Le Traité d’interdiction sur les armes nucléaires devrait entrer en vigueur d’ici à fin 2019. Jean Marie Collin, porte-parole d’International Campaign to Abolish Nuclear Weapons France (l’ICAN est prix Nobel de la paix 2017), revient sur le cas français, alors que l’Etat soutient toujours le principe de la dissuasion nucléaire.
Le 7 juillet 2017 à l’ONU, une majorité écrasante d’États, soutenus par la société civile, a adopté le traité d’interdiction sur les armes nucléaires. Malgré les oppositions diplomatiques de la France et des autres puissances nucléaires, ce traité prend tout son essor au sein des relations internationales, comme instrument de lutte et d’élimination de ces armes.
Les armes nucléaires posent un problème incontestable d’insécurité mondiale. Toute détonation volontaire, par erreur ou accidentelle, provoquerait des conséquences humanitaires catastrophiques. Pourtant des États démocratiques ou non démocratiques conservent, modernisent et renouvellent leurs arsenaux. La France est un de ces acteurs.
Ces États continuent de croire en la politique de dissuasion nucléaire. Pourtant la conserver fait courir aux Français, comme au reste du monde, une insécurité constante. La dissuasion nucléaire implique, en cas d’attaque, d’infliger à la population civile de son adversaire des dommages inacceptables. Cette politique, qui va à l’encontre du droit international humanitaire (DIH), est étonnante. En France, le 22mars dernier, le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, affirmait que le respect de ce droit « n’est pas une option : c’est une obligation »…
Les lignes bougent
Le Traité d’interdiction sur les armes nucléaires devrait entrer en vigueur d’ici à fin 2019. Il considérera alors les armes nucléaires comme totalement illégales. Ce traité reposant sur les fondements du DIH, nous encourageons la Croix-Rouge française à poursuivre ses efforts avec le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant Rouge pour faire appliquer le plan « Vers l’élimination des armes nucléaires : plan d’action 2018-2021 ». L’annonce d’une telle volonté, à l’occasion des prochaines commémorations d’Hiroshima et de Nagasaki, serait symboliquement très forte.
Déjà une soixante d’États (dont onze ratifications) ont signé ce traité et les premiers impacts deviennent aussi visibles du côté des acteurs privés. Des banques (belge KBC, allemande Deutsch bank) et des fonds d’investissement (aux Pays-Bas et en Norvège) ont annoncé ne plus financer des entreprises impliquées dans la production de systèmes d’armes nucléaires. Nous encourageons les banques françaises à intégrer cette nouvelle norme dans leur politique de responsabilité sociétale des entreprises.
Dire que ce traité est sans importance – puisque les États possédants des armes nucléaires et ceux membres d’une alliance soutenant la politique de dissuasion le refusent -, est faire preuve d’un manque d’analyse. C’est irrespectueux envers l’écrasante majorité du monde qui veut éliminer ces armes.
Les lignes bougent, au Parlement européen et aussi dans les parlements des États alliés de l’Otan ou des États-Unis (Islande, Espagne, Australie…). En France, le débat n’est pas absent, mais plus compliqué, principalement car le gouvernement ne veut pas donner la possibilité aux parlementaires de s’exprimer sur ce sujet. Aurait-il peur d’un débat avec des consultations équilibrées?
Il est grand temps que la France regarde en face, sans tabou, sa politique de dissuasion. Nous l’encourageons ainsi à devenir membre de ce traité et à rejoindre le mouvement en faveur du désarmement nucléaire pour renforcer notre sécurité à tous. »
(1) L’ICAN est prix Nobel de la paix 2017.
https://www.ouest-france.fr/reflexion/point-de-vue/point-de-vue-interdire-les-armes-nucleaires-que-fait-la-france-5887032
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