LE PANNEAU « PHOTOHYDROGÉNIQUE », UNE INVENTION BELGE QUI MÉRITERAIT UN PRIX NOBEL

Si cette invention se déploie au plan industriel, ce serait une avancée considérable qui mériterait un Prix Nobel: un panneau solaire à hydrogène renouvelable, avec un rendement équivalent à celui d’un panneau photovoltaïque, mais en évitant l’usage d’un électrolyseur pour produire l’hydrogène. On croit rêver … Comme le dit le chef d’équipe, le Professeur Johan Martens, « The sky is the limit« .

Depuis plusieurs années, ce blog prédit l’avènement de l’hydrogène renouvelable, comme mode de stockage d’énergie universel pour remplacer les énergies fissiles (ou nucléaires) et fossiles (charbon, pétrole, gaz naturel, etc.)

L’hydrogène renouvelable, c’est le chaînon manquant des énergies renouvelables, car c’est un mode de stockage de ces énergies qui présente les mêmes avantages pratiques que le gaz naturel (mais avec une densité énergétique plus élevée). Cet hydrogène peut alimenter des véhicules de toutes tailles, du vélo électrique à la fusée, en passant par la moto, la voiture, le bus, le camion, le train, le bateau, etc. Cet hydrogène peut servir aussi à produire du chauffage et de l’électricité pour les habitations, les hôpitaux, les bureaux, etc.

Et voilà que des ingénieurs belges de l’université néerlandophone de Louvain, la KU Leuven, viennent de présenter une invention qui constitue une avancée majeure: un panneau que je propose d’appeler « photohydrogénique » (un mot que Google ne connaît pas encore). Ce panneau produit de l’hydrogène à partir d’énergie lumineuse, à l’instar d’un panneau « photovoltaïque » qui produit de l’électricité également à partir d’énergie lumineuse. Le génie de cette invention n’est pas seulement de produire directement de l’hydrogène, mais aussi de ne nécessiter aucun réservoir d’eau, car c’est « simplement » l’eau contenue dans l’air qui est scindée en oxygène et hydrogène.

Pour le coup, il faut déjà augmenter la nomenclature énergétique présentée précédemment, en parlant de « photohydrogène » comme une sous-branche de l’hydrogène renouvelable.

Se passer d’un électrolyseur, cela représente une simplification technologique avec un gain considérable tant financier qu’énergétique, car un électrolyseur coûte cher et son rendement avoisine seulement 70%.

Le gain financier sera évident si, produits en série, les panneaux photohydrogéniques deviennent bientôt aussi bon marchés que les panneaux photovoltaïques.

Si cette invention tient ses promesses et passe en production industrielle, elle va bouleverser les vieux modèles économiques (business models) des énergies conventionnelles, mais aussi les nouveaux modèles économiques en matière d’énergies renouvelables.

D’une part, c’est le modèle économique de l’industrie des panneaux photovoltaïques qui sera secoué. Ces panneaux ne seront plus utiles que là où l’électricité produite par ces panneaux peut être consommée immédiatement, sans être stockée.

D’autre part, c’est le modèle économique des principaux producteurs d’hydrogène renouvelable qui sera secoué. Le canadien Hydrogenics, le norvégien NelASA ou les français McPhy et Areva H2Gen qui vendent des électrolyseurs verront leur marché amputés du photovoltaïque comme source d’électricité renouvelable. La portée de leur modèle économique se réduira à l’hydrogène éolien ou hydroélectrique, deux autres sous-branches majeures de l’hydrogène renouvelable dont la production requiert des électrolyseurs. Mais, même la production d’hydrogène éolien et hydroélectrique pourrait subir la concurrence de panneaux photohydrogéniques plus rentables. Il reste que ces producteurs d’hydrogène renouvelable vendent aussi des solutions de compression/liquéfaction de l’hydrogène, des solutions dont ne parle guère les inventeurs des panneaux photohydrogéniques. En bref, c’est le modèle économique du « power-to-gas« , basé sur l’utilisation d’électrolyseurs, qui se voit soudain concurrencé/fragilisé par un nouveau modèle qu’on pourrait appeler « light-to-gas » ou « photo-to-gas » qui ne passe pas par la génération d’un courant électrique et se passe d’électrolyseurs.

De plus, l’annonce faite par les chercheurs de la KU Leuven suggère un nouveau modèle économique de vente des panneaux photohydrogéniques aux particuliers pour le chauffage des maisons avec un stockage saisonnier. L’hydrogène produit en été serait utilisé en hiver pour le chauffage. Un tel modèle, que je propose d’appeler poétiquement une « fenaison hydrogénique« , favoriserait l’autoconsommation qui n’est guère commode avec des panneaux photovoltaïques.

En prime, le modèle économique des voitures électriques à batteries (Tesla et autres ZOE) qui est déjà caduque, comme nous l’avons expliqué sur ce blog à plusieurs reprises, serait encore bousculé par une production d’hydrogène plus efficace et moins chère.

Avec autant de remise en question ou de simplifications de modèles existants, l’invention du panneau photohydrogénique est bel et bien une invention révolutionnaire dont les inventeurs mériteraient un Prix Nobel.

Voici l’annonce faite par la KU Leuven : KU Leuven scientists crack the code for affordable, eco-friendly hydrogen gas.

En voici une version PDF en date d’aujourd’hui 6 mars 2019 (pdf, 1.3 MB).

Pour ceux qui maîtrisent la langue de Vondel, voici l’article original (26 février 2019): Belgische wetenschappers kraken de code voor betaalbare groene waterstof.

Le potentiel est tellement énorme que, s’il s’agit d’une invention protégée par un brevet et qui ne cache pas d’inconvénient majeur (en termes de projets concurrents, de composants onéreux, …), la KU Leuven devrait encaisser bientôt des montagnes de royalties. Une telle invention, si elle est proposée en bourse, devrait vite susciter un afflux de capitaux par dizaines de milliers, voire par centaines de milliers d’euros.

Mais ne nous emballons pas trop vite et attendons plus de précisions et de démonstrations. En matière d’hydrogène énergétique, il nous est arrivé d’être déçu par une invention de stockage solide n’ayant fait émerger aucun modèle économique pertinent plusieurs années après avoir été annoncée.

Si un potentiel industriel existe vraiment en matière de panneaux photohydrogéniques, alors il est permis de penser qu’il valait mieux que la découverte soit faite en Belgique plutôt qu’en France, où elle serait fortement susceptible d’être retardée (voire étouffée ou phagocytée) par les lobbies nucléaires ou pétroliers, de lobbies puissants et mortifères qui gangrènent la culture française dominante, celle des bien-pensants.

À suivre …

https://blogs.mediapart.fr/jean-lucien-hardy/blog/270319/le-panneau-photohydrogenique-une-invention-belge-qui-meriterait-un-prix-nobel

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