JOURNAL D’UNE CATASTROPHE ANNONCÉE : 17 MARS

Où étiez-vous le 16 mars ?

Où étiez-vous ce samedi, jour de la « marche du siècle », lendemain de la grève mondiale pour le climat des jeunes ?

J’ai regardé autour de moi, dans le cortège qui avançait, tranquille, dans les rues de la ville. J’ai vu des amants marcher par paire, des amis se héler. J’ai vu des inconnus proposer de relayer les porteurs de banderoles.

 « NI NUCLÉAIRE, NI EFFET DE SERRE,

ENTRONS ENFIN DANS LA TRANSITION. »

J’ai vu une planète blessée, portée par des brancardiers. J’ai vu une toute petite fille tenir un carton, assise sur le siège d’un vélo tenu par son père. « Pas de nature, pas de futur » J’ai vu des familles avec poussettes tenir des pancartes colorées. « Je veux des poissons dans la mer », « Quand je serai grand, je voudrais être VIVANT. » J’ai vu des élus, de la ville, de l’agglo, de la région. J’ai vu des militants donner des tracts sur le glyphosate. J’ai vu un homme marcher seul dans la foule, son panneau brandi, jusqu’au bout. « Sortons de l’âge du pétrole ». J’ai vu des artistes. J’ai vu des mamies et des papis. 

Des phrases étaient tracées à l’encre sur un carré de carton. Des fleurs en papier, des arbres dessinés « Sans planète, on aura l’air con ». « La nature n’est pas qu’un joli fond d’écran ». « Ta planète, tu la préfères bleue ? saignante ? Ou bien cuite ? » « Stop déforestation. Forêt=poumon ». « Maintenant ou jamais ». « OISEAUX, POISSONS, RÉVOLUTION ». « Vos actions, notre poison ». « Nique pas ta mer ». « L’humanité court à sa perte, mais elle y va en voiture ». 

La foule portant ces panneaux avançait sous le radieux soleil du réchauffement climatique. 

Des gens attablés aux terrasses des cafés nous regardaient passer.

Une marée noire avançait vers les côtes. 2500 voitures reposaient dans des containers par 4000 m de fond. 

L’Assemblée nationale repoussait l’interdiction « de la production, du stockage et de la vente de produits phytopharmaceutiques destinés à des pays tiers et contenant des substances prohibées par l’Union européenne ». Les firmes de produits pharmaceutiques finançaient des partis politiques européens.

Les députés rejetaient l’inscription dans la loi de l’interdiction du glyphosate. L’Agence nationale  de sécurité sanitaire continuait à mentir. Le Sénat continuait à rejeter toute limitation d’usage des produits. Le taux de carbone dans l’atmosphère terrestre continuait à grimper.

J’ai regardé autour de moi, ce samedi 16 mars. On s’est compté. On était 1300 à La Rochelle. 350 000 dans toute la France selon Greenpeace. J’ai compté et recompté. Dans ma famille, on était 15%. Dans mes amis, davantage. La moitié peut-être ? En repartant de La Rochelle, nous sommes passés devant la grande zone commerciale. Il y avait des voitures partout. Normal, c’est samedi et les bus ne passent pas dans la zone. « L’humanité court à sa perte, mais elle y va en voiture ». Il parait que notre cerveau est programmé pour ça. Se gaver, jusqu’à en crever. Pas réagir aux phénomènes globaux, se démener pour remplir le frigo. C’est pas qu’on n’aime nos enfants, non, c’est pas ça. Dites-moi, où étiez-vous le 16 mars ?

Le journal d’une catastrophe annoncée est un blog créé sur la maison d’édition La nage de l’ourse

Le Club est l’espace de libre expression des abonnés de Mediapart. Ses contenus n’engagent pas la rédaction.

Par Véronique Duval, publié le dimanche 17 mars 2019

https://blogs.mediapart.fr/edition/vert-tige/article/170319/journal-dune-catastrophe-annoncee-17-mars