Un grand débat peut en différer un autre. Le mouvement des « gilets jaunes » a ainsi obligé le gouvernement à remettre à plus tard la consultation sur le Plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs qui devait se tenir, à partir de janvier, sous la houlette de la Commission nationale du débat public. Le site d’enfouissement de Bure (Meuse) sera bien sûr au cœur des discussions.
Mais une autre question va être posée : face à l’accroissement du volume des déchets et rebuts à très faible activité (moins de 100 000 becquerels par kilo) généré par l’arrêt des installations nucléaires, qui va saturer le site de Morvilliers (Aube) dans dix ans, des experts de l’atome plaident pour la valorisation d’une partie d’entre eux.
La France est, en effet, le seul pays où tous les matériaux (terre, gravats, ferraille…) sortant d’un site nucléaire sont présumés contenir une contamination résiduelle. Ce qui les exclut du recyclage, même si leur radioactivité est inexistante ou inférieure à celle que l’on trouve dans la nature.
Dans un rapport publié en 2016, l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) juge que le système actuel a acquis « une bonne légitimité ». Il n’en propose pas moins de faire évoluer la doctrine et d’étudier la valorisation de certains rebuts. « La reconduction à l’identique des modes de gestion actuels n’est pas nécessairement la solution optimale », indique-t-il, plaidant pour une association étroite de la société civile à toute évolution.
Un projet contesté
Dans le cadre d’une économie circulaire, certains aciers et bétons pourraient être réutilisés, notamment par les exploitants de sites nucléaires eux-mêmes. L’IRSN pense notamment au recyclage par fusion de métaux à valeur ajoutée et au stockage de déchets très faiblement radioactifs sur des sites conventionnels. Car les contraintes de leur gestion sont parfois, selon lui, « disproportionnées au regard des enjeux radiologiques ». Il faudrait alors introduire, comme dans de nombreux pays, un seuil de libération en deçà duquel ils seraient réutilisables dans le domaine public, comme les matériaux conventionnels.
L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) est opposée à la création d’un tel seuil. Elle défend le maintien d’une filière spécifique « depuis la production jusqu’au stockage », jugeant qu’« une défaillance de contrôle est toujours possible ». Ce scénario est aussi rejeté par les écologistes, qui se battent depuis des années contre toute dérogation aux codes de la santé publique et de l’environnement. Il est exclu, pour eux, d’utiliser ces métaux dans la fabrication d’objets à destination du grand public. Inquiète d’un changement de réglementation, ou même de dérogations, la Commission de recherche et d’information indépendantes sur la radioactivité veut elle aussi mobiliser l’opinion dans le cadre d’un débat public dont la date n’est toujours pas fixée.
Par Jean-Michel Bezat, publié le 21 février à 06h00 sur le site : https://www.lemonde.fr/economie/article/2019/02/21/dechets-nucleaires-a-faible-activite-la-piste-de-la-valorisation-en-debat_5426074_3234.html que nous vous invitons à consulter régulièrement.
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