Les enjeux du 4ème réexamen des réacteurs nucléaires de 900 MWe.
Lancée par le Haut Comité pour la Transparence et l’Information sur la Sécurité Nucléaire (HCTISN), la concertation au sujet du 4è réexamen des réacteurs de 900 MWe du parc nucléaire français associe le public aux prises de position concernant la poursuite de fonctionnement de ces réacteurs, après 40 ans d’exploitation. Ce réexamen se déroule en deux temps avec une phase dite « générique » au cours de laquelle une approche globale du parc nucléaire est opérée, une autre dite « spécifique » pour chaque site. À chaque étape, il est prévu une information destinée au public, ainsi que sa consultation.
Si les 32 réacteurs de 900 MWe concernés font l’objet d’un réexamen périodique tous les 10 ans, la question des conditions de la poursuite de leur exploitation se pose aujourd’hui. Le public est invité à débattre sur cette question à fort enjeu puisqu’il s’agit à la fois des conditions de sûreté et d’amélioration des dits-réacteurs, autrement dit de la poursuite ou non de leur exploitation. Ainsi, une concertation est opérée à l’échelle nationale via des réunions publiques et un site dédiés. Elle a pour objectifs d’informer la population, de recueillir en amont du réexamen de chacun des 32 réacteurs des 8 sites concernées – 3 dans la région Centre-Val-de-Loire*1 – les attentes et les exigences en matière de sûreté et d’information.
Des acteurs variés pour une « transparence » et un contrôle maximum
Mis en place en 2008, le HCTISN a pour fonction d’assurer la transparence et le droit à l’information en matière nucléaire. Sa composition plurielle – des parlementaires, des représentants d’associations de protection de l’environnement, des représentants de responsables d’activités nucléaires, etc – en garantit l’indépendance. L’ASN (Autorité de Sûreté Nucléaire) assure quant à elle, au nom de l’État, le contrôle de la sûreté nucléaire pour protéger les personnes et l’environnement. Elle doit également informer le public, y compris en situation d’urgence, et collabore avec les commissions locales d’information (CLI) impliquées dans la réflexion. L’IRSN (Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire) évalue pour sa part les risques nucléaires et radiologiques et les moyens de les réduire, en amont des décisions. Il s’appuie sur la recherche pour produire ses expertises techniques et scientifiques. Il compte tirer profit des concertations publiques pour prolonger les échanges avec la société civile, autour de thèmes comme le vieillissement des infrastructures ou encore les accidents graves. Enfin, EDF, l’exploitant, y voit une opportunité de renouveler la confiance des territoires en dialoguant autour de la sûreté nucléaire, et de faire œuvre de pédagogie auprès des publics.
La référence en matière de sûreté : l’EPR-Flamanville 3
Pour ce 4è réexamen, EDF se donne comme objectifs de sûreté nucléaire ceux fixés pour les réacteurs de 3è génération avec comme référence l’EPR-Flamanville 3. Après une analyse approfondie des installations, l’ASN veillera à ce que les travaux décidés soient correctement réalisés conformément au programme et au calendrier prévus. Les enjeux sont de deux ordres. De conformité tout d’abord, avec des tests de résistance des circuits hydrauliques, des modifications pour préserver la cuve du réacteur, des mesures pour anticiper l’usure des matériels et des contrôles pour l’étanchéité de l’enceinte de confinement. D’amélioration de la sûreté ensuite, en ajoutant un circuit supplémentaire qui permet d’évacuer l’énergie de l’enceinte en cas de fusion du cœur, en mettant en place un dispositif de rétention du corium*2. Sans multiplier les détails techniques, il faut aussi savoir que les contrôles sont permanents, afin de vérifier la conformité des installations par rapport aux conditions de sûreté. Dans une centrale, seules la cuve du réacteur et son enceinte de confinement ne sont pas remplaçables. Aussi, l’ASN oblige EDF à réaliser des contrôles poussés spécifiques. Cette réévaluation des dispositifs de sûreté nucléaire est répartie selon plusieurs thématiques : les accidents sans fusion du cœur, les agressions (sécheresse, gel, inondations, risques sismiques), les accidents avec fusion du cœur. À côté de ce volet « risques », EDF répond aussi à des objectifs du volet « inconvénients » par des bilans pluriannuels (prélèvements et consommation d’eau, rejets, nuisances, gestion des déchets, …). Enfin, la spécificité du 4è réexamen périodique est qu’il comprend un volet relatif à la poursuite ou non du fonctionnement de réacteurs pour la plupart mis en service dans les années 80. Il couvre notamment la maîtrise du vieillissement, de l’obsolescence, et celle du maintien de la qualification des matériels.
Des questions qui demeurent …
La concertation publique organisée à Saint-Laurent le 13 décembre dernier a réuni un nombreux public parmi lequel des intervenants très au fait de l’actualité du nucléaire, soit pour avoir travaillé dans ce secteur, soit pour être membres d’associations de défense de l’environnement comme Greenpeace, soit en tant qu’activistes résolument anti-nucléaires. Ils n’ont pas manqué d’interroger les représentants des organismes pré-cités*3. Et certaines questions ont donné lieu à des réponses parfois évasives ou ont simplement été éludées. Notamment quant à la pertinence d’avoir l’EPR pour référence en matière de sûreté, une technique qui, selon un interlocuteur, est loin d’avoir fait ses preuves et cumule les problèmes techniques. Si le problème d’éventuels attentats relève de la sécurité et donc du secret défense – ce qui en passant peut se comprendre – il a néanmoins été rappelé que les installations sont prévues pour résister au crash d’un petit avion. Estimé à 48 milliards d’euro, le coût de la rénovation a également fait débat, d’aucuns estimant qu’il serait plus judicieux d’investir cet argent dans le développement des énergies « propres » et renouvelables. Les sommes prévues permettront seulement de prolonger de 10 ans tout au plus la durée de vie de ces réacteurs ! Toutefois, la réponse apportée par EDF laisse à penser que l’opération reste malgré tout rentable et qu’après l’expertise, l’exploitation des réacteurs jugés trop vétustes sera de toute façon abandonnée. Occupant le parvis extérieur, le réseau Sortir du nucléaire 41 a, pour sa part, dénoncé ce qu’il a nommé une « pseudo » concertation sur des sujets très techniques auxquels le simple citoyen ne comprend pas grand-chose. Il s’est aussi interrogé sur les raisons qui motivent le rachat par EDF de terres agricoles situées autour des centrales, dont celle de Saint-Laurent, le tout loin des regards. Une question qui, étonnamment, n’a pas été posée lors de la concertation, même si elle n’était pas à l’ordre du jour.
Julien Roland, le mercredi, 16 janvier 2019
http://www.magcentre.fr/170155-le-nucleaire-a-encore-de-belles-annees-devant-lui/
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