NUCLÉAIRE : LE GOUVERNEMENT IGNORE LE STOCKAGE DES ÉNERGIES RENOUVELABLES

Le gouvernement s’entête dans la défense du nucléaire en arguant notamment que les énergies renouvelables sont intermittentes et insuffisantes, explique l’auteur de cette tribune. Pourtant, des possibilités efficaces de stockage de ces dernières existent.

C’est mathématique : si la production électronucléaire reste constante et que la production solaire et éolienne augmente, alors la part du nucléaire baisse. Mais cela implique que la demande électrique augmente parallèlement, sinon que faire de toute l’électricité produite ? C’est là que le bât blesse. Car les véhicules électriques à batterie, qui ont intrinsèquement une très haute efficacité énergétique, consomment très peu d’électricité. Si 5 millions de véhicules passaient à l’électrique, la demande électrique nationale n’augmenterait que d’environ 2 %. La stratégie misant sur une hausse de la production électrique globale pour baisser la part du nucléaire constitue par conséquent une illusion. Mais c’est la seule qui s’offre aux défenseurs du nucléaire pour respecter la loi française (2015) qui vise à réduire de 75 % à 50 % la part de l’atome dans le mix électrique. 

C’est pourtant la logique suivie par M. Macron. Solaire et éolien ne sont pas conçus par le président comme des énergies se substituant au nucléaire mais s’ajoutant à lui. Par conséquent, aux problèmes intrinsèques du nucléaire (dont celui des déchets toxiques) s’ajouteront ceux du solaire et de l’éolien, notamment leur impact paysager et minier. Pour le prophète d’En marche, le solaire et l’éolien constituent simplement de nouveaux marchés, de nouvelles occasions de business, et rien d’autre. Macron est un banquier.

La puissance solaire interceptée par le disque terrestre est elle aussi finie 

Cette vision macronienne résulte fondamentalement d’une philosophie technoscientiste selon laquelle une croissance infinie est possible dans un pays fini. Nombreux sont d’ailleurs les promoteurs du photovoltaïque qui croient que la ressource solaire disponible sur Terre est illimitée. Or, la puissance solaire interceptée par le disque terrestre est elle aussi finie : 175.000 TW. Elle est bien entendu indispensable à l’activité photosynthétique, tant en milieu océanique que continental. Et le taux de conversion énergétique par les capteurs photovoltaïques n’est pas de 100 %. Il faut en outre la stocker, ce qui implique des pertes supplémentaires. En réalité, si l’humanité persiste dans sa gloutonnerie énergétique croissante, elle aura intégralement couvert la surface terrestre de panneaux solaires en seulement quelques siècles, a calculé Jeff Bezos, l’homme le plus riche du monde. Mais au lieu de prôner la sagesse, et donc la sobriété énergétique, ce dernier envisage la construction de centrales photovoltaïques et d’usines sur les autres planètes du système solaire, afin de transformer la Terre en zone résidentielle pour 1.000 milliards d’êtres humains. Le milliardaire étasunien ne voit pas d’autres solutions pour perpétuer le mythe de la croissance infinie. Il a fondé l’entreprise Blue Energy dans cette perspective, projet qu’il estime le plus important de toute sa vie. L’héliotechnoscientisme poussé à l’extrême.

Du côté des nucléaristes, on espère compenser la suppression de 12,6 GW de nucléaire (M. Macron a annoncé la fermeture de 14 réacteurs de 900 MW) ayant un facteur de capacité de 70 % par la construction de 9,8 GW de nouveau nucléaire ayant un facteur de capacité de 90 %. Soit les 6 EPR (de 1.650 MW chacun) évoqués dans un rapport réalisé pour le gouvernement. Annoncer en plus 45 GW de solaire dans un tel contexte est parfaitement absurde. Ces annonces constituent en réalité une invitation non pas à la sobriété mais au gaspillage énergétique.

Des dogmes nucléocratiques obsolètes

Non seulement la vision macronienne est productiviste, et donc par essence anti-écologique, mais en plus elle repose sur des dogmes nucléocratiques obsolètes. Macron a en effet déclaré le 27 novembre 2018 qu’il était « faux de dire que le nucléaire pourrait être remplacé par les énergies renouvelables, ces dernières étant intermittentes ». Son Premier ministre, Édouard Philippe, ancien lobbyiste d’Areva, en a ajouté une couche le lendemain en affirmant que « tant qu’on ne sait pas stocker l’électricité, on a besoin d’un mix équilibré. On a besoin du nucléaire et des énergies renouvelables ».

Donc, pour Macron et Philippe les 200 GW de Step (stations de transfert d’énergie par pompage) qui fonctionnent dans le monde (dont 5 GW en France) n’existent pas. On peut pourtant les faire fonctionner avec de l’eau de mer, comme l’a si bien expliqué l’association Hydrocoop. La batterie Tesla géante que le groupe français Neoen a installée en Australie pour assister un parc éolien ? Elle non plus n’existe pas. L’île Tesla qui fonctionne au solaire + stockage batterie dans les Samoa étasuniennes ? Idem. Tout comme le système batterie + hydrogène qu’installe le groupe français HdF (Hydrogène de France) en Guyane pour délivrer de l’électricité solaire 24 heures sur 24 et toute l’année. Et puis les études réalisées par le cabinet d’étude Artelys grâce à des outils informatiques sophistiqués et qui démontrent par A + B que les énergies renouvelables peuvent remplacer des réacteurs nucléaires en France sont ignorées. Artelys a pourtant été fondé par des anciens d’EDF. Étrange. Le gouvernement espagnol, qui annonce 70 % d’électricité renouvelable dès 2030 ? Une farce. 95 % de l’électricité en Uruguay est renouvelable ? De la science-fiction. Le PDG du groupe Neoen qui annonce que la France peut passer à 30 % de solaire + éolien en cinq ans, et donc à 50 % de renouvelables en intégrant l’hydroélectricité déjà en place et les autres énergies renouvelables ? Du pipeau. L’atome, il n’y a que ça de vrai. Et comme il est plus facile de briser un atome qu’un préjugé, et bien nous ne sommes pas sortis de l’auberge. Ou plutôt de la piscine à déchets radioactifs.

Article d’Olivier Daniélo, rédacteur énergie. (Il a fondé l’antenne française du think tank Desertec (Club de Rome) qu’il a ensuite quitté : vouloir importer de l’électricité solaire africaine pour répondre aux besoins énergétiques des gloutons européens lui posait un problème d’ordre éthique.)

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