LE RÉSEAU SWIFT SUSPEND DES BANQUES IRANIENNES APRÈS LE RETOUR DES SANCTIONS AMÉRICAINES

Six mois après s’être retiré de l’accord sur le nucléaire iranien, Donald Trump a rétabli les sanctions américaines visant spécifiquement les secteurs pétrolier et financier, vitaux pour l’Iran. Le président de la République islamique a promis de les «contourner fièrement»

Le fournisseur mondial de services de messagerie financière sécurisés SWIFT a annoncé lundi sa décision de «suspendre» l’accès de certaines banques iraniennes à son réseau après la décision des États-Unis de réimposer des sanctions à l’Iran.

«Conformément à sa mission de soutien à la résilience et à l’intégrité du système financier mondial en tant que prestataire de services mondial et neutre, SWIFT suspend l’accès de certaines banques iraniennes à son système de messagerie», a annoncé la société basée à Bruxelles, en Belgique, dans un communiqué.

«Cette mesure, bien que regrettable, a été prise dans l’intérêt de la stabilité et de l’intégrité du système financier mondial dans son ensemble», a expliqué SWIFT, basé à Bruxelles, dans un communiqué.

Le secrétaire au Trésor américain, Steven Mnuchin, avait expliqué la semaine dernière que les États-Unis souhaitaient déconnecter l’Iran du circuit bancaire international, ossature du système financier mondial, comme c’était le cas de 2012 à 2016.

Comme le relève Reuters, SWIFT s’est retrouvé piégé entre la menace de sanctions américaines si le réseau continuait à traiter avec l’Iran, et l’injonction de l’UE avertissant ses entreprises qu’obéir aux sanctions américaines les exposerait à des pénalités.

Au final, la décision de SWIFT d’obéir à Washington plutôt que Bruxelles est d’autant plus notable que l’institution, basée dans un pays de l’Union européenne, avait activement cherché des moyens juridiques d’échapper aux sanctions américaines. La Russie, un temps menacée de suspension du réseau SWIFT, avait de son côté averti que cette mesure serait considérée comme un «acte de guerre».

Selon le Financial Times, des pays européens se sont adressés en vain à Washington pour exempter SWIFT des sanctions américaines. 

SWIFT avait été appelé dès vendredi par le secrétaire d’État américain Mike Pompeo à exclure de l’accès à ses services les établissements financiers iraniens placés sur liste noire, hormis pour les «transactions humanitaires».

Les services fournis par SWIFT permettent de connecter plus de 11.000 organisations bancaires, infrastructures de marché et entreprises clientes dans plus de 200 pays et territoires, précise la société. «SWIFT ne détient pas de fonds ni ne gère de comptes pour le compte de clients», souligne-t-elle.

De son côté, le président iranien Hassan Rohani a promis de «contourner fièrement» les nouvelles sanctions américaines. Entrées en vigueur lundi, celles-ci visent spécifiquement les secteurs pétrolier et financier iraniens, vitaux pour l’économie du pays.

Six mois après s’être retiré unilatéralement de l’accord sur le nucléaire iranien signé en 2015, le président américain Donald Trump a rétabli lundi des sanctions draconiennes contre les secteurs pétrolier et financier iraniens, qui avaient été levées sous Barack Obama.

«J’annonce que nous allons contourner avec fierté vos sanctions illégales et injustes car elles vont à l’encontre du droit international», a répliqué le président Rohani dans un discours télévisé.

 «Guerre économique»

«Nous sommes en situation de guerre économique et nous affrontons une tentative d’intimidation. Je ne pense pas que dans l’histoire américaine il y ait eu jusqu’à présent quelqu’un à la Maison Blanche qui contrevienne à ce point au droit et aux conventions internationales», a clamé Hassan Rohani.

Adoptant une politique hostile à l’Iran depuis son accession au pouvoir en janvier 2017, Donald Trump, pour qui l’accord sur le nucléaire est une aberration, avait rétabli dès août dernier une première série de sanctions économiques contre Téhéran.

Samedi, le guide suprême d’Iran Ali Khamenei a accusé le président américain d’avoir «discrédité» les États-Unis qui, selon lui, seront les ultimes perdants de cette politique.

«L’Iran va mal», a de son côté relevé dimanche le président américain. «Quand j’ai pris mes fonctions, juste avant, on pensait que l’Iran allait dominer tout le Moyen-Orient (…). Plus personne n’en parle aujourd’hui».

Les sanctions américaines s’apparentent à un chantage contre les pays tiers qui commercent actuellement avec l’Iran: les entreprises asiatiques ou européennes se verront interdites de marché américain si elles continuent d’importer du pétrole iranien, ou d’échanger avec des banques iraniennes ciblées par Washington. Beaucoup devraient choisir les États-Unis, ou l’ont déjà fait.

Possibles exemptions

Huit pays bénéficieront toutefois d’une exemption pour le pétrole, dont la Turquie, et peut-être la Chine et l’Inde. La liste sera annoncée lundi.

Ce régime de dérogations est similaire à ce que les États-Unis pratiquaient de 2012 à 2015, avant l’accord sur le nucléaire iranien négocié sous Barack Obama. À l’époque, la Chine, l’Inde, la Turquie, la Corée du Sud, le Japon et Taïwan ont notamment été épargnés de sanctions américaines, au motif qu’ils réduisaient progressivement leurs importations de brut iranien. Des années plus tard, l’administration Trump a repris le même argumentaire.

«Il y a une poignée de pays qui ont déjà réduit de façon importante leurs importations de brut et ont besoin d’un peu plus de temps pour atteindre zéro, et nous allons leur donner ce temps», a dit le chef de la diplomatie américaine, Mike Pompeo, dans une interview dimanche sur la chaîne Fox.

Concernant les sanctions financières, il a redit que plus de 600 individus et entités en Iran seraient placés sur une liste noire, un nombre supérieur à ceux qui en avaient été retirés après la conclusion de l’accord de 2015.

«Déconnecter l’Iran»

L’économie iranienne souffrait déjà de nombreux maux avant l’offensive de Donald Trump. Les exportations de pétrole, qui assurent 40% des recettes de l’État iranien selon la Banque mondiale, ont déjà baissé de 2,5 millions de barils par jour, à 1,6 million en septembre.

Malgré l’animosité exprimée, Donald Trump répète qu’il est prêt à rencontrer les dirigeants iraniens pour négocier un accord global sur la base de 12 conditions américaines: des restrictions beaucoup plus fermes et durables sur le nucléaire, mais également la fin de la prolifération de missiles et des activités jugées «déstabilisatrices» de Téhéran au Moyen-Orient (Syrie, Yémen, Liban…).

«Nous restons prêts à parvenir à un nouvel accord, plus complet avec l’Iran», a répété Donald Trump vendredi. Mais les Iraniens ont déjà dit rejeter un dialogue avec Washington. «Il n’y aura pas de négociations avec les États-Unis», avait lancé clairement en août l’ayatollah Khamenei.

AFP, publié lundi 5 novembre 2018 à 15:17

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