RETOUR À FUKUSHIMA AVEC L’ÉCRIVAIN AKIRA MIZUBAYASHI

Comment vivre avec un danger invisible, comment survivre au nucléaire? Sept ans après la catastrophe, retour au Japon en compagnie de l’écrivain japonais Akira Mizubayashi.

Fukushima, 7 ans après

En apparence rien n’a changé. En 2018, le Japon semble fonctionner comme avant la catastrophe. Mais les blessures de Fukushima sont toujours ouvertes.

Le 11 mars 2011, un tremblement de terre de 9,0 sur l’échelle de Richter survenu au large des côtes de l’Île de Honshu, à 130 km à l’Est de la ville de Sendai, provoque un gigantesque tsunami sur la côte pacifique de la région du Tohoku.

Séisme et tsunami (à 90% responsable des pertes) engendrent de nombreux blessés, des destructions gigantesques, et provoquent un accident nucléaire de niveau 7 (le plus élevé) à la Centrale de Fukushima-Daiichi (sur la côte, à environ 60 km de la ville de Fukushima).

Sept ans après, en juin 2018, les 55 centrales nucléaires du Japon sont arrêtées. Le gouvernement a donné le feu vert en décembre dernier au redémarrage de deux centrales, puis de cinq, et le premier ministre Shinzo Abe aimerait relancer 42 réacteurs, tandis que l’opposition japonaise se mobilise pour sortir du nucléaire.

Le nucléaire divise le Japon comme jamais. Le démantèlement de Fukushima demandera à lui seul 40 ans de travaux et coûtera plus de 620 milliards d’euros.

De Hiroshima à Fukushima

Les drames de Hiroshima et de Nagasaki portent une ombre tragique et funeste sur celui de Fukushima. L’été 1945, pour mettre fin à la Seconde Guerre mondiale et à l’affrontement contre les Japonais, mais aussi pour donner un signe clair à l’avancée russe en Asie, le gouvernement américain largue deux bombes nucléaires le 6 août 1945 sur Hiroshima, et le 9 août sur la ville portuaire de Nagasaki, provoquant la mort de plusieurs centaines de milliers de personnes.

Symboles de la lutte pour la paix et contre la prolifération des armes nucléaires dans le monde, les survivants aux bombes, les hibakushas seront très longtemps considérés comme des parias, sans que leur statut de victime d’irradiations ne soit reconnu.

L’horreur de la guerre

Depuis 1945, de nombreux artistes et écrivains ont été considérablement marqués et inspirés par les évènements tragiques de Hiroshima et Nagasaki.

Pour aller vers Fukushima, comprendre mieux ce que fut cette tragédie, le tremblement de terre, l’une des plus graves catastrophes nucléaires de l’histoire il faut faire le chemin de l’histoire, revenir à la première bombe atomique qui explosa sur le sol japonais à Hiroshima.

Pour cela, un musée, deux artistes, Maruki Iri et Maruki Toshi et une sorte de méditation devant les fresques terribles qui racontent cette histoire, et que les artistes ont peint pendant plus de 40 ans.

Mais d’abord tout commence par un grand silence, dans un des plus beaux jardins de Tokyo (Musée Nezu), méditant aux côtés de l’écrivain Akira Mizubayashi.

Akira Mizubayashi

Écrivain japonais vivant à Tokyo, Akira Mizubayashi écrit en français. Il est l’auteur d' »Une langue venue d’ailleurs » (Ed. Gallimard), de « Mélodie« , « Un amour de Mille-ans » et de « Petit traité de l’errance« .

Son dernier livre, « Dans les eaux profondes, l’art du bain japonais » (Ed. Arléa), nous « plonge » dans les rituels familiaux et publics d’un art qui est aussi un espace entre deux mondes, tout en évoquant les tourments de la société japonaise d’aujourd’hui.

66 ans après les bombes, la catastrophe de Fukushima a sonné comme un douloureux rappel des méfaits du nucléaire au Japon.

À quelques kilomètres de Sendai, dans le Nord du Tohoku, vit depuis dix ans l’artiste céramiste et potier Sen-nen Kobayashi, vieil ami de Akira Mizubayashi. S’ils sont toujours restés en contact, les deux hommes ne se sont pas revus depuis 35 ans.

Cette rencontre est aussi une façon de confronter un art de mille ans (Sen-nen signifie « mille ans » en japonais), sa temporalité, les exigences de l’artiste, avec ce que la catastrophe de Fukushima a bouleversé ici aussi dans le rapport aux éléments (terre, air et forêt), au temps, à la vie quotidienne.

La ville de Fukushima se trouve à l’extrémité Nord de la zone de contamination de la centrale nucléaire de Fukushima-Daiichi, contamination qui ne s’est bien sûr pas propagée sous la forme d’une onde mais en suivant les directions des vents du 11 mars 2011. Cette zone couvre une zone de 80 km à partir de la centrale qui elle, se trouve au bord de l’océan, et qui fut très vite submergée par les immenses vagues du Tsunami.

https://www.rts.ch/info/culture/livres/9621147-retour-a-fukushima-avec-l-ecrivain-akira-mizubayashi-.html#chap03