L’Agence prévoit toujours de déposer sa demande d’autorisation de construction en 2019.
Lorsque le 15 janvier 2018 l’ASN (Autorité de sûreté nucléaire) demande à l’Andra (Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs qui exploite les centres de stockage de déchets radioactifs de Soulaines et Morvilliers) de revoir sa copie sur son projet phare Cigéo <http://www.lest-eclair.fr/54361/article/2018-01-16/enfouissement-de-dechets-nucleaires-les-anti-bure-confortes-dans-leurs-craintes> , l’Agence n’est pas surprise… En cause, les colis bitumineux jugés inflammables <http://www.lest-eclair.fr/54361/article/2018-01-16/enfouissement-de-dechets-nucleaires-les-anti-bure-confortes-dans-leurs-craintes> .
Les colis bitumeux, c’est quoi ?
Ces colis proviennent du traitement des déchets d’exploitation d’installations. Le procédé consiste à mélanger ces effluents liquides à du bitume du type de celui que l’on trouve sur la route. Sauf que le bitume est un matériau inflammable et dans les déchets mis à l’intérieur, des particules chimiques peuvent interagir entre elles et générer de la chaleur qui va elle-même élever la température du bitume. Le phénomène peut s’emballer et c’est justement ce que craint l’ASN.
Le projet prévoit que les colis soient regroupés dans des conteneurs en béton cylindriques de 220 litres. Pour les bitumes, on prévoit 20 centimètres de béton alors que pour les autres, 12 centimètres de béton sont prévus. Mais cette précaution n’est pas suffisante pour l’ASN.
Quelles sont les autres solutions proposées par l’Andra ?
Les ingénieurs étudient un procédé qui consisterait à incinérer ces déchets bitumineux. Les éléments radioactifs pourraient ainsi être récupérés sous forme de cendres destinées à être liquéfiées ou conditionnées d’une autre façon. Autrement, des traitements chimiques pour séparer le bitume des déchets radioactifs sont également à l’étude.
En recherche depuis 20 ans, l’Andra compte-t-elle trouver la solution en un an seulement ?
« Les études ne commencent pas maintenant. Des travaux sont déjà menés depuis plusieurs années. On a même retrouvé des vieux rapports qui datent du centre Manche », explique-t-on à l’Agence.
Néanmoins, les ingénieurs se penchent encore sur les options de conception des alvéoles dans lesquelles se trouveraient ces déchets bitume. Autre piste de recherche, augmenter les moyens de détection précoce d’élévation de température, mettre en place des moyens de limitation des conséquences au cas où un accident surviendrait. « On espère pouvoir démontrer à l’ASN que les évolutions de conception que l’on propose sont suffisantes pour permettre de prendre en toute sûreté ces colis bitume dans Cigéo », assure Michèle Tallec, responsable du service inventaire et planification de l’Andra.
Le stockage géologique est-elle la seule option étudiée depuis 20 ans ?
Dès le milieu des années 70, on recherche déjà un terrain géologique propice pour faire du stockage en profondeur. Des études sont menées dans l’Ain, l’Aisne, le Maine-et-Loire et les Deux-Sèvres. Dix ans plus tard, l’Andra commence à travailler sur cette option qui sera entérinée par la Loi Bataille de 1991.
Quid de l’entreposage des déchets en surface ?
Suite à la loi Bataille, la solution de référence semble être le stockage géologique profond. « L’entreposage de longue durée n’est pas une solution pérenne », plaide Michèle Tallec. « L’entreposage peut être utile pour nous donner de la souplesse, pour attendre la mise en œuvre de Cigéo, pour laisser refroidir les colis, mais ce n’est pas une solution à long terme. »
La date de 2019 peut-elle être repoussée ?
« La deadline ne sera pas remise en cause, même si les résultats ne seront pas définitifs », affirme la chef de planification. « Ces déchets ne représentent que 18 % de l’inventaire total ; on ne va pas remettre tout le projet en question pour à peine 20 %. Mais il faudra sans doute faire des choix pour proposer un stockage des bitumes en l’état ou un stockage des bitumes après traitement. »
Et la mise en service, au mieux, en 2026 ?
Depuis l’avis de l’ASN, le calendrier est moins précis. « Il faut transformer ces recherches en laboratoire en procédé industriel nucléarisé, ce qui prend toujours beaucoup de temps… », développe l’ingénieure de l’Andra.
« Cigéo, c’est un développement progressif. La technologie avance tous les jours. On n’est pas dans la recherche pure pour trouver une solution miracle. Si on se replace 20 ans en arrière, on a fait d’énormes progrès, ne serait-ce qu’en termes de miniaturisation, de surveillance à distance. »
En clair, si l’Andra maintient le cap, plus que jamais elle se réfugie derrière le principe de réversibilité – inhérent au projet depuis 2016 – afin de laisser la porte ouverte à d’autres solutions plus pertinentes. Pendant au moins cent ans, les générations futures auront la possibilité de récupérer ces colis ou adapter le principe de stockage en fonction des connaissances techniques et scientifiques futures.
Après Notre-Dame-des-Landes, Bure?
Les opposants au projet d’enfouissement de déchets radioactifs à Bure (Meuse) voient dans l’abandon du projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes une source d’espoir avec une ambition : pourquoi le gouvernement ne mettrait-il pas fin aussi au projet Cigéo ?
« Imposer, à des territoires sensibles, de grands projets industriels sans concertation digne de ce nom ni proposition alternative, doit faire maintenant partie de pratiques révolues », indique le collectif Burestop dans un communiqué.
« À Bure et dans les pays nucléarisés, le stockage géologique profond des déchets nucléaires est imposé depuis les années 1980 sans évoquer d’alternatives. En France, la loi Bataille qui prévoyait trois voies de recherche, n’a pas été respectée.
« Il faut stopper le projet Cigéo/Bure qui accumule les remises en question – technologiques, financières et sociales – et remettre tout à l’étude : de la production des déchets atomiques à leur épineuse gestion. »
Par Willy Billiard
www.lest-eclair.fr/55349/article/2018-01-24/l-andra-relativise-l-avis-de-l-autorite-de-surete-nucleaire
Remarques du Réseau « Sortir du Nucléaire »
« Comme toujours, l’Andra minimise les problèmes. Elle oublie de dire que le traitement des déchets bitumineux fait l’objet d’importantes controverses scientifiques car il n’est pas certain qu’il soit réalisable à l’échelle industrielle. La Commission Nationale d’Évaluation a d’ailleurs appelé à une expertise internationale sur le sujet.
Par ailleurs, les déchets bitumineux ne sont pas le seul problème soulevé par l’Autorité de sûreté nucléaire. Tant sur les moyens de surveillance du site, la récupérabilité des déchets ou l’architecture du site (qui est conçu de telle manière que d’importants rejets en surface ne peuvent être empêchés), l’Andra doit apporter des réponses. Elle devrait se garder de tout optimisme car ces points pourraient nécessiter de revoir en profondeur la conception même de CIGÉO. »
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