis sur dix centrales nucléaires (Belleville-sur-Loire, Cattenom, Chinon, Cruas, Dampierre-en-Burly, Golfech, Nogent-sur-Seine, Paluel, Saint-Alban et Saint-Laurent-des-Eaux) et au premier niveau d’incident nucléaire (0 sur l’échelle INES) pour neuf autres réacteurs dont ceux du Tricastin en Drôme-Vaucluse menacés par une perte partielle de cette source froide.

Pas de redémarrage de réacteurs tant que les réparations ne sont pas effectuées et que la preuve en est validée

L’ASN veux que les réparations des tuyauteries JPP, SFI ou CFI visant à assurer la disponibilité totale du circuit SEC en cas de séisme doivent être engagées au plus tôt pour les réacteurs actuellement en fonctionnement et avant leur redémarrage pour les réacteurs à l’arrêt. Ce qui est le cas des 4 réacteurs du Tricastin à l’arrêt pour menace de fuite voire d’effondrement de la digue du canal de Donzère-Mondragon dans lequel la centrale atomique pompe son eau de refroidissement et de lutte contre l’incendie et y rejette ses eaux contaminées.

Mais est-ce bien suffisant ? Certes non lorsqu’on lit les propos de l’IRSN (Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire) qui, dans son dossier « Refroidissement des installations nucléaires : protéger l’approvisionnement en eau », avertit et précise que « les agressions naturelles possibles des équipements de pompage ont été insuffisamment prises en compte à la conception des réacteurs. ». Ainsi les salles des commandes des réacteurs atomiques ne disposaient pas jusqu’à ces dernières années d’une image du transit de l’eau brute.  Et aujourd’hui : toutes les salles de commandes des 58 réacteurs atomiques de France possèdent-elle ce dispositif de contrôle ?

Et l’IRSN d’affirmer que « L’accident de Fukushima (Japon) en 2011 a également mis en évidence la nécessité de prendre en compte la perte simultanée de la totalité des sources froides et de l’électricité». Il y a six ans déjà.

Et l’organisme officiel d’enfoncer le clou en affirmant que si « les réacteurs nucléaires sont (plus ou moins) conçus pour résister à divers aléas naturels tels séisme, inondation, neige ou vent,… les agresseurs possibles de la source froide – l’eau pompée d’un cours d’eau ou de la mer pour refroidir le  réacteur –  sont loin de se résumer à cette seule liste. Ils comprennent la prise en glace, le frasil (des cristaux de glace collant qui se forme à la surface de l’eau quand celle-ci est très froide), la canicule, les hydrocarbures ou encore des colmatants végétaux tels que les algues. »

Depuis les années 1980 les exploitants nucléaires et les autorités connaissent la menace et l’ont minorée

Sur son site internet l’IRSN annonce enfin que « dès les années 1980, des études probabilistes menées à l’Institut et à EDF ont montré que la probabilité d’une perte totale de source froide n’était pas un risque résiduel. »  Les très rigoureux hivers des années 1980 ont montré la vulnérabilité des installations à la glace et au frasil. Puis la sécheresse et les canicules de 2003 et de 2006 ont mis en évidence une autre vulnérabilité à l’ensablement et à l’envasement tel à la centrale de Chinon B (Indre-et-Loire) en 2005 ou encore la présence d’algues à la centrale de Paluel (Seine-Maritime) en 2004 et 2005.

En « 2005, une étude sur les liens entre agressions externes et perte de source froide » a révélé « que l’exploitant a longtemps estimé certains cumuls trop improbables comme une inondation charriant des éléments colmatants. »

Pourtant « c’est une suite d’évènements affectant la disponibilité de la source froide » survenus en 2009, à la centrale de Chooz B (Ardennes), au Blayais (Gironde), à Fessenheim (Haut-Rhin) puis à Cruas-Meysse (Ardèche)*****  et au Tricastin (Drôme et Vaucluse) où de gros déchets d’arbres charriés par le Rhône ont bouché les prises d’eau que les graves problèmes d’insûreté de la source froide ont été vraiment pointés du doigt et enfin déclenché un début de réflexion globale par EDF. Un peu tard non ?

On continue de bricoler pour maintenir à bout de bras une activité nocive, coûteuse et menaçante

Au moment où EDF a annoncé lundi 16 octobre avoir étendu à deux autres centrales nucléaires (centrales nucléaires du Bugey dans l’Ain et de Fessenheim dans le Haut-Rhin son alerte) son enquête sur l’indisponibilité potentielle de sources électriques en cas de séisme, l’IRSN a publié ce même jour un point d’information cinglant concernant « la découverte de ces non-conformités relatives à la tenue au séisme de tuyauteries situées dans la station de pompage de 29 réacteurs du parc en exploitation et leurs conséquences potentielles pour la sûreté ».

L’Institut attire aussi l’attention sur l’urgente nécessité de prendre en compte le cumul d’agressions, de mettre en œuvre des actions correctives à court et moyen terme, le principal point de fragilité concernant « la réserve d’eau utilisée pour alimenter les générateurs de vapeur car, en général, commune à plusieurs réacteurs », la création d’une source froide diversifiée tant la catastrophe nucléaire de Fukushima, au Japon en 2011, « a conduit à envisager une nouvelle situation accidentelle : une perte totale des sources froides et de l’électricité affectant l’ensemble des réacteurs et piscines d’entreposage de combustibles usés, qui se prolonge dans le temps. ».

« Même si EDF a fait des efforts très importants ces dernières années pour protéger les sources froides, nous devons continuer à postuler qu’une perte peut arriver pour mieux nous y préparer. Il faut sans cesse anticiper et analyser de nouvelles situations. La nature a prouvé qu’elle peut avoir plus d’imagination que l’ingénieur », conclut une spécialiste de l’Institut.

Mais la création « d’une source froide diversifiée utilisant par exemple l’eau d’une nappe phréatique ou encore la Force d’action rapide nucléaire (Farn) convoyant des moyens mobiles capables de venir au secours d’une centrale en difficulté » sont-elles vraiment la réponse à l’ignominie nucléaire ? N’est-il pas plus rationnel de mettre à l’arrêt définitif toutes les installations atomiques du pays ?

Notes:

*Le circuit d’eau brute secourue appelé SEC contribue, à partir de l’eau froide disponible près de l’installation (mer ou cours d’eau), au refroidissement de systèmes de sûreté. Le Rhône pour les réacteurs nucléaires de Cruas, le canal de Donzère-Mondragon pour les réacteurs nucléaires de Tricastin. Afin de réduire le risque d’une perte totale de source froide, le circuit SEC doit disposer de deux voies totalement indépendantes ayant la capacité d’assurer chacune les fonctions. Chaque réacteur dispose de deux stations de pompage. Leur rôle : garantir l’arrivée de l’eau qui assure le refroidissement du réacteur et de la piscine de stockage des combustibles usés.

**Le réacteur 2 de la centrale nucléaire de Paluel, actuellement à l’arrêt, n’a pas fait à ce jour l’objet d’investigations.

***Extraits de la note de l’ASN publiée le 02/08/2017 : «Centrale nucléaire de Belleville-sur-Loire – Réacteurs de 1300 MWe – EDF : Non-tenue au séisme de deux tuyauteries du système d’alimentation en eau du réseau incendie (JPP).  Le 23 juin 2017, la centrale nucléaire de Belleville a déclaré à l’ASN un événement significatif portant sur une dégradation significative de plusieurs tuyauteries du circuit d’alimentation en eau du réseau incendie (JPP). Les mesures d’épaisseur demandées par l’ASN et réalisées par EDF en mars, mai et juin 2017 ont mis en évidence, sur plusieurs portions du circuit, des épaisseurs inférieures à l’épaisseur minimale requise pour assurer la conservation de l’intégrité du système JPP en cas de séisme. Ces sous-épaisseurs sont la conséquence d’une maintenance préventive inadaptée. Les tuyauteries JPP concernées sont situées dans les locaux des stations de pompage de l’eau des circuits d’eau brute secourue (SEC) de chaque réacteur… En cas de séisme, la rupture des tuyauteries JPP provoquerait une inondation de ces locaux puis, en l’absence de dispositif efficace d’évacuation des eaux, la défaillance des pompes du circuit SEC. Dans une telle situation, l’évacuation de la puissance résiduelle du réacteur ne serait plus assurée. »

****Réacteurs relevant du niveau d’incident nucéaire INES 2 : Centrale nucléaire de Belleville-sur-Loire : réacteurs 1 et 2, Centrale nucléaire de Cattenom : réacteurs 1, 2, 3 et 4, Centrale nucléaire de Chinon : réacteurs B3 et B4, Centrale nucléaire de Cruas : réacteurs 1 et 4, Centrale nucléaire de Dampierre-en-Burly : réacteurs 1, 2, 3 et 4, Centrale nucléaire de Golfech : réacteurs 1 et 2, Centrale nucléaire de Nogent-sur-Seine : réacteurs 1 et 2, Centrale nucléaire de Saint-Laurent-des-Eaux : réacteurs B1 et B2.  Réacteurs relevant du niveau d’incident nucéaire INES 0 : Centrale nucléaire de Cruas : réacteurs 2 et 3, Centrale nucléaire de Paluel : réacteurs 3 et 4, Centrale nucléaire de Saint-Alban: réacteurs 1 et 2, Centrale nucléaire du Tricastin : réacteurs 1, 3 et 4

*****Incident de Cruas de  2009 : une perte totale de source froide pendant 10 heures. En début de soirée du 1er décembre 2009, une cinquantaine de tonnes de végétaux s’accumulent sur les grilles de la station de pompage des réacteurs n°3 et n°4 de la centrale de Cruas-Meysse (Ardèche). Dès lors, une perte totale de source froide va affecter l’unité de production n°4 qui doit être mis à l’arrêt. Le Plan d’urgence interne d’EDF est déclenché. Conformément aux procédures de conduite, l’exploitant utilise l’eau de deux grands réservoirs, le premier (bâche PTR) pour refroidir les systèmes importants pour la sûreté (IPS) et le second (bâche ASG) pour évacuer la puissance résiduelle du cœur du réacteur par une alimentation en eau des générateurs de vapeur. Au niveau de la station de pompage de la centrale, des moyens mobiles interviennent pour retirer les végétaux du dégrilleur, le dispositif de filtrage qui était censé récupérer les feuilles, algues et mousses charriés par l’eau. Ce n’est qu’au matin que tout rentre dans l’ordre. La perte totale de la source froide aura duré dix heures. L’incident sera classé au niveau 2 sur l’échelle internationale des événements nucléaires (Ines).

Annexe

Un fonctionnement complexe et des plus risqués, à chaque site, son propre dispositif : le cas de Cruas (extrait du dossier IRSN).

D’un côté,  le refroidissement des systèmes importants pour la sûreté : un système d’échangeur assure le refroidissement d’un circuit intermédiaire (RRI) qui a lui-même pour fonction de refroidir les éléments et systèmes implantés dans l’îlot nucléaire, notamment les systèmes de sauvegarde (injection de sécurité RIS et aspersion dans l’enceinte EAS). Il est conçu en circuit ouvert : l’eau est directement prélevée au niveau d’une prise d’eau, et est évacuée par des installations de décharge.

D’un autre côté, le refroidissement de la partie conventionnelle de la centrale où se trouvent la turbine et l’alternateur de production d’électricité. Il peut être en circuit ouvert (l’eau est directement prélevée dans la rivière ou la mer, traverse le condenseur pour ensuite retourner dans la rivière ou la mer) ou fermé (l’eau s’échauffe au niveau du condenseur, puis est refroidie par courant d’air dans une tour de refroidissement, appelée aéroréfrigérant).

À la différence des réacteurs qui sont de conception standard, l’accès à la source froide varie selon les spécificités géographiques de chaque site. Elle comprend en général une prise d’eau qui mène à une station de pompage. Les dispositifs de pompage sont des installations de taille industrielle.

À la centrale de Cruas-Meysse (Ardèche) par exemple, il faut une voiture pour se rendre à l’entrée du canal d’amenée, lequel a été pensé à partir d’une étude hydrologique. Perpendiculaire à l’écoulement du Rhône, un « épi-déflecteur », une digue d’une soixantaine de mètres, protège l’entrée du canal en déviant le flux débris charriés par le fleuve. Cette prise d’eau mène à la station de pompage proprement dite.

Chaque réacteur dispose de deux stations de pompage – en cas de perte de la première station de pompage, la deuxième va prendre le relais – et de trois systèmes de filtration : une drome flottante ou pré-grille pour bloquer l’entrée des gros objets flottants tels que troncs ou des bidons. On y trouve également un barrage flottant prêt à être déployé en cas d’arrivée d’une nappe d’hydrocarbure ; des grilles de pré-filtration pour arrêter les colmatants non stoppés par les dispositifs précédents ; des filtres, à chaînes ou à tambour, situés en amont des pompes pour assurer la filtration fine.

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