Les États-Unis menacent de se retirer d’un traité sur les armes nucléaires si la Russie, accusée d’avoir déployé un missile, ne fait pas marche arrière.
Le ton monte entre les États-Unis et la Russie à propos du missile de croisière appelé 9M729 par les Russes et SSC-8 par l’Otan. Le 4 décembre au siège de l’Otan à Bruxelles, le secrétaire d’État américain a accusé la Russie de violer avec cet engin le traité sur les forces nucléaires intermédiaires (FNI), entraînant ainsi une « menace directe pour l’Europe ». Mike Pompeo a donné 60 jours à Moscou pour renoncer à ce missile, produit par l’entreprise Novator et tiré depuis un véhicule à roues. Au risque, sinon, que les États-Unis se retirent de l’accord, comme l’avait menacé le président Donald Trump le 20 octobre dernier.
Le FNI a été signé en 1987, après un accord conclu entre Ronald Reagan et Mikhaïl Gorbatchev. Il a mis fin à la crise des euromissiles, qui avait duré sept ans, et prévoit le bannissement de plusieurs types de missiles sol-sol à têtes nucléaires ou conventionnelles d’une portée comprise entre 500 et 5 500 kilomètres. « Aucun régime de contrôle des armements ne peut fonctionner s’il est respecté seulement par une partie. C’est un problème pour tous les autres traités », a souligné le Norvégien Jens Stoltenberg, secrétaire général de l’Otan.
Cibles en Syrie
La crise qui s’envenime aujourd’hui repose sur une accusation récurrente de l’administration américaine, émise publiquement pour la première fois en janvier 2014 et transmise aux membres de l’Otan. Cette année-là, le département d’État avait évoqué le problème dans son rapport annuel sur le respect des accords de désarmement. Dès 2013, les Américains avaient fait savoir aux Russes qu’ils avaient repéré l’existence de ce projet de missile. Ces soupçons remontent sans doute à 2008, quand les premiers essais en vol avaient été repérés par les services de renseignements. D’autres tirs ont eu lieu en 2014 et en 2015. Il semble que le SSC-8 soit un dérivé du missile naval 3M-54 Kalibr utilisé contre des cibles en Syrie, à partir de navires croisant en mer Caspienne. Selon la FAS (Federation of American Scientists), deux batteries de tir du SSC-8 seraient déjà opérationnelles.
Le directeur national du renseignement américain, Daniel Coats, a donné le 30 novembre quelques détails techniques sur cette affaire, mais aussi des éléments politiques : « Nous pensons que la Russie ne veut probablement plus être contrainte par le traité FNI, car elle modernise ses moyens militaires avec des missiles de précision. Nous savons que ceux-ci sont conçus pour cibler des infrastructures militaires et économiques européennes sensibles, et donc faire pression sur les alliés de l’Otan. »
Course aux armements nucléaires
Ce qui se profile derrière cette nouvelle crise n’est rien de moins qu’une nouvelle course aux armements nucléaires. Ces missiles sont compatibles avec deux types de cibles. Situées en Europe sans doute, mais aussi en Chine. À Washington, on a déjà fait savoir que la fabrication de nouvelles armes nucléaires dites « de théâtre » est une option. Notamment motivée par les initiatives russes, elle est l’un des piliers de la nouvelle stratégie américaine voulue par Donald Trump. Mais pour fabriquer de nouvelles armes, il faut des arguments pour obtenir le feu vert du Congrès pour les indispensables financements. La relance de la polémique vise aussi à inciter les parlementaires à se montrer… compréhensifs.
À Moscou, Vladimir Poutine a ironisé : « D’abord, la partie américaine annonce son intention de se retirer du traité (…) Ensuite, elle commence à chercher des motifs pour le faire. La justification numéro un est que nous violons quelque chose. En même temps, comme d’habitude, aucune évidence de ces violations de notre part n’a été fournie. »
Publié le | Le Point.fr
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