EPR ET FESSENHEIM : ON CONTINUE À NOUS PRENDRE POUR DES TRUFFES…

Jeudi dernier, sur France Info, François de Rugy annonçait que le sort de la centrale de Fessenheim n’était plus lié au démarrage de l’EPR, et que cette (trop) vieille centrale fermerait « d’ici 2022« .

On pourrait féliciter le ministre pour avoir enfin appris à comprendre ce qui est écrit dans  la loi sur la « Transition Énergétique pour une Croissance Verte » de 2015 qui limite la puissance nucléaire installée à 63,2 G). En d’autres termes, l’EPR ne peut démarrer tant que la centrale de Fessenheim n’est pas mise à l’arrêt. Mais cela ne signifie en aucun cas que la centrale de Fessenheim ne peut fermer tant que l’EPR ne démarre pas. Et c’est pourtant la lecture qui a été faite par l’ensemble des pouvoirs publics,  Hollande et Royal en tête (et les élus alsaciens, qui peut-être ne savent pas bien lire ?)

Mais pourquoi cette annonce de fermeture aujourd’hui, alors que le Plan Pluriannuel de l’Énergie devrait être finalisé à la fin du mois ? Pourquoi repousser les délais pour la fin du présent mandat présidentiel ? (Et on se souviendra de la promesse jamais tenue de François Hollande…). Rappelons qu’il n’y a pas si longtemps encore, Fessenheim était censée fermer fin 2018, on en était même à élucubrer sur le « démarrage » de l’EPR : chargement du combustible, première divergence ou connexion au réseau.. Mais tout cela, c’est déjà de la vieille histoire…

Cette annonce du ministre de Rugy montre bien que désormais, le chantier de l’EPR est hors de tout contrôle, et que les problèmes de malfaçons se multiplient : ce même jour, l’ASN annonçait que d’autres soudures étaient suspectes, mettant en cause l’étanchéité même du bâtiment réacteur. Et cela va prendre du temps, pour montrer que ces mauvaises soudures sont quand même bonnes (voir la saga des calottes …) ou que l’on les refasse.

Mais tout autant, dans son annonce, le ministre reconnaît implicitement que les réacteurs de la centrale de Fessenheim ne pourraient pas dépasser l’échéance de la 4ème visite décennale, qui précisément doit avoir lieu au plus tard … le 8 août 2022, d’après l’autorisation des dix ans donnée par l’ASN après la 3ème visite décennale. Et d’ailleurs, EDF n’a rien mis en œuvre pour préparer cette visite décennale.

Ceci étant, l’annonce de François de Rugy ressemble trop à celle de François Hollande pour que l’on puisse la prendre au sérieux. Repousser les problèmes au mandat suivant, cela commence à bien faire ! La nouveauté est que le ministre reconnaît qu’au-delà des problèmes sismiques et de niveau du canal, c’est l’état même de la centrale de Fessenheim qui est en cause et que l’on rentre dans le temps de l’acharnement thérapeutique.

Mais finalement, cela doit être ça, le nucléaire français aujourd’hui : entre la promesse et sa réalisation, le temps n’existe plus. L’EPR devait démarrer en 2012, on parle de 2020, voire 2022. Hollande avait promis de fermer Fessenheim en 2012 (tiens, aussi en 2012 ?), on en est aussi à l’horizon 2022.

Mais finalement, 10 ans, qu’est-ce que c’est, comparé à la durée de vie des déchets nucléaires ?

Par Jean-Marie Brom, Blog : Le blog de Jean-Marie Brom

https://blogs.mediapart.fr/jean-marie-brom/blog/071018/epr-et-fessenheim-continue-nous-prendre-pour-des-truffes