DES GARANTIES D’ORIGINE NUCLÉAIRE À L’ÉTUDE POUR L’HYDROGÈNE DÉCARBONÉ

Encouragés par le nouveau plan de soutien public à l’hydrogène (H2) d’origine renouvelable, les industriels, les transporteurs, les énergéticiens qui feront l’effort, technologique et financier, d’adopter ce vecteur énergétique voudront avoir des certitudes sur son origine. L’association professionnelle Afhypac avait anticipé là-dessus en 2016, en créant un groupe de travail sur les garanties d’origine (GO). Elle l’a suspendu, car le relais a été pris à l’échelle européenne par le projet CertifHy, conduit par le groupement d’industriels FCH JU* et financé par la Commission européenne.

Green hydrogen ou low carbon hydrogen ?

CertifHy vise à fournir un référentiel consensuel pour les futurs certificats et accélérer l’arrivée d’un registre. L’une des grandes questions, vite posée par les industriels français, a porté sur le périmètre de ce référentiel : green hydrogen ou low carbon hydrogen ? Leur réponse : les deux, avec deux catégories de GO si possible. Leur argument est simple : pour être compétitive par rapport à l’H2 fossile, la production des futurs électrolyseurs de puissance doit utiliser en grande quantité une électricité bon marché. «  L’électricité représente 75% des coûts de production de l’hydrogène décarboné. La clé est le prix de l’électricité », affirmait ainsi Régis Saadi, directeur général du pôle analyse d’Air Liquide, lors de l’assemblée générale de l’Afhypac le 12 décembre dernier.

Du bleu et du vert

Ce n’est pas un hasard si ce professionnel fait ici référence à l’H2 décarboné et non à l’hydrogène vert. Pour avoir accès à une ressource abondante et régulière, favorisant la conversion rapide vers 10% d’hydrogène non fossile dans la consommation totale française dès 2023, les industriels vont se tourner spontanément vers l’H2 produit par l’électricité nucléaire. En tout cas, ils souhaitent avoir au moins le choix entre l’H2 issu d’électricité vraiment renouvelable et l’H2 d’origine décarboné. Cette attente a été traduite de façon transparente  dans les travaux de CertifHy, qui prépare donc deux labels : un « vert » pour le renouvelable, un « bleu »pour la version bas carbone. « Nous allons peut-être faire évoluer de ce fait la notion de garantie d’origine. Le sujet est avant tout la lutte contre les émissions de CO2, me semble-t-il », confirme Philippe Boucly, président de l’Afhypac.

Des garanties d’origine pour l’électricité nucléaire du futur hydrogène ? Ce serait en effet une première, qui pourrait faire réagir certaines ONG environnementales anti-nucléaires. On n’en est pas encore là. Pour deux raisons. D’une part, le contexte législatif et réglementaire de l’hydrogène non fossile reste dans les limbes et la nouvelle directive européenne sur les énergies renouvelables est muette sur le sujet. Or, les futurs certificats et leur registre ne peuvent exister hors cadre régulatoire.

Le captage de CO2 inclus lui aussi

D’autre part, le projet CertifHy a encore du travail. Pour l’instant, il a surtout mis ses membres (dont EDF, qui a investi dans McPhy) d’accord sur le niveau d’exigence du label décarboné par rapport à l’H2 issu du vaporeformage. En l’espèce, il devra être 60% moins émissif que les technologies de vaporeformage les plus avancées, ce qui situe le niveau autour de 36g/C02 /mégajoule.  À noter que ce seuil n’intègre pas seulement le nucléaire mais accepte aussi l’hydrogène 100% fossile, à condition qu’il provienne d’usines captant la quasi-totalité du CO2 émis. C’est d’ailleurs le sens de l’expérimentation que mène en ce moment la raffinerie d’Air Liquide à Port Jérôme (Seine-Maritime) avec sa technologie Cryocap, en parallèle d’autres tests menés par d’autres acteurs en Allemagne, aux Pays-Bas et en Belgique.

Le tout présage-t-il d’une sorte d’exception pour les futures garanties d’origine étiquetées sur l’hydrogène non fossile, avec donc un label bleu et un label vert ? À l’inverse, ce précédent pourrait-il influencer l’électricité en général, avec une garantie d’origine « climat », bas carbone, mobilisable à grande échelle par EDF par exemple ? Nul doute que si l’hydrogène alternatif monte comme prévu en puissance dans les années qui viennent et s’il privilégie comme c’est probable un approvisionnement peu carboné, ces questions ne resteront pas subsidiaires.
*Fuel Cells and Hydrogen Joint Undertaking

Par Jean-Philippe Pié, le 21 décembre 2018

NDLR : que ne ferait-on pas pour poursuivre  le nucléaire, voire le développer par de nouveaux EPR. Le climat sera la nouvelle mauvaise excuse.

https://www.greenunivers.com/2018/12/des-garanties-dorigine-nucleaire-a-letude-pour-lhydrogene-decarbone-194552/