L’Ukraine nucléarisée se livre aux États-Unis. Le réacteur numéro 3 de la centrale de Loujnooukraïnsk dans le sud de l’Ukraine, fonctionne désormais uniquement avec des produits de fission atomique livrés par l’américain Westinghouse… filiale en faillite du japonais Toshiba. Le français Areva-Orano est partie-prenante de l’opération !
Ukraine rime pour tout le monde avec Tchernobyl et sa terrifiante catastrophe nucléaire du 23 avril 1986. Mais si, depuis, les morts et les malades de la radioactivité s’accumulent y compris dans les pays voisins (plus de 1 million de morts et ce n’est pas fini), ce pays n’a pas mis un terme à son utilisation du nucléaire. Si la centrale de Tchernobyl est fermée depuis l’année 2000, quinze réacteurs atomiques implantés dans quatre centrales nucléaires continuent de tourner aux quatre coins du pays et au cœur de l’Europe. La folie atomiste n’est-elle pas une tare partagée par tous les dirigeants avides de pouvoir et de domination ?
De la domination de la Russie à la soumission aux États-Unis
Depuis le 19 juillet, et pour la première fois, l’un de ces réacteurs nucléaires ukrainiens – d’une conception datant de l’ère soviétique ! – le réacteur numéro 3 de la centrale de Loujnooukraïnsk (1) dans le sud de l’Ukraine, a été chargé intégralement avec des produits de fission atomique* états-uniens. À la place du combustible russe.
La compagnie publique ukrainienne – Energoatom – qui exploite toutes les centrales nucléaires du pays a précisé que le fournisseur de « Konstantinovka » en est Westinghouse. L’entreprise, qui est une filiale américaine du japonais Toshiba, est en faillite depuis près de deux ans. (et est aussi « accessoirement » le fournisseur des plans des centrales nucléaires dites françaises).
Depuis 2014 et l’arrivée au pouvoir de pro-occidentaux, Kiev, qui cherche à réduire sa dépendance énergétique envers Moscou, se jette donc à présent dans les bras des USA. Et des japonais de Toshiba dont la catastrophe nucléaire de Fukushima toujours en cours depuis le 11 mars 2011 n’a pas refroidi les ardeurs prédatrices expansionnistes. L’AIEA (Agence Internationale pour la promotion de l’Énergie Atomique dite civile) se frotte les mains, le business de l’atome continue.
Le vice-président de Westinghouse, Aziz Dag, n’hésite pas d’ailleurs à se réjouir de l’opération : « Nous sommes fiers de continuer à soutenir l’Ukraine dans la diversification » de son approvisionnement énergétique. Il est vrai que Westinghouse, fer de lance de la pénétration des USA aux portes de la Russie, fournit des produits de fission atomique (« combustible« ) à Kiev depuis 2005 pour six réacteurs mais jusqu’à présent en complément de celui fournit par les russes de TVEL. Une sorte d’équilibre sordide et morbide.
Business d’Areva-Orano, multiplication des incidents et zones sismiques
La Centrale nucléaire d’Ukraine du Sud comprend quatre réacteurs du type VVER (2) qui sont loin d’être tout jeunes, tous de 950 MWe : Ukraine Sud 1 mis en service en 1983, Ukraine Sud 2 mis en service en 1985, Ukraine Sud 3 mis en service en 1989. La construction d’Ukraine Sud 4 a été interrompue en 1989.
Les produits de fission atomique qui alimentent ces réacteurs sont constitués en fait d’assemblages fabriqués par l’États-unien Westinghouse à partir de l’uranium enrichi en France à l’usine Georges Besse II d’Areva au Tricastin (Drôme-Vaucluse).
En 1991, la centrale enregistre le plus grand nombre d’arrêts inopinés de réacteurs nucléaires en Ukraine. En septembre 1992, une erreur de manutention conduit à un défaut de ventilation de vapeur, incident classé au niveau 2 de l’échelle INES.
En avril 1994 est découvert un défaut dans le système de sécurité des générateurs de vapeurs pendant un contrôle de routine, incident de niveau 2. En décembre 1995, de l’eau radioactive fuit d’un tuyau sur le sol de la centrale et contamine une surface de 30 mètres carrés, la fuite n’est découverte qu’un mois plus tard. Un peu comme en France et notamment au Tricastin ou à Cruas Ardèche).
Le 17 avril 2012, l’un des réacteurs est arrêté en urgence (Scram) après une panne électrique affectant son transformateur. La dégradation du transformateur principal du réacteur n°2 a entraîné la rupture d’une ligne à haute tension, ce qui a provoqué l’enclenchement du système d’arrêt d’urgence du réacteur.
Et cerise explosive sur le gâteau amer : l’Ukraine couvre trois zones d’activité sismique. Le littoral sud de la Crimée, le Sud-est des Carpates et la plus puissante de toute, la zone de Vrancea qui se trouve à la frontière en Roumanie. Pour Alexandre Kendzera, sous-directeur de l’Institut de géophysique d’Ukraine, un séisme de l’ordre de 7 à 7,2 sur l’échelle de Richter a lieu tous les 23 à 27 ans dans la région de Vrancea. Les derniers de cet ordre se sont produits en 1977 et en 1990. Si l’énergie sismique nécessaire sur place est déjà accumulée, un désastre « japonais » pourrait suffire à “appuyer sur la détente”. “Le séisme frapperait pour l’essentiel dans la zone d’Odessa, et pourrait atteindre au moins 7 sur l’échelle de Richter… Et à l’épicentre, il pourrait atteindre 9 à 10,”
Une stratégie de tension mortifère
L’occident, qui déploie aussi parallèlement des armes aux frontières de l’ex-URSS, renforce une folle course de tensions extrêmes pouvant conduire à un embrasement fatal nucléaire de l’Europe. Inéluctablement la Russie ne restera pas les deux pieds dans le même sabot.
Les petits dictateurs, sous la houlette des technocrates nucléaristes, jouent impunément avec la vie de milliards d’êtres humains et de la planète. Saurons-nous les empêcher de commettre l’irréparable ? Cela dépend de chacun-e.
Notes
(1) Youjnooukraïnsk est une ville de l’oblast de Mykolaïv, à environ 350 kilomètres au sud de la capitale Kiev en Ukraine. Sa population était estimée à 40 555 habitants en 2013. La centrale nucléaire porte le nom de Konstantinovka
* mensongèrement appelé « combustible« (il n’y a pas de combustion dans une réaction nucléaire)
(2) réacteur nucléaire à eau pressurisée soviétique, puis russe, à caloporteur et modérateur eau, abrégé VVER (traduit du russe : Водо-Водяной Энергетический Реактор, Vodo-Vodianoï Energuetitcheski Reaktor), ou bien WWER (traduit de l’anglais : Water Water Energy Reactor. Comme tous les réacteurs à eau pressurisée, le VVER-440 utilise l’eau pour le refroidissement et la production de vapeur ainsi que pour la modération de la réaction. Les produits de fission sont au dioxyde d’uranium peu enrichi. Les enceintes de confinement du réacteur nucléaire sont faibles et insuffisamment résistantes à une augmentation de pression (enceinte modulaire en béton armé, et non enceinte en béton précontraint comme sur les autres REP dans le monde), et pour les VVER 440/230, le système de refroidissement de secours du cœur n’est pas dimensionné pour une rupture complète d’une tuyauterie primaire (APRP petite brèche). À l’inverse les VVER 440 présentent un « avantage« : ils ont une quantité très importante d’eau primaire et secondaire par rapport à la puissance thermique du cœur, ce qui leur donne un comportement en général plus « mou » en cas d’incident et un délai d’intervention de l’équipe de quart beaucoup plus important que les réacteurs REP occidentaux.
Par Jean, le mercredi 15 août 2018, 22h54
http://coordination-antinucleaire-sudest.net/2012/index.php?post/2018/08/15/Ukraine-%3A-un-des-15-r%C3%A9acteurs-nucl%C3%A9aires-passe-aux-mains-des-USA-pour-son-combustible
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