L’Assemblée générale d’EDF de ce 15 mai 2018 est un florilège d’intoxications et de mensonges, histoire de tenter de faire prendre des vessies pour des lanternes; au petit peuple comme aux investisseurs. Alors que l’entreprise accumule une dette brute de 67 milliards d’euros et un « free cash flow » négatif pour la 11ème année consécutive, que le fiasco technique et financier de son projet EPR plombe internationalement sa crédibilité, que l’entreprise a été éjectée du CAC40 et vu ses actions chuter au plus bas, son PDG en poste actuellement, le polytechnicien Bernard Lévy, promet « transition énergétique, investissements faramineux, prolongation des vieilles casseroles atomiques, développement à l’international« . Délires. Un bis-repetita à la sauce Areva-Orano.
Le PDG d’EDF n’y va pas avec le dos de la cuillère! C’est à un florilège d’intoxications que s’est livré son PDG lors de l’Assemblée générale du 15 mai 2018. Une performance digne des films noirs américains pour tenter de faire prendre des vessies pour des lanternes.
Il est vrai que, à l’image de ses prédécesseurs et alter-ego dont les noms évoquent le noyautage des institutions et la république des coquins (Lauvergeon, Proglio, Gadonneix), l’actuel PDG, Jean-Bernard Lévy, a un parcours tout ce qu’il y a de conforme : Polytechnicien, ami d’adolescence de François Hollande, premiers pas professionnels aux États-unis à la « Phoenix Steel Corporation« , Conseiller technique et pour les affaires internationales et industrielles en 1986 (sous le gouvernement Chirac et la Présidence François Mitterrand) du ministre Gérard Longuet (le co-fondateur du mouvement d’extrême droite « Occident« ), ancien PDG de Matra Communication de 1995 à 1998, ancien Président du directoire de Vivendi de 2002 à 2012, PDG de Thales de décembre 2012 à octobre 2014. De quoi s’inscrire pleinement dans les pas boueux de ses prédécesseurs…
Alors que les aficionados de la destruction atomique du Conseil d’Administration d’EDF (1) orientent la quasi-totalité des investissements pour faire durer à tout prix leur nucléaire chéri et assassin, leur propagande (pardon, la communication publicitaire) vante… la transition énergétique et même les énergies renouvelables. Et même que l’entreprise y jouerait un rôle central de par son « plan solaire pour 2035 » datant de décembre 2017. Pourtant cette même année EDF n’a consacré que 10% de ses investissements aux renouvelables. Son faramineux et propagandiste plan a déjà du plomb dans l’aile. Et plus que du retard.
Comme dirait l’autre : « c’est de la poudre de perlimpinpin « . Car, au-delà des effets de manches et de mentons, EDF a tout mis en œuvre pour faire capoter la loi de transition énergétique votée en 2015. Celle diminuant la part de la dépendance du pays au nucléaire à 50% (maintenant donc toutefois la contamination radioactive à 50% de la situation actuelle) et l’émergence des énergies alternatives. Un coup d’œil sur les échéanciers et les budgets envisagés par EDF démontre bien que l’entreprise va donner la priorité aux investissements… dans le parc nucléaire. Et remettre à plus tard ses investissements dans le solaire… Validés par le ministre télé-écolo-milliardaire Hulot dont la fondation (FNH) est financée par… EDF et sa filiale RTE.
Des installations nucléaires plus proches de la tombe que du berceau
Elles sont vieilles, très vieilles les centrales atomiques étasuno-tricolores (2). Déliquescentes même pour une bonne part. Plus des deux-tiers des 58 réacteurs sont, avec leurs 30 ans dépassés, bons pour la casse. 48 exactement dont 23 ont plus de 35 ans alors qu’ils étaient prévus pour 30 ans d’existence. Imaginez votre voiture dans un tel état, la carrosserie rouillée et perforées, les durites trouées, le réservoir fissuré, le carter fuyant, les bielles vrillées, le pot crachant des particules mortelles, les pneus rechapés usés jusqu’à la ferraille. Difficile de faire croire que ça peut repartir pour dix ans de plus et sans souci aucun.
C’est pourtant à cette mascarade que se livrent le patron d’EDF et son staff. Ils veulent prolonger leurs vieilles guimbardes de dix ans de plus voire vingt ans de plus. « Nous avons trouvé la potion anti-vieillissement » veulent-ils nous faire croire : le « grand carénage« .
N’est-il pas évident que ce terme emprunté au nautique et à la réparation navale est une façon peu discrète de mener en bateau tout le monde. Certains politiciens (3) veulent y croire et entraîner le pays dans cette folie. Cela relève plus de la psychiatrie que de la prospective.
D’autant que ces petites réparations vont coûter un maximum : 100 milliards d’euros d’après la Cour des Comptes. Mais il est vrai que EDF les évalue à seulement la moitié : 55 milliards €. Dans le nucléaire on jongle allègrement avec les milliards… qu’on ne possède pas. L’entreprise est plombée par une dette brute de 67 milliards d’euros et son « free cash-flow » – le flux de trésorerie disponible – est négatif pour la 11ème année consécutive. Rappelons-nous qu’EDF a aussi été éjectée du CAC40 en 2015.
Un leurre déprécié pour une pêche en eaux troubles
Pourtant Jean-Bernard Lévy, à l’image d’un Proglio ou d’une Anne Lauvergeon (4) des années passées, entonne l’air bien connu du flutiau : le fameux « rebond du nucléaire« . Un air quelque peu galvaudé au-delà des effets d’annonces de commandes à l’étranger qui ne sont que de vagues lettres d’intentions qui, depuis vingt ans pour certaines – de Sarkozy en Macron- ne se sont jamais concrétisées.
Sans parler d’autres petits désagréments tels le coût et les surcoûts non-prévus ni anticipés de l’EPR de Flamanville. Ce pseudo-fleuron que la terre entière allait nous envier – promis juré – devait coûter, selon les affirmations et budgétisations de EDF, 3 milliards 300 millions. Un coquet pactole quand même mais que le nucléariste se faisait gloire de maîtriser avec son compère Areva (devenu Orano après sa récente « faillite« ). Las, quelque peu amnésique, la direction de l’entreprise affirme fin 2017 : « Notre budget à 10,5 milliards d’euros sera respecté« . Trois fois plus ! Et toujours des affirmations péremptoires. On est revenu au temps des Pharaons, radioactivité en plus et poches des contribuables vidées
Qui peut encore croire, dans ces conditions, aux sornettes des nucléocrates ? Incapables de tenir un budget, comme monsieur ou madame tout le monde y est contraint. Ils demeurent cependant intouchables. La complicité des politiciens est sans limite. Essayez, vous, de faire payer à votre acheteur un kilo de tomates trois fois plus cher que le prix convenu… Ou de livrer votre article avec cinq ans de retard. Oui, EDF et Areva, affirmaient que leur bijoux EPR, conçu par les meilleurs des meilleurs, serait en service en … 2012 ! Déjà six ans de retard ! Et de nouvelles anomalies sont détectées sur les matériaux et installations, des soudures non-conformes et dangereusement inadaptées qui risquent de rompre (plus de 150 soudures sur le circuit secondaire principal), après celle de la défectuosité de la cuve du réacteur et du couvercle du réacteur, des malfaçons et autres dissimulations. Du grand art !
Avec le nucléaire, pour la grandeur des mégalos, c’est : » à vos poches citoyens-contribuables«
7 ans de retard et des surcoûts de 8,2 milliards d’euros ! Comment dans ces conditions l’électricien aurait-il la capacité à construire un autre EPR au Royaume-Uni, à Hinkley Point, à hauteur de 8 milliards pièce ? Sauf à ce que les États se portent garants financiers – sur le dos des contribuables – des pertes, surcoûts et retards. Bel avenir !
En 2005, lors du « débat public« , EDF annonçait un prix du MWh produit par l’EPR à 43 €, en 2008 il bondissait à 55 €, en 2017 il flambait à 70 € et, si sa mise en route à lieu, on parle à présent de 120 euros le MWh produit par cet engin mortel du siècle passé. Bien plus cher que les 62 € du solaire ou les 80 € de l’éolien. L’électricité nucléaire est de moins en moins la moins chère des électricités. Déchets radioactifs et démantèlement des installations non-compris.
En poursuivant dans le nucléaire EDF n’a plus les moyens d’investir dans le solaire et l’éolien. Il faut faire le choix rationnel et cohérent : arrêter le massacre sanitaire / financier / technique / économique immédiatement. Passer la sur-démultipliée, fermer sans attendre 50% du parc vétuste atomique et le reste en quelques années. C’est la seule option possible même si elle maintient encore des années de contaminations, de menaces et de risques de catastrophe. Ou bien : fermeture de 100% des installations immédiatement (comme l’a fait, contraint et forcé, le Japon en 2011).
Dans tous les cas de figures, les 150 000 salarié-es de EDF ont intérêt à faire fissa pour exiger et obtenir de leur Direction des plans de reconversions professionnelles collectifs et individuels, les contribuables à préparer un bon stock de mouchoirs et les riverains à prévoir plusieurs itinéraires de fuites en fonction du sens du vent.
J.R
http://coordination-antinucleaire-sudest.net/2012/index.php?post/2018/05/15/EDF-%3A-le-roi-de-l-intox%2C-des-vessies-pour-des-lanternes
Notes :
(1) Avant d’être nationalisée en 1945 en application du programme du Conseil National de la Résistance adopté après la victoire contre l’Allemagne nazi, 1 450 entreprises privées assuraient la production, le transport et la distribution de l’énergie électrique.
En août 2004 (sous la Présidence Chirac), la loi n°2004-803 transforme l’établissement public à caractère industriel et commercial nationalisé EDF (EPNIC), en société anonyme d’état dont le capital est transféré à l’État à hauteur de 70 % et 30% privatisés permettant aussi la mise sur le marché spéculatif (bourse) d’une partie de son capital.
(2) Framatome (Areva NP) a acheté à ‘l’étasunien Westinghouse en 1974 sa licence de réacteurs nucléaires à eau pressurisée ce qui a permis de construire le parc nucléaire dit français (https://fr.wikipedia.org/wiki/Westinghouse_Electric_Company et https://fr.wikipedia.org/wiki/Centrale_nucl%C3%A9aire_en_France ).
(3) Aujourd’hui, plus de 50% des ex-commissaires et 30% des ex-députés du Parlement européen qui ont quitté le monde politique travaillent pour des organisations inscrites au registre des lobbyistes de l’Union européenne. Parmi les entreprises françaises qui dépensent le plus pour influencer et se rapprocher de l’élaboration des lois en Europe, les trois premières sont toutes issues du même secteur, celui de l’énergie: il s’agit de Total, Engie et EDF. La proportion des députés et sénateurs français proches du monde de l’atomisme est sidérant. (http://www.businessinsider.fr/edf-total-engie-2-millions-euros-lobby-bruxelles-transparence )
(4) Anne Lauvergeon, la présidente d’Areva assurait en 2011 que son groupe n’avait « pas besoin d’une autre augmentation de capital » après celle réalisée en 2010. Elle n’hésitait pas à affirmer : « Je ne peux pas faire de commentaire sur les prévisions financières que nous devrions communiquer d’ici à la fin du mois, mais vous pourriez être agréablement surpris ! Notre stratégie a été mise en œuvre avec le soutien et sous le contrôle permanents de notre actionnaire principal, l’Etat. » (https://www.lesechos.fr/15/06/2011/LesEchos/20953-107-ECH_anne-lauvergeon—–il-n-y-aura-pas-d-hiver-du-nucleaire-apres-fukushima–.htm). On a vu la suite… une faillite qui coûte très cher aux contribuables. Elle assurait aussi que l’EPR finlandais serait construit en « 92 mois, contre 105 mois pour les réacteurs américains« . Il n’est toujours pas en service à ce jour et accuse près de 10 ans de retard. ( https://www.usinenouvelle.com/article/anne-lauvergeon-defend-le-nucleaire-francais.N153731 ).
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