Les inspections effectuées par les autorités russes ne collent apparemment pas avec le scénario d’un accident nucléaire survenu à l’usine de Mayak, au sud-est du pays. De nouvelles investigations vont être menées pour préciser l’origine du nuage de ruthénium, qui a déclenché les réseaux d’alerte européens en octobre 2017.Voici comment.
INVESTIGATIONS. La localisation de la source russe qui a dégagé du ruthénium, un radionucléide artificiel l’automne dernier demandera des investigations approfondies dont les résultats ne seront pas connus avant avril prochain, à minima. C’est ce qu’a expliqué Jean Luc Lachaume, directeur délégué à la crise de l’IRSN,à Sciences et Avenir, à son retour de Moscou, début février. L’expert représentait la France, le 31 janvier 2018 lors de de la première réunion de la Commission internationale d’experts mise en place par les autorités russes pour découvrir l’origine de cette pollution. Les chercheurs ont collectivement écarté la possibilité que cette pollution soit d’origine satellitaire ou médicale (le ruthénium servant parfois à soigner des cancers de l’œil). Mais l’IRSN, l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire français, y a également défendu sa meilleure hypothèse: » celle d’un rejet au cours d’un incident survenu en septembre 2017 lors d’une opération utilisant du combustible irradié refroidi deux ans environ à l’usine de Mayak (Russie) située dans une zone comprise entre la Volga et l’Oural ». L’âge du combustible aurait pu être déterminé « en raison de la détection de ruthénium-103 avec un ratio par rapport au Ruthénium-106 caractéristique d’un combustible usé sorti d’un réacteur nucléaire depuis environ 24 mois » précise Jean-Luc Lachaume. Rappellons que le Ru-106 est un radionucléide artificiel né de la fission de produits nucléaires et qui n’est pas présent naturellement dans l’environnement. Ce scénario colle avec l’hypothèse avancée par des chercheurs dans les colonnes de notre confrère le Figaro le 2 février dernier : l’usine de Mayak a en effet justement remporté l’an dernier un appel d’offre auprès du CEA et de son homologue italien l’INFN pour fournir du cérium-144 aux fins d’une expérience de physique fondamentale, commande qu’elle n’a pu honorer.
Or, précise Jean-Luc Lachaume, « le retraitement de combustibles usés permet normalement de recueillir de tels radio-isotopes avec des filtres (voir notre image ci-dessous), mais en cas de réchauffement accidentel, le ruthénium peut s’évader à l’état gazeux« … et même être détecté par les stations de surveillance de la radioactivité atmosphérique européennes, en cas de rejet massif.
Le hic, c’est que ce scénario, né des investigations de l’IRSN français et approuvé par les experts allemands, ne colle pas avec les résultats des inspections effectuées par les russes sur le terrain, entre août et novembre 2017. Selon la directrice de l’Autorité de sûreté russe entendue par la Commission d’enquête, » aucun incident n’est survenu entre août et novembre 2017 dans les installations de Dimitrovgrad et de Mayak situées dans la zone identifiée par l’IRSN« .
La Commission a donc décidé de poursuivre ses travaux. Les autorités russes doivent fournir à l’IRSN (et aux autres experts) les mesures réalisées autour de l’usine de Mayak et dans la région. Ils doivent également fournir les conditions et données météorologiques locales entre septembre et octobre. Cela permettra un maillage des zones concernées plus fin que celui réalisé à partir des données de Météo France, situé à 6000 km de là. À partir de ces données, l’IRSN affinera donc ses simulations. Pour en finir avec l’incertitude sur l’origine du rejet, elle pourra alors recommander de nouvelles analyses du sol dans les endroits qui lui semblent pertinents, dans toute la région sise entre la Volga et l’Oural. La prochaine réunion est fixée au 11 avril 2018, à Moscou.
https://www.sciencesetavenir.fr/nature-environnement/nucleaire/pollution-au-ruthenium-la-piste-de-combustibles-mal-retraites-en-russie-sera-creusee_121173
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