Alain Partensky, chercheur en physique nucléaire au CNRS, disait en 1978:« Le nucléaire est dangereux, il faut développer le solaire »
40 ans plus tard, en 2018, rien n’a changé.
Par son témoignage, sa fille lance aujourd’hui l’urgence de renoncer au nucléaire et d’investir dans les énergies renouvelables, elle appelle à l’engagement de tous, pour nos enfants, pour la France.
La voix douce et chaleureuse, mais déterminée de mon père, est aujourd’hui plus que jamais présente à mon oreille, je l’entends dire : « le nucléaire est dangereux, il faut développer le solaire ». Cette phrase, je l’ai entendue à maintes reprises, tous les jours à une certaine époque, et plus précisément en 1978. Elle a bercé mon enfance et mon adolescence, je me souviens aussi très bien qu’il évoquait déjà les fissures et précisait que les couvercles ne tiendraient pas.
Chercheur en physique nucléaire au CNRS et chargé de la communication (1), il connaissait parfaitement la technique du nucléaire et n’a eu de cesse de dénoncer sa dangerosité. Humaniste, il a été un des pionniers de l’écologie. À l’époque, les gens ne connaissaient pas toujours la définition de ce mot et les propos novateurs tenus par mes parents étaient moqués.
En 1976, mon père cofonde Polyphème, une des premières radios libres en France. Il avait rassemblé différents composants glanés à droite, à gauche, à Paris et en Italie, pour fabriquer un émetteur qu’il installait sur le toit avec sa bande de copains. Mais la diffusion de leurs idées ne durait jamais très longtemps car la police les repérait rapidement. Je me souviens du téléphone à la maison qui était sur écoute car on entendait « clac » en décrochant, les Renseignements Généraux s’intéressaient à nous… Un autre jour, allongée sur la banquette arrière de la voiture, j’ai souvenir d’une course poursuite dans les rues de Lyon…
Tous les soirs, les amis de mon père venaient refaire le monde, j’entendais leurs voix en toile de fond. Parfois celle de Joan Baez s’élevait au-dessus des leurs, ses chansons donnaient un air de fête à ce grand appartement. Brice Lalonde aussi était là, son nom était collé sur la boite aux lettres, il avait choisi notre adresse comme boite postale, et j’avais fini par m’habituer à lire son nom écrit à côté du nôtre.
La voix de mon père, qui osait s’élever et affirmer ses idées en avance sur son temps, (et oh combien reprises aujourd’hui), et ses multiples actions, teintées d’enthousiasme ou de déception, avec parfois de petites victoires, témoignent de son engagement qui était total, prenant le pas sur tout le reste.
40 ans plus tard, en 2018, rien n’a changé en termes de nucléaire. Les EPR (2) ont remplacé Superphénix (3), la protection de l’environnement est à la mode, et après ?
Le livre « Nucléaire danger immédiat« (4) sorti le mois dernier, est là pour présenter la situation de la France aujourd’hui. D’abord, le taux de carbone dans la composition des aciers est trop élevé et à l’origine de nombreuses fissures dans les cuves et les couvercles des réacteurs. Ensuite, les présidents de la République et les ministres de l’environnement qui se succèdent à la tête de l’État ne ferment pas les centrales nucléaires, comme ils s’y étaient engagés auparavant, tout simplement parce qu’ils n’en ont pas le pouvoir. Celui-ci, en réalité, est exclusivement entre les mains des autorités du nucléaire, à savoir EDF et l’ASN (5), qui continuent leur course folle en avant, vers quoi ?
C’est un dysfonctionnement bien à la française et rien ne change, c’est comme ça, c’est la France.
Aujourd’hui, seuls une prise de conscience collective et un sursaut citoyen peuvent conduire chacun à prendre la parole et changer le cours de l’histoire de la France, car c’est bien de cela qu’il s’agit.
À l’image du récent scandale du Lévothyrox, le témoignage d’une malade relaté dans les médias, ainsi que celui de l’actrice Anny Duperey, ont permis que les victimes de cette nouvelle formule de médicament, dont je fais partie, soient entendues.
Chaque geste, chaque action, chaque parole vers la transition énergétique est un pas de franchi et ensemble nous avancerons.
Je ne me suis jamais vraiment engagée dans la défense de l’environnement car ce sujet était beaucoup trop intime et douloureux pour moi, j’estimais aussi que seuls les scientifiques pouvaient le mener. Mais l’actualité et le report répété de la fermeture de la centrale de Fessenheim me poussent à agir. Contrôleur de gestion, je connais l’analyse des risques et l’analyse prédictive qui ne présagent pas de bonnes nouvelles pour la France et ses 58 réacteurs en fonctionnement au-delà de leur durée de vie. Le rapport 2016 de l’IRSN (6) révèle notamment un risque de rupture brutale des cuves de Bugey 4, Fessenheim 1, Tricastin 4 et Civaux. Mais EDF fait la sourde oreille, et continue, aveugle, tous réacteurs en marche, encore et encore, coûte que coûte…À quand le rapport 2017?
Un réacteur nucléaire qui explose en France aujourd’hui, c’est une ville rasée et une zone interdite à tout jamais d’un rayon de 100, 200, voir 300 kms ou plus. C’est la chute de l’euro et de l’Europe dans son sillage, la baisse de l’immobilier, le départ des investisseurs, une crise sans précédent dans tous les domaines. Qui parlait de croissance déjà ?
L’action de mon grand-père, résistant, me revient aussi en mémoire. Médecin de campagne dans l’ouest lyonnais, il cachait des juifs tout en haut de sa grande maison alors que la Gestapo avait élu domicile en face, de l’autre côté du jardin. Il avait même mis le grand rabbin de France dans sa clinique de la Salette et l’avait enveloppé de bandages et de pansements pour le cacher. À la nuit tombée, il faisait atterrir les avions en provenance de Londres dans les champs avoisinants, en dispersant des papiers d’aluminium pour brouiller les radars. Grand ami du résistant Raymond Basset, ils ont été, tous deux, les modèles exemplaires de mon père. Ils lui ont appris le courage de défendre ses idées et la ténacité qui caractérise les hommes de valeur. Se battre, il savait ce que cela voulait dire puisqu’il menait tous les jours discrètement un autre combat, celui du diabète de type 1, avec des piqures d’insuline quotidiennes depuis l’âge de 5 ans.
Au nom de la résistance, investissez-vous dans la transition énergétique et la baisse du nucléaire. Des pays ont initié et commencé ce changement, même la Chine et les États-Unis, mais pas la France.
Les français, connus des étrangers pour leur suffisance, devraient gagner en humilité. Les élites des grandes écoles d’ingénieurs françaises, qui ont pensé et conduit le nucléaire en France et le perpétuent aujourd’hui au-delà du raisonnable, devraient suivre la pédagogie de l’école 42 (7) et apprendre à désapprendre. Abandonner la vieille technologie du nucléaire devenue obsolète et s’intéresser davantage aux énergies vertes en regardant le soir « C’est pas sorcier » (8) avec leurs enfants, leur serait largement profitable et source de création de valeur pour la France. Au lieu de dépenser des milliards à poser des rustines dans nos vieux réacteurs malades, installez des panneaux solaires dans le Sahara (8), des éoliennes dans l’Océan Atlantique (8), soutenez, développez, exploitez, financez les projets d’énergies renouvelables qui existent ! Ils sont là ! (9) C’est possible ! Just do it !
Aujourd’hui je n’entends que trop peu de débats et de prises de position de la société civile en faveur de la transition énergétique. Où sont les médecins, les pharmaciens, les chercheurs, les experts-comptables, les directeurs financiers, les entrepreneurs, les business angels, les enseignants, les architectes, les artistes, les artisans, les ouvriers, les pompiers, les agriculteurs, les mères de famille … ? Car nous aurons bien besoin des médecins pour soigner les cancers, des pharmaciens pour donner les pastilles d’iode que nous devrions déjà tous avoir en poche, des financiers pour trouver de l’argent, des enseignants pour expliquer aux enfants, des pompiers pour arrêter l’incendie du réacteur, …. Seuls quelques-uns (10) osent prendre la parole et les journalistes font leur métier (4) (11).
Mon père ne reportait jamais une action au lendemain car il ne savait pas s’il serait encore en vie ce jour-là. Comme le dit très bien Emmanuel Macron à la fin de son discours à Davos en Janvier dernier, « it’s now !».
Le combat de mon père est une réelle leçon de vie. Aujourd’hui il s’agit de la vie de nos enfants.
Agissez pour eux. Aujourd’hui. Maintenant.
Notes
(1) Alain Partensky (26.08.1938 – 23.05.1997) a été Chercheur en physique nucléaire au CNRS, Chargé des Relations Extérieures à l’Institut des Sciences de la Matière, Chargé de Communication à l’Institut de Physique Nucléaire de Lyon.
(2) EPR : European Pressurized (water) Reactor Réacteur nucléaire à eau pressurisée de 3ème génération
(3) Superphénix : Surgénérateur construit sur le site de Creys-Malville (Isère)
(4) Lire : Le livre « Nucléaire danger immédiat » de Thierry Gadault et Hugues Demeude, Flammarion Enquête, Février 2018.
(5) ASN : Autorité de Sûreté Nucléaire
(6) IRSN : Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire
(7) L’école 42 enseigne le codage informatique en mode projet. (voir Nicolas SADIRAC sur BFM Business, le 23 Novembre 2017)
(8) Regarder : C’est pas sorcier – Nouvelles Énergies : Du solaire au pays de l’or noir; Énergies de la mer, des océans au courant.
(9) Association NégaWatt, réussir la transition énergétique
(10) Rejoindre : L’association Sortir du nucléaire (www.sortirdu nucleaire.org)
(11)Ecouter la radio : À l’ombre des centrales nucléaires, sur France Culture (www.franceculture.fr/emissions/lsd-la-serie-documentaire/lombre-des-centrales-nucleaires
Pour signer cette pétition, cliquer sur : https://www.change.org/p/emmanuel-macron-renoncer-au-nucl%C3%A9aire-et-investir-dans-les-%C3%A9nergies-renouvelables-it-s-now-just-do-it?recruiter=873576651&utm_source=share_petition&utm_medium=copylink&utm_campaign=share_petition
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