TRICASTIN : PLAINTE CONTRE L’AUTORITÉ DE SÛRETÉ NUCLÉAIRE POUR MISE EN DANGER DE LA VIE D’AUTRUI

18 habitants des départements du Vaucluse, du Gard, de la Drôme et des Bouches-du-Rhône portent plainte contre l’Autorité de Sûreté Nucléaire pour mise en danger de la vie d’autrui.

Risque sur le système de refroidissement des réacteurs, défaillance d’éléments importants pour la protection en cas de séisme, irrégularités dans la fabrication d’équipements… La liste des « incidents » relatifs à la centrale nucléaire du Tricastin (en zone sismique, sur la commune de Saint-Paul-Trois-Châteaux, Drôme) est longue. On la trouve sur le site de l’ASN, Autorité de Sûreté Nucléaire, qui « assure, au nom de l’État, la réglementation et le contrôle du nucléaire pour protéger le public, les patients, les travailleurs et l’environnement ».

Estimant que la centrale est l’une des plus vieilles et des plus délabrées du parc nucléaire français, le Collectif antinucléaire du Vaucluse avait adressé à l’ASN en novembre 2017 une mise en demeure pour que ses 4 réacteurs ne redémarrent pas. N’ayant pas obtenu de réponse, en février, 18 habitants des départements du Vaucluse, du Gard, de la Drôme et des Bouches-du-Rhône ont porté plainte au pénal contre l’organisme, pour « mise en danger de la vie d’autrui et non-interdiction de fonctionnement d’une installation nucléaire en situation d’urgence radiologique et de protection des personnes face à la contamination radioactive de l’environnement », en saisissant les Procureurs des Hauts-de-Seine (siège de l’ASN) et de la Drôme.

Risque d’accident majeur

Le canal de Donzère-Mondragon longe le site du Tricastin et assure le refroidissement des réacteurs, mais sa digue présente des faiblesses. En cas de séisme, un accident de type Fukushima n’est pas à exclure. Selon Jean Revest, qui s’exprime au nom de la Coordination antinucléaire du sud-est, « avec le mistral, en cas d’accident, en une heure Avignon serait atteint, Marseille en deux ». Il évoque l’objectif principal de la démarche judiciaire : briser le mur du silence. « La mobilisation citoyenne pourrait changer les choses, car nous avons un pouvoir. Nous pouvons refuser de servir de rats de laboratoire. »

Il est vrai que les décennies de lobbyisme intense et la politique nucléariste du gouvernement français, qui soutient coûte que coûte EDF, CEA et Areva, ont bien fonctionné. Le 22 février, des gendarmes ont évacué les opposants au projet d’enfouissement de déchets nucléaires sur la commune de Bure (Meuse). Significativement, malgré un appel à manifester sa solidarité devant les Préfectures, très peu de monde était présent à Marseille. Pour Christine Dardhalon, l’une des plaignantes domiciliée dans le Gard, « à chaque manifestation, on se rend compte que les gens sont conscients du risque qu’ils encourent, mais ils sont résignés ». Les propos répétés du président de l’ASN, Pierre-Franck Chevet, qui anticipe un accident majeur sur le sol français, sans cependant prendre de mesures radicales, ne sont pas fait pour la rassurer : « il essaie de se couvrir ».

Contamination au quotidien

Selon Jean Revest, il y a d’autant plus urgence que, sans même la survenue d’un accident, « le crime est déjà à l’œuvre au quotidien, avec des rejets toxiques jour et nuit ». L’une des autres plaignantes, Michèle Van Mosse, évoque son sentiment d’être de plus en plus menacée par le nucléaire, et pas seulement à cause du Tricastin : « dans la Vallée du Rhône on est aussi concernés par Cruas, Marcoule, Cadarache… nos enfants vont avoir à gérer 48 centrales en fin de course et leurs déchets ». La Vauclusienne déplore le fait que « tout le monde est arrosé en respirant, en mangeant des légumes ou en buvant du vin produit à proximité des sites ». À l’instar des riverains de l’Étang de Berre, qui ont diligenté eux-mêmes une étude des pollutions industrielles dans leur secteur, faute d’action des pouvoirs publics, des analyses citoyennes pourraient être entreprises, afin d’évaluer précisément l’impact sur l’environnement des centrales. La procédure juridique, elle, est entre les mains de l’avocat des 18 plaignants, Me Riglaire, du Barreau de Lille. Une cinquantaine de plaintes du même type ont été déposées le 9 mars auprès du Procureur d’Avignon, par un avocat du Vaucluse, Me Faryssy.

Zibeline reviendra sur la question cruciale du nucléaire, dans ses prochains numéros.

GAËLLE CLOAREC