DÉCHETS NUCLÉAIRES : LE DÉBAT PUBLIC SUR LE PLAN NATIONAL SE TIENDRA D’AVRIL À SEPTEMBRE

Le débat public sur le plan national de gestion des matières et déchets radioactifs se déroulera d’avril à septembre. Ce débat, qui doit aussi être l’occasion d’une réflexion sur la gouvernance du nucléaire, souffrira de deux interruptions.

Le débat public sur le plan national de gestion des matières et déchets radioactifs (PNGMDR) pour la période 2019-2021 se déroulera du 17 avril au 15 septembre 2019, annonce la commission nationale du débat public, ce lundi 4 mars. L’objectif premier est de recueillir l’opinion des citoyens sur les principaux enjeux du PNGMDR. Mais la présidente de la commission particulière du débat public (CPDP) entend aussi saisir l’occasion pour aborder les modalités des débats publics et le rôle de la commission nationale chargée de les organiser : « Ce débat sera utile, car il peut aboutir à une modification pratique de la concertation », explique Isabelle Harel-Dutirou à Actu-Environnement. Elle espère ainsi initier la réflexion sur la gouvernance du secteur du nucléaire, mais aussi plus largement sur le rôle des débats publics. La CPDP a finalement obtenu un budget « conséquent », de l’ordre de 1,5 millions d’euros, pour organiser ce débat.

Un débat au long cours

La première étape sera l’ouverture, fin mars, d’un site internet dédié. Le débat sera ensuite inauguré avec une réunion publique qui se tiendra à Paris, à la maison de la Mutualité, le 17 avril 2019. Mais ce lancement ne sera que temporaire : le débat sera mis entre parenthèses après la deuxième réunion qui se tiendra la semaine suivante à Caen. En effet, les pouvoirs publics seront alors tenus par le devoir de réserve à l’approche des élections européennes du 26 mai. Pendant cette période, la CPDP se contentera de recueillir l’opinion des Français sur la gestion des déchets nucléaires. Les réunions publiques dans les principales villes régionales reprendront donc le 28 mai. Mais là encore, le débat sera interrompu un mois et demi plus tard pour « une trêve estivale, du 12 juillet au 3 septembre 2019 ». Les réunions s’achèveront avec deux jours de clôture et de restitution à Paris les 24 et 25 septembre.

Parallèlement, la CPDP a constitué un « groupe miroir » de quinze citoyens « recrutés dans les treize régions métropolitaines avec un effort de représentativité de la population française ». Ce groupe « s’implique tout au long du débat, notamment lors de trois temps forts : la sensibilisation et formation des citoyens aux enjeux du débat, l’approfondissement des connaissances et la rédaction collective de recommandations », explique la CPDP. De même, les jeunes seront impliqués par le biais de « l’atelier de la relève » qui « réunit pendant deux jours des étudiants issus de formations variées (ingénieurs, techniciens, gestion des déchets, sciences politiques, philosophie, épistémologie) pour découvrir ensemble comment la gestion des déchets radioactifs peut être éclairée par différentes disciplines ». Cet atelier sera notamment chargé de produire « un avis sur l’amélioration de la gouvernance ».

Gouvernance du nucléaire

Améliorer la gouvernance du nucléaire ? Ce thème devrait être inscrit en filigrane des débats. En effet, certaines associations sont « désenchantées », regrette Isabelle Harel-Dutirou, qui évoque notamment celles implantées à Bure (Meuse) qui ne souhaitent pas participer au débat. Ainsi, Mirabel Loraine Nature Environnement (Mirabel LNE), le Collectif contre l’enfouissement des déchets radioactifs (Cedra) et le réseau Sortir du nucléaire, ont préféré organiser dans le Grand Est un cycle de conférences sur les déchets nucléaires, de mi-décembre à fin avril. Ces associations ont été échaudées par le débat public de 2013 sur le projet Centre industriel de stockage géologique (Cigéo) de déchets nucléaires de haute et moyenne activité. Face à l’opposition d’une partie des participants, le débat avait été suspendu dès la réunion inaugurale. Finalement dématérialisé, le débat a ensuite pris la forme d’une conférence de citoyens.

L’un des principaux enjeux de ce nouveau débat public est de réintroduire le citoyen profane dans les échanges sur les déchets nucléaires. Pour y parvenir, la CPDP veut des réunions régionales didactiques. « Il ne s’agit pas d’offrir une tribune aux « sachants », mais de proposer des présentations ciblées pour sensibiliser les citoyens », insiste Isabelle Harel-Dutirou. Les réunions devraient notamment être accompagnées de grands panneaux explicatifs (kakémono) et être organisées dans une configuration circulaire pour rompre la distance entre des intervenants situés sur une estrade et des participants situés dans la salle. Cette organisation doit être moins professorale et plus conviviale.

Débattre du plan, mais pas des installations

Par ailleurs, la CPDP insiste sur le fait que le sujet de la gestion des déchets nucléaires va au-delà des questions techniques. Il y a un enjeu éthique qui interpelle au-delà du cercle des experts du nucléaire, explique sa présidente. En effet, le plan porte sur les trois prochaines années, mais certains des déchets nucléaires ont des durées de vie supérieures à 100.000 ans, pointe-elle.

Concrètement, explique Isabelle Harel-Dutirou, « on part du cycle du combustible, et on regarde les déchets créés à chaque étape et les enjeux associés ». Le débat portera notamment sur certains types de déchets (les plus dangereux, les déchets à haute activité, et les plus volumineux, les déchets à très faible activité) et sur des sujets clés, comme la sûreté et la sécurité, ou encore le financement de la gestion des déchets. Par contre, il ne s’agira pas de débattre des différentes installations en projet, comme celui de Bure ou la création d’une nouvelle piscine centralisée pour le stockage des combustibles usés. Sur ces questions, le débat ne portera que sur les besoins d’entreposage et éventuellement le type de l’entreposage (en piscine ou à sec). Avec le PNGMDR, « le débat porte sur les options de gestion des matières et déchets radioactifs, puis, ensuite, d’autres débats pourront aborder les différents projets associés ».

Par Philippe Collet, journaliste, publié le 4 mars 2019

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