NUCLÉAIRE. QUARANTE ANS APRÈS, LE COMBAT DE PLOGOFF REVIT AU FESTIVAL DE CANNES

Le film Plogoff, des pierres contre des fusils (1980), sera projeté en version restaurée au 72ème Festival de Cannes.

C’était en 1980. Le village de Plogoff (Finistère), 2 300 habitants, se soulevait contre le projet d’installation d’une centrale nucléaire en bordure de la baie d’Audierne, non loin de la pointe du Raz.

Ce combat, les Pont-l’abbistes Nicole et Félix Le Garrec (elle scénariste, lui photographe) l’ont filmé durant les six semaines qu’a duré l’enquête d’utilité publique.

Plogoff, des pierres contre des fusils, est devenu un documentaire emblématique de cette période ; le projet sera abandonné en 1981, une promesse de François Mitterrand.

« J’ai senti qu’il se passerait quelque chose d’important là-bas, que ce village gaulois allait résister », se souvient Nicole Le Garrec, 77 ans.

Son film est dans la dernière ligne droite de sa restauration, quarante ans après sa sortie, au laboratoire Hiventy, en région parisienne, avec l’aide du CNC et le soutien de la Région Bretagne et de la Cinémathèque de Bretagne.

« Plogoff a une vraie richesse patrimoniale : un propos fort sur un passage de l’Histoire, et très documentaire d’une époque », souligne Audrey Birrien, responsable gestion de projets des films patrimoniaux chez Hiventy.

Pas un sou

Avec une caméra d’occasion, et « pas un centime de budget », le couple va jusqu’à hypothéquer leur maison pour mener leur projet à bien. « J’étais très têtue », glisse Nicole Le Garrec.

Mais il y avait là un vrai sujet : des gens qui venaient de partout pour soutenir les Plogoffistes, pour la plupart des retraités de l’armée, des marins, fonctionnaires, qui avaient toujours respecté la hiérarchie.

J’ai trouvé intéressant ce basculement vers l’engagement ». Et les femmes, qui prennent une part « décisive » dans cette résistance.

Sorti en salles en novembre 1980, Plogoff devient le premier long-métrage breton réalisé et produit en Bretagne à bénéficier d’une distribution nationale. « C’était une fierté, surtout sur un territoire où le cinéma balbutiait ».

« Tout était à faire. »

Et, « consécration ! », il vient d’être officiellement sélectionné dans la section parallèle du festival de Cannes, Cannes Classics, dédiée au cinéma de patrimoine.

« On a eu du mal à réaliser. Ce film nous a toujours surpris, et il continue à nous surprendre, quarante ans après… », sourit Nicole Le Garrec, pour qui son film est resté « jeune », délivrant un message « actuel » : « ne cédons pas au pessimisme, il est toujours possible de se battre pour la planète ».

« Réévaluer l’actualité brûlante »

Gérald Duchaussoy, le sélectionneur en charge de Cannes Classics, parle du film comme d’un excellent moyen de rebondir sur l’actualité, avec des mobilisations comme celles des Gilets jaunes ou des antinucléaires. « L’histoire du cinéma permet de réévaluer l’actualité brûlante », plaide-t-il.

Il estime que la France a un « appétit pour les documentaires » et insiste sur le fait que « pour qu’un documentaire soit encore bon trente ou quarante ans après, il faut vraiment qu’il soit béton ». C’est donc le cas de Plogoff, des pierres contre des fusils (1980), dont il trouve la restauration « très respectueuse ». « Son aspect visuel est intéressant, avec un mélange de photos et vidéos très incisif », vante Gérald Duchaussoy. »

Par Elvire SIMON et Camille MORDELET

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