ÉDITORIAL. La Conférence du désarmement (CD), institution multilatérale semi-onusienne installée au Palais des Nations à Genève, est bloquée depuis deux décennies. Elle doit retrouver son âme
Faut-il tuer la Conférence du désarmement (CD) qui célèbre ses 40 ans d’existence? Depuis 1996, cette institution emblématique qui siège au Palais des Nations à Genève est engluée dans les blocages, en quête de pertinence. Après ses deux succès les plus retentissants datant des années 1990, la Convention sur l’interdiction des armes chimiques et le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires, elle n’a plus rien produit de substantiel. A l’heure où la course aux armes nucléaires et conventionnelles repart de plus belle et où le multilatéralisme traverse une sévère crise, le statu quo est pourtant très risqué.
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Dans une époque où l’ONU s’attire les foudres des nationalistes et des populistes, l’institution semi-onusienne ne peut rester aussi inopérante. Elle doit se réformer. Dans un monde multipolaire plus chaotique, le consensus rigide mène à l’impasse. La CD n’arrive même pas à s’entendre sur un programme de travail. Sa composition pose aussi problème. Se limiter à 65 États membres, c’est oublier que le désarmement est un défi global.
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La CD n’agit pas dans le vide. Elle subit les tourments géopolitiques du moment. Les experts le prédisent déjà: 2019 sera une année «en jachère», presque inutile avec des présidences tournantes politiquement chargées exercées par l’Ukraine, les États-Unis et le Venezuela. Les violents affrontements verbaux entre Washington et Moscou de mars dernier n’augurent rien de bon.
Paradoxalement, l’enceinte genevoise pourrait justifier son utilité par le seul fait d’exister. Elle a contribué à créer un écosystème du désarmement dont elle est la matrice. C’est important. Le désarmement n’est plus l’affaire des seuls États, il concerne aussi la société civile. ICAN, la Campagne pour l’abolition des armes nucléaires récipiendaire du Prix Nobel de la paix 2017, l’illustre bien. Genève abrite aussi les secrétariats des conventions d’Ottawa sur les mines antipersonnel et d’Oslo sur les bombes à sous-munitions ainsi que celui du Traité sur le commerce des armes. Mais aussi les trois centres de la Confédération sur la politique de sécurité, le contrôle démocratique des armées et le déminage humanitaire.
La paix et la sécurité ne sont plus des domaines unidimensionnels. Elles touchent à l’humanitaire, à la santé, à la technologie, à l’internet. Une interdisciplinarité dont Genève a le secret et qu’elle doit cultiver…
Par Stéphane Bussard, publié dimanche 7 avril 2019 à 21h58, modifié dimanche 7 avril 2019 à 22h00.
https://www.letemps.ch/opinions/une-reforme-survivre
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