Souvenez-vous: en 2011, suite à la catastrophe nucléaire de Fukushima, et alors que devait débuter le débat politique sur la construction de nouvelles centrales, le Conseil Fédéral annonçait sa volonté de sortir du nucléaire.
Cette volonté a été plébiscitée par le peuple suisse l’année passée, avec une acceptation par 58,2% des votant-e-s de la stratégie énergétique 2050.
Or aujourd’hui force est de constater que le Conseil Fédéral n’a pas l’intention de tirer la prise de nos centrales atomiques, pourtant parmi les plus vieilles du monde. Il a au contraire mis en consultation une série de révisions d’ordonnances <https://www.admin.ch/ch/f/gg/pc/documents/2924/Rapport-explicatif_fr.pdf> qui visent à assouplir les règles en matière de sécurité nucléaire, prolongeant de manière démesurée et inconsciente la vie de nos centrales.
Ainsi, s’il n’est plus question pour l’heure de construire de nouvelles centrales nucléaires, on va tout faire pour exploiter celles existantes au-delà de ce que les mesures élémentaires de précaution et de sécurité n’imposeraient. Une fois encore, la logique du profit économique l’emporte sur le bon sens.
Car comme le rappelle avec humour l’image ci-dessus, nos centrales sont vieilles, et Beznau est même la plus ancienne du monde encore en activité. En 1969, année de son inauguration, Brejnev était Secrétaire général du parti communiste d’URSS, De Gaulle quittait la présidence de la République française, Neil Amstrong posait un premier pas humain sur la Lune et des milliers de jeunes hippies dansaient à Woodstock.
Or au lieu de pouvoir profiter d’une retraite et d’un démantèlement bien mérités, le réacteur I de Beznau vient d’être reconnecté au réseau, après trois ans d’arrêt suite à des problèmes techniques. L’Inspection Fédérale de la Sécurité Nucléaire (IFSN) a même annoncé qu’elle pourrait rester en service jusqu’en 2030 <https://www.letemps.ch/suisse/beznau-i-plus-vieille-centrale-nucleaire-monde-devra-tourner-jusqua-2030> soit 21 ans de plus que la durée de vie imaginée lors de sa construction.
Pour renforcer et ancrer légalement cette volonté d’user les centrales jusqu’au dernier atome, les révisions d’ordonnances en consultation prévoient une baisse de plusieurs critères d’évaluation en lien avec la sécurité des centrales. À titre d’exemple, on y parle d’une augmentation d’un facteur 100 de la dose de radiations admissible pour les accidents fréquents et rares, ce qui exposerait la population à des risques radiologiques insensés.
Car ce qu’il est fondamental de ne jamais oublier lorsque l’on parle de nucléaire, c’est que les conséquences d’un accident seraient de nature à rendre inhabitables des dizaines de kilomètres carrés aujourd’hui densément peuplés, avec des conséquences humaines et environnementales catastrophiques.
Dans ces conditions, même un risque ayant une probabilité de survenance de 1 sur 10’000 ou sur 100’000 doit être pris très au sérieux, et toutes les mesures nécessaires à ce qu’il soit évité entreprises.
Il faut donc espérer que de très nombreuses voix s’élèvent contre ce projet d’assouplissement des normes sécuritaires, et qu’elles rappellent au Conseil Fédéral de suivre sans atermoiements la direction que le peuple a clairement indiquée en mai 2017 : un développement rapide et ambitieux des énergies renouvelables, à même de permettre d’écrire au plus vite le mot fin sur l’histoire nucléaire suisse.
https://blogs.letemps.ch/alberto-mocchi/2018/03/23/quand-le-nucleaire-revient-par-la-petite-porte/
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