Une visite d’État de trois jours, où il est question de concilier transition énergétique et fission atomique.
C’est le message martelé par l’Élysée. Emmanuel Macron, en visite d’État en Inde à partir de ce vendredi 9 mars, a placé ce déplacement dans le prolongement de la COP21 et du One Planet Summit. Une diplomatie « Make Our Planet Great Again » à l’heure où les États-Unis de Donald Trump se tournent vers le charbon mais qui se heurte, comme en France, aux débats sans fin sur le rôle du nucléaire dans la lutte contre le réchauffement climatique.
Symbole de ce volontarisme, le président de la République co-présidera samedi 10 mars le premier sommet de l’Alliance solaire internationale (Asi). Issue de la COP21, cette coalition portée par l’Inde et la France affiche l’ambition d’augmenter significativement la production d’électricité solaire dans les 121 pays situés entre les tropiques du Cancer et du Capricorne.
Il y a pourtant un autre volet du voyage sur lequel l’Élysée se montre beaucoup moins loquace que la presse indienne: les négociations portant sur la construction de six EPR à la centrale de Jaitapur, laquelle fait l’objet d’une contestation sur place. Il a fallu en effet attendre samedi 10 mars pour voir l’Élysée annoncer espérer un accord définitif « avant la fin de l’année« .
Alors, paradoxale l’approche élyséenne?
Green diplomacy
« L’idée du sommet de l’Alliance solaire, c’est de rendre cette alliance opérationnelle« , assure l’entourage du chef de l’État, qui promet l’annonce de « projets concrets » matérialisés notamment par la signature de contrats. Ségolène Royal, « envoyée spéciale pour la mise en œuvre de l’Alliance solaire« , fait d’ailleurs partie de la délégation présidentielle.
Toujours dans la catégorie green diplomacy, Emmanuel Macron inaugurera dimanche 11 mars, en compagnie du premier ministre indien Narendra Modi, la plus grande centrale solaire de l’Uttar Pradesh, État le plus peuplé d’Inde. Baptisée Mirzapur, cette centrale d’une capacité 75 mégawatts a été construite par le groupe français Engie via sa filiale Solairedirect.
Histoire de bien insister sur la question climatique, plusieurs chefs d’entreprises investies dans l’économie verte, comme Voltaia ou Enekio, font partie de la délégation qui accompagne Emmanuel Macron, lequel participera à une réunion d’entrepreneurs dont la moitié des échanges sera consacrée à la transition énergétique.
Du solaire au nucléaire
Sur le dossier nucléaire en revanche, la com’ présidentielle est un peu moins bavarde. Au mois de novembre, alors en visite à New Delhi, Jean-Yves Le Drian avait indiqué que les discussions sur la centrale de Jaitapur étaient « en bonne voie« .
Le quotidien économique indien The Economic Times se montre optimiste sur ce dossier, estimant « probable » qu’un accord soit signé « lors de la visite d’Emmanuel Macron« . « Les deux parties doivent encore finaliser les aspects cruciaux du projet« , a déclaré au quotidien un proche du premier ministre Modi. « Les négociations sont en cours, on ne peut rien confirmer« , affirme de son côté l’Élysée, alors que The Economic Times affirme que Paris cherche à obtenir des garanties en matière de responsabilité civile en cas de dommages nucléaires.
Alors que la France souhaite réduire la part de son parc atomique, les négociations portant sur la construction par EDF de six EPR, de surcroît dans le cadre d’un déplacement placé sous le signe de la transition énergétique, a de quoi faire bondir plus d’un écologiste.
Pour autant, cela n’est pas incompatible avec la bataille diplomatique menée par Emmanuel Macron: la baisse des gaz à effet de serre. D’autant que l’Inde est le troisième plus gros émetteur de carbone au monde.
Une étude publiée en 2013 par des chercheurs indépendants affirmait que le nucléaire, malgré la grande question des déchets radioactifs, avait l’avantage de ne pas polluer et, donc, d’avoir en réalité évité 1,84 millions de morts depuis 1971.
Selon les chiffres de l’Ademe (l’agence française de l’énergie) ci-dessous, le nucléaire serait, au global, aussi peu polluant que les énergies renouvelables.
« Si l’on veut maintenir la date de 2025 pour ramener dans le mix énergétique le nucléaire à 50 %, ça se fera au détriment de nos objectifs climatiques. Et ça se fera au détriment de la fermeture des centrales à charbon et probablement que si l’on voulait s’acharner sur cette date, il faudrait même rouvrir d’autres centrales thermiques« , expliquait Nicolas Hulot au moment de son « recul » sur le nucléaire.
Voilà qui pourrait expliquer la position de la France, malgré le caractère contradictoire, du moins en termes d’image, de l’approche solaire/nucléaire promue en Inde.
Par Romain Herreros
https://www.huffingtonpost.fr/2018/03/08/en-inde-macron-ne-jure-que-par-le-solaire-tout-en-vendant-du-nucleaire_a_23379083/
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