NUCLÉAIRE. LE DÉLAI OFFERT À L’EPR DE FLAMANVILLE EST-IL NORMAL ?

Compte tenu du retard pris par le chantier, un décret ministériel a prolongé l’autorisation de construction de l’EPR signée en 2007. Pas valable, selon les opposants. Ils ont déposé un recours.

La construction du nouveau réacteur nucléaire de type EPR à Flamanville ne se déroule pas vraiment comme prévu… Le chantier a pris sept ans de retard et le devis a triplé en dix ans : en 2007, le chantier de l’EPR prévoyait une mise en service en 2012 et un coût de 3,3 milliards.

Depuis les mésaventures se sont succédé. La plus marquante : la découverte d’anomalies sur le couvercle et le fond de la cuve du réacteur en 2015. La dernière : la présence de soudures fragiles sur le réseau secondaire révélée il y a dix jours. Pendant ce temps, la facture grimpe. Elle s’élève aujourd’hui à 11 milliards d’euros.

Opposés à cette construction, le Comité de réflexion d’information et de lutte anti-nucléaire (le Crilan) et l’association Notre affaire à tous ont déposé un nouveau recours devant le Conseil d’État, le 8 mars 2018. Elles estiment que le décret ministériel, signé le 23 mars 2017, qui a prolongé de trois ans l’autorisation de construction du 10 avril 2007 (pour une durée de dix ans) n’est pas valable en raison de l’absence d’une nouvelle enquête publique.

« Pas impossible » de surmonter les anomalies

Louis Dutheillet de Lamothe, le rapporteur public chargé du dossier, réfute cet argument, considérant que le projet initial n’a pas été modifié.

Mais pour les opposants, des éléments techniques ont changé. C’est le cas du combustible exploité (oxyde d’uranium faiblement enrichi ou mélange d’oxyde d’uranium et d’oxyde de plutonium) et de la concentration en carbone de l’acier utilisé pour la cuve du réacteur.

Ce dernier point a retenu l’attention du rapporteur public… qui a renvoyé la balle à l’Autorité de sûreté nucléaire, le gendarme du nucléaire. Cette question ne pourra être étudiée qu’au stade de l’autorisation de mise en service de l’EPR. L’ASN a d’ailleurs demandé à EDF de régler ses problèmes de soudures avant de pouvoir délivrer son autorisation de démarrage. « Il n’est pas impossible que ces anomalies soient surmontées au cours des trois prochaines années »,  estime Louis Dutheillet de Lamothe.

Pour lui,  « autoriser la prorogation du délai de construction n’implique pas l’autorisation de la production ».  Il propose donc aux juges de rejeter la requête des deux associations. La décision sera rendue courant mars.

Frédérique JOURDAA

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